Coup de fouet
Dossier

Coup de fouet

Le choix

Brun, le visage encore un peu infantile, doté d’un corps qui donne l’impression qu’il a grandi trop vite, Andrew n’est plus un enfant, ni même un adolescent. C’est un jeune adulte de 19 ans, confronté au choix de ce qu’il veut faire dans la vie. Abandonné par sa mère à sa naissance, il vit avec son père qui le surprotège à la façon d’un papa poule. Depuis son enfance, il aime la batterie, peut-être aussi parce qu’avec cet instrument particulier (qui n’est pas un violoncelle ni une flute traversière) il parvient à traduire quelque chose de sa colère, de sa rage de vivre : en frappant avec ses baguettes, il crée un rythme qui irradie tout son corps de vibrations et le soulage. Côté familial, le choix d’Andrew de faire du jazz sa profession semble peu comprise : même si son père a accepté son inscription au Conservatoire en classe de première année, Andrew sent bien qu’il aurait préféré qu’il suive la voie de ses cousins, champions sportifs, musclés, inscrits dans des universités prestigieuses d’économie, fiancés avec de belles filles, pour donner au rêve phallique sa parfaite caricature. Mais lui, préfère le jazz, la solitude de ses répétitions, qui lui donnent accès à une jouissance autre. A l’heure des choix, sur quel modèle identificatoire s’appuyer ?

Son père veut tant se faire aimer de son fils qu’il est incapable de manifester la moindre agressivité : a-conflictuel, dans l’empathie, il lui donne une protection tendre mais aliénante. Comment se révolter contre ce papa poule, père-mère, si proche, si compréhensif, qui occupe dans une forme d’emprise, tous les fronts du maternage ? Comment l’attaquer, ce père-frère, lui aussi abandonné, qui lui répète « tu sais que je ferais tout pour toi… ». Dans ces conditions de dette et de dépendance, l’ambivalence affective est difficile à mettre en place tout du moins consciemment. On entend que les composantes haineuses interdites dans le lien à son père puissent trouver dans le « battre » du battement de ses baguettes une forme sublimée. Professeur d’université en littérature, écrivain raté, son père le met à l’abri de la vraie vie, dans le confort et la sécurité manifeste des biens de possession. D’allure un peu dépressive, mais surtout phobique de toute manifestation agressive, il est du style à s’excuser lorsqu’il se fait bousculer par des malotrus. C’est un père incapable de s’imposer. Pour lui, comme pour le reste de la famille, « gagner sa vie » se mesure en devises économiques, en confort matériel et en respectabilité. Pour Andrew, difficile de s’identifier à ce modèle d’homme, abandonné par sa femme, qui a renoncé à ses rêves,… Dans ce système où sa place de fils aimé lui est inconditionnellement prouvée, c’est l’inconfort le plus total : haine et colère sont interdites, de sorte que l’advenir conscient de l’ambivalence affective semble impossible, sauf peut-être par la batterie. Avec ce père, avec qui il regarde des films à côté d’un gigantesque pot de Pop Corn, difficile de sortir du sommeil de la latence. Andrew a besoin d’un modèle plus vitalisant, plus glorifiant. Il trouve chez son professeur de musique au conservatoire un modèle absolument opposé : intraitable, étranger, inquiétant, dur jusqu’au sadisme, celui-là ne redoute pas les conflits, il crache même sur les normes sociales dans la poursuite de son idéal. Son credo : travailler toujours plus dur, ne pas croire que la place conquise est définitive, se battre pour accomplir son rêve : l’idéal du son, la perfection musicale. Celui-là n’en a rien à faire de se savoir aimé ou détesté. À partir du moment où il donne la chance à un jeune d’intégrer sa classe élite, ce dernier doit pouvoir se dépasser, fut-ce au prix de sa destruction. Avec ce père de la horde, Andrew pourra réaliser des rêves plus fous. Pulsionnel, violent jusqu’à la férocité, il incarne le modèle transférentiel d’un père dont Andrew a cruellement manqué : Andrew aime immédiatement cette mégalomanie féroce (comme si elle rimait forcément avec le génie) : il répète avec abnégation chaque nuit jusqu’à ce que ses doigts coulent le sang ; il calme alors ses douleurs en trempant ses mains dans des bacs d’eau glacée. Progressivement, à bout de forces, il repousse les limites de ce qui était encore injouable pour lui auparavant… ce père là, en plus de le vénérer, il pourra l’insulter, l’attaquer, le dépasser, le tuer. C’est en appui sur ce modèle qu’il va, avec une énergie aussi furieuse que désespérée, tout mettre en œuvre pour gagner sa vie, non pas en termes de dollars ou de confort d’existence mais bien du côté de la réalisation d’un idéal, à l’instar d’Icare, toujours plus haut… Lui faut-il se racheter du départ de sa mère ? Si sa naissance coïncide avec un remaniement familial désastreux – il a enlevé sa femme au père – sa vie même l’inscrit dans la réussite d’un vœu œdipien. Et peut-être, en choisissant de ne pas se contenter d’une vie sécuritaire faussement confortable, il rejoint fantasmatiquement sa mère dans un au-delà du maternel, (une mère qui a abandonné son mari et son enfant pour vivre sa vie de femme) un au-delà scandaleux, non conforme aux idéaux normopathiques.

Les cinéphiles auront reconnu les deux personnages principaux du film Whiplash : Andrew Neimann interprété par Miles Teller, et le terrible Terence Fletcher, interprété par J. K. Simmons. Pourquoi 2 et non 3 ? Car le film ne parle que de leur lien. Fletcher fait enfin exister un père avec lequel la question du parricide devient dynamique. Ce lien d’apprentissage sadomasochiste, infiltré d’une destructivité sans égale, permet toutefois à Andrew de se tirer du lien d’emprise sadomasochiste latent qui le liait à son père biologique. On note d’ailleurs un parallèle entre son destin de musicien et son destin d’homme désirant, car ce n’est qu’après avoir attiré Fletcher par sa musique, qu’il peut repérer le désir qui le traverse vis-à-vis d’une jeune femme, Nicole. Quelque chose de l’enfant en latence meurt en lui. Cette mise en parallèle des deux destins est intéressante car, en plus de souligner la bisexualité psychique (le transfert homosexuel est au cœur du lien entre Andrew et Fletcher) elle met également en perspective la mise en concurrence du processus de sublimation et de l’amour objectal. Mais l’histoire avec Nicole ne va pas très loin : cette dernière n’a pas trop d’ambition, n’aime pas trop la fac où elle est inscrite en Arizona, dit avoir le mal du pays. Lorsqu’elle demande à Andrew pourquoi il est au conservatoire Shaffer, sa réponse est claire : « c’est la meilleure école de musique de New York, donc la meilleur école de musique du Pays (sous entendu, du Monde) ». Un malaise s’installe entre les deux jeunes gens. La veille d’un concours important, Andrew rompt avec elle. Il sait que toute son énergie doit être tournée vers la batterie. Il n’a plus le temps de badiner avec l’amour objectal. Les idéaux narcissiques d’Andrew dépassent la modeste ambition de Nicole de se trouver simplement bien avec un amoureux de son âge. Lors du rendez-vous de rupture, il utilise l’identification projective pour lui énoncer toutes les étapes futures de leur délien. Il sait pour elle ce qu’elle ressentira, sait à l’avance comment cela va se terminer, et préfère leur épargner à tous les deux de perdre du temps. Même si ses arguments sont d’une rare lucidité, on entend qu’Andrew est devenu lui aussi un tyran, un mini Fletcher.

Andrew s’est approprié son ordre. Et si la contrainte externe a pu devenir interne, grâce au processus d’identification narcissique à l’agresseur c’est aussi par l’édification d’un idéal commun, une légende du jazz, porteuse d’espoir : Charlie Parker, alors encore jeune musicien inconnu, jouait un solo lors d’une session avec des professionnels – dont l’un était le grand batteur Jo Jones. Parker, ce jour là, joua si mal que Jones lui jeta une cymbale à la tête, manquant juste de le décapiter. Après ce geste violent et humiliant, Parker rentra chez lui et pratiqua si férocement qu’il revint un an plus tard pour réinventer le jazz moderne. Ce mythe devient la clé de voûte de leur lien : « T’es pas là par hasard, tu crois à ça n’est-ce pas ? » demande Fletcher ; « – je suis pas là par hasard » répond Andrew. Le contrat sado-masochiste est posé. Immédiatement, le miracle de son intégration vire au cauchemar : la pédagogie d’apprentissage musicale du mentor pourrait rappeler le dressage militaire de Full Metal Jacket : rabaissement, humiliations, mise en concurrence des camarades, néantisation de ceux qui ne jouent pas selon son désir, jusqu’à une forme de violence physique – apprentissage du rythme à coup de claques, vols de chaises et d’instruments lancés aux musiciens dans la classe… aucune compassion de ce père de la horde pour la communauté de ses fils. Comme dans une conversion religieuse ou dans une forme extrême de transfert passionnel, Andrew, ne vit plus que pour plaire à son Dieu vivant. L’adoration, ici mise en dialectique avec la haine, donne naissance à ce sentiment particulier qu’est la rage du désespoir.

La mégalomanie narcissique devient une sorte de moteur de son apprentissage musical. Elle lui permet de repousser toujours plus loin les limites de son corps. Il joue jusqu’à s’en faire saigner les doigts. Lorsque le sang coule, il est sûr de vivre, même si c’est dans une vie furieuse : il a un corps, il existe dans les battements de son sang. A travers cette quête auto-générée de sensations extrêmes mobilisant la douleur, Andrew, dans une dynamique addictive, se shoote à quelque chose de trop puissant dans la vie. Son inconfort, sa douleur, lui servent à tenir ses objectifs rythmiques. Comme le souligne Catherine Chabert (2009) dans l’article « Blessures du corps, blessures de l’âme », la dépendance à la douleur auto-infligée peut s’étayer sur « un plaisir farouche, sauvage, pris dans un commerce dangereux avec la mort, une sorte de jouissance extrême dans l’affirmation simultanée d’une toute puissance absolue et d’une faiblesse toute aussi absolue. »1. Dans sa thèse sur les étudiants inscrits dans les classes préparatoires Roxane Dejours (2016) souligne le risque d’une « identification masochique se traduisant par le besoin de se faire souffrir en se tuant à la tâche, le travail acharné se constituant alors comme tentative de rachat d’une faute vouée à devenir impardonnable du fait du retour inévitable du besoin de punition à chaque fois que la réussite recherchée est effective. »2. On retrouve dans les accidents ou actes manqués d’Andrew renouvelés au moment des concours cette même dynamique mêlant un masochisme moral et un masochisme érogène sévère. Lors du concours d’Overbrook, il perd la partition ; lors du Concours de Dunnellen il oublie ses baguettes. Un autre batteur (Connolly) est sur le point de le remplacer ; il ne lui reste qu’une poignée de minutes pour faire l’aller-retour en voiture pour aller chercher ses baguettes. Fonçant comme un fou sur la route, il a un accident grave. Mais en dépit de ses blessures et du choc, tout ensanglanté, il s’installe sur scène même s’il ne peut plus tenir ses baguettes. Fletcher interrompt le set, s’approche de lui et lui lance : « Neimann, t’es fini. ». Comme pour lui dire : « tu vois, je t’ai presque amené à l’état de cadavre, et voilà ce que tu donnes au plus loin de ce que tu peux ! Ce n’était donc pas toi. » Andrew se jette sur lui, le plaque au sol en l’insultant. Après quoi, il est renvoyé du Conservatoire. Le père d’Andrew engage une avocate pour porter plainte contre Fletcher et ses méthodes extrêmes. On apprend qu’un élève de Shaffer s’est suicidé après avoir souffert d’épisodes dépressifs qui ont débuté à son entrée dans la classe de Fletcher. « Pourquoi tu m’infliges ça, papa ? » demande Andrew. Par ces propos, on peut entendre dans quelle mesure Andrew vit l’attaque contre son ancien idéal héroïque (idéal du moi tyrannique) comme une attaque narcissique contre lui-même. Mais la revanche du père-mère sur le père transférentiel est engagée. La plainte est déposée, et le professeur Terence Fletcher est limogé.

Les deux protagonistes ont perdu cette école qui était tout pour eux. La loi est passée par là, elle est venue les destituer de ces places folles. Plus tard, ces deux peuvent se retrouver autrement. Alors qu’il sort du fast food où il travaille, Andrew remarque sur l’affiche d’un club de jazz, le nom de Fletcher. Comme hypnotisé, il se rend au concert du soir. La scène est curieuse car on y découvre un Fletcher au piano, jouant un répertoire assez pâle, style musique pour ascenseur… A la fin du set, alors qu’il tente de partir en douce, Fletcher le rattrape. L’ancien professeur dans une forme de confession, justifie ses méthodes extrêmes : en dirigeant ainsi ses élèves, il souhaite pousser ses musiciens au-delà de ce que l’on peut attendre d’eux normalement. Pour lui, la pire chose qui peut être dite à un jeune artiste est « travail correct » parce que l’autosatisfaction et la complaisance sont les ennemis du progrès artistique. Il lui ressert ensuite l’histoire de Charlie Parker… et lui dit aussi : « je n’ai jamais rencontré de Charlie Parker, mais je ne peux pas m’en vouloir d’avoir essayé ». Avant de se séparer, il invite Neimann à remplacer son batteur actuel lors d’un prochain concert programmé à Carnegie Hall pour l’ouverture du festival JVC ; le band jouera les standards qu’ils ont travaillé au Conservatoire. Le jour dit, juste avant le premier set, Fletcher s’approche d’Andrew, lui tend une partition inconnue et lui lance « Tu me prends pour un con ? Je sais que c’est toi ». La formule est ambiguë : on peut entendre :

– Je sais que c’est toi qui m’a dénoncé, toi à cause de qui j’ai perdu mon poste.

Ou bien :

– Je sais que c’est toi, l’espoir du jazz, celui qui peut s’envoler après s’être ridiculisé.

La prestation d’Andrew est désastreuse. Lors de l’entracte, son père lui demande de rentrer avec lui. Andrew refuse. Il monte sur scène, commence à battre et lance Caravan. Alors que le morceau touche à sa fin, Andrew s’engage contre toute attente dans un solo improvisé : « je vous ferai signe » puis, il entre en transe. On ne sait plus s’il s’entend, il est dedans. Le réalisateur Damien Chazelle fait diminuer le son jusqu’à ce que le spectateur n’entende plus qu’un frêle écho de ce qui peut être joué. La lumière s’éteint, on est au fond de son corps, il n’y a plus que le rythme. Des plans serrés laissent juste entrevoir dans le silence des images de son corps qui souffre, sue, grimace… Manière de faire entendre que lors d’une transe, les lois qui régissent la perception consciente ne sont plus de mise. Au bout de quelque temps, Fletcher s’approche de lui, le fait revenir dans la réalité en apprivoisant son tempo avant d’en reprendre progressivement la direction ; ce qui permet à l’orchestre de reprendre le thème et de terminer le morceau sous les applaudissements enragés du public. Fletcher sourit à Andrew (un sourire de loup). Andrew a gagné la partie au Carnegie Hall. Il a gagné l’estime d’un animal aussi sauvage qu’exigeant.

Contraintes de mort, contraintes de vie : de la rage à l’extase

La fin du film ouvre à multiples réflexions : car, oui, c’est une forme de Happy end ; après le cauchemar de l’apprentissage-dressage, de l’échec cuisant de sa performance au premier set, Andrew ne s’effondre pas, il se relève et se révèle ; dépassant toutes les limites que même Fletcher n’aurait pu imaginer, il ne lui importe plus de lui plaire mais de se réaliser. Pendant le solo extatique d’Andrew, un gros plan rapide fait apparaître le visage médusé du père : le familier Andrew, couplé avec sa batterie est devenu étranger. Et sa batterie se met à chanter, même s’il saigne des doigts. Après cette performance, on peut se demander si le film – en exhibant le pire de ce qui peut être vécu du côté de l’apprentissage musical ne nous amènerait pas finalement à célébrer l’idéologie néolibérale pragmatique américaine pour laquelle vaut le crédo : « si tu veux, tu peux ». Au final, qui triomphe ? Est-ce vraiment Andrew ? Ou finalement, les méthodes sadiques de Fletcher ? Ou bien, la rencontre de deux rêves qui ne pouvaient se réaliser que conjointement ? Si la méthode est folle, elle marche pourtant avec Andrew…

Au-delà de la problématique identificatoire très vive dans ce film, au-delà de la question si importante du transfert dans les apprentissages musicaux, le film de Damien Chazelle est aussi un plaidoyer pour les nécessaires contraintes dans les apprentissages. Dans la littérature psychanalytique, la notion de contrainte, soit rabattue du côté de la névrose obsessionnelle, soit, plus métapsychologiquement, du côté de la compulsion de répétition, est souvent tirée du côté d’une pulsionnalité mortifère. Sa réputation est plutôt négative ; on la voit mal ou peu associée à la notion de liberté. Il faudrait donc pouvoir dompter cette démoniaque contrainte à répéter pour se libérer de ses entraves. C’est exactement ce que fait Andrew : il passe d’une contrainte passive (se soumettant à l’ordre de la réalité externe) à une appropriation active de la contrainte (obéissant à un ordre interne devenu une véritable nécessité) lui permettant de dompter ses pulsions pour accéder à la culture, et s’inscrire dans l’œuvre de civilisation. 3 (opposé dialectiquement à celle d’un masochisme mortifère), comment penser le masochisme sans le sadisme ? Il n’est guère de travaux psychanalytiques portant sur l’idée d’un sadisme gardien de la vie sinon peut-être, de façon connexe, dans les travaux de Nathalie Zaltzmann4 sur la pulsion anarchiste ou sur « le mal ». La violence, la destructivité, ont leur part dans la création artistique. La rage de vaincre interroge fondamentalement le lien entre exaltation et destructivité. Pourquoi l’amour serait-il – dans ces honorables affaires de sublimations – exonéré de ses liens contigus avec la rage, la haine, le désespoir, la destructivité ? Whiplash en anglais signifie « coup de fouet ». Le titre annonce quelque chose d’une radicale sortie du sommeil de la latence. Car si Andrew, à plusieurs reprises connaît des moments d’exaltation avec sa batterie et son professeur sadique, il parvient in fine à entendre et à dompter la musique.

Il y a donc une bascule dans ce film puisqu’on assiste non seulement à une différenciation mais aussi à une subjectivation. Jusqu’à cette scène finale, Andrew se tient dans une posture de servitude volontaire, il prend une part active dans son propre asservissement, identifié de manière folle à son héros tyrannique. Le paradigme de l’identification narcissique prend ici toute sa valeur. Et l’on connaît avec la psychanalyse, au-delà de ses liens avec les expressions de la manie-mélancolie, toute sa dimension mortifère.

Et pourtant, à la fin du film, Andrew désobéit, dans une improvisation créative « de survie »5 (C. Dejours, 2001). En désobéissant, il impose son rythme à l’orchestre qui le suit, confisque la direction à Fletcher. Il n’est plus le petit puceau qui obéit, il est un jeune batteur qui, en faisant corps avec son instrument, capte et capture toute l’attention du public du JVC festival à Carnegie Hall. A la fin du film, dans la rage du désespoir aussi vive que celle de vaincre, dans la transe de l’extase, Andrew est devenu quelqu’un.

Notes

  1. Chabert C. (2009) « Blessures du corps, blessures de l’âme. Psychothérapie d’une jeune fille diabétique présentant de graves troubles des conduites alimentaires ». in Psychologie clinique et projective, 1, n° 15, p. 19.
  2. Dejours R. (2016) « Classes préparatoires, Grandes Écoles et entrée dans l’âge adulte : entre renoncement pulsionnel et sexualité », Thèse de Doctorat, Université Paris Descartes, sous la direction du Pr Michèle Emannuelli, Soutenue le 10 octobre 2016, Université Paris Descartes, inédit, p. 352.
  3. Rosenberg B., « Masochisme mortifère et masochisme gardien de la vie », in Les cahiers du Centre de Psychanalyse et de Psychothérapie, Masochismes, 5, 1982. Voir aussi Rosenberg B. (1999) Monographies de la Revue Française de psychanalyse, (1999) Masochisme mortifère et masochisme gardien de la vie, Paris, PUF.
  4. Zaltzman N (1988), De la guérison psychanalytique, PUF.
  5. Dejours, C. (2001), Le corps, d’abord. Corps biologique, corps érotique et sens moral, Petite Bibliothèque Payot, 2003.
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