“Intégration” vs “complémentarité” entre neurosciences et psychopathologie psychanalytique périnatale
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“Intégration” vs “complémentarité” entre neurosciences et psychopathologie psychanalytique périnatale

Je souhaiterai évoquer quelques éléments de réflexion épistémologique sur la question récurrente de la liaison entre psychopathologie psychanalytique périnatale et neurosciences qui oscillent trop souvent entre l’effroi de la guerre de tranchées et les vertiges narcissiques de l’amour fusionnel. Plus précisément, j’aimerai développer ici ce que je crois être un des meilleurs paradigmes scientifiques à notre disposition pour contenir et orienter la complexité des relations entre psychopathologie et neurosciences et, au-delà, entre psychopathologie et toute autre discipline scientifique.

Ce modèle, propice pour penser avec créativité les articulations fonctionnelles, c’est celui du « complémentarisme » de Georges Devereux. Il a été et reste au cœur de la théorie et des pratiques des cliniciens français de « l’ethnopsychiatrie »1,2,3,4. Mais paradoxalement, cette référence est à mes yeux trop rarement présente ou trop lapidairement évoquée dans les échanges scientifiques hexagonaux.

Les débats critiques provoqués en France dans les années 2005/2010 par l’émergence de la « neuropsychanalyse » font exception5. La « neuropsychanalyse » se revendique non pas comme « énième discipline », mais bien comme une « interface entre deux champs, la neurologie et la psychanalyse6 ». À la question épistémologique cruciale, « Faut-il mettre un trait d’union entre “neuro” et “psychanalyse” » ? le complémentarisme de Devereux est convoqué pour répondre : « le principe du double discours récuse inconditionnellement toute “interdisciplinarité” du type additif, fusionnant, synthétique ou parallèle – bref, toute discipline “à trait d’union” et donc “simultanée” ». Devereux, en effet, propose une « pluridisciplinarité non fusionnante et non simultanée » : celle du « double discours » obligatoire. Pour lui, la “pluridisciplinarité authentique” n’a pas besoin d’être “créée”, il suffit d’en constater l’existence et l’inévitabilité méthodologique ».

Dans le cadre spécifique de notre spécialité de la périnatalité et de la première enfance, nous sommes, par exemple, régulièrement confrontés à la mise en œuvre de méthodologies de recherche qui mettent en présence outils de psychologie clinique psychanalytique qualitatives « à mains nues » se référant aux sciences humaines (l’exemple emblématique est l’entretien) et outils quantitatifs de la psychologie « armée » se référant aux sciences dures (je pense essentiellement aux outils statistiques comme les tests et les questionnaires). Pour envisager une mitoyenneté non confusionnante entre ces deux différents paradigmes, je crois pertinent de se référer aussi au « complémentarisme » et je m’étonne de la rareté de cette référence tant j’apprécie son étayage organisateur pour structurer une méthodologie pluriréférentielle à la mesure de la polyfactorialité inhérente à une psychopathologie psychanalytique ouverte.

Plus largement, ce « complémentarisme », se révèle être à mon sens un précieux allié épistémologique dans cette spécialité car il permet d’envisager un protocole de recherche qui met en présence des outils dédiés à l’enfant reconstruit après-coup lors de reconstructions psychanalytiques et l’enfant actuel de la psychologie développementale de plus en plus référée aux neurosciences. Là où tout est en place pour qu’une ligne de front théorico-pratique se dessine et se crispe dans le clivage, source de violentes polémiques et d’impasses cliniques et méthodologiques, le « complémentarisme » permet un multi-référencement théorique qui gagne sa légitimité en refusant les synthèses scientistes totalisantes.

Une dynamique de synthèse que revendique peu ou prou la perspective dite intégrative que, pour ma part, je récuse, considérant qu’elle est une impasse épistémologique démagogique : en vitrine elle prône une convivialité égalitariste superficielle alors que, de fait, elle masque mal les règlements de compte épistémologiques et les intentions assimilatrices et hégémoniques de telle ou telle composante.

Pour favoriser la reconnaissance de la portée heuristique de ce « complémentarisme », il me paraît essentiel d’en comprendre d’abord la genèse. Dans cette perspective, je vais initialement mettre en exergue des éléments biographiques essentiels de son promoteur en sciences humaines, Georges Devereux. Secondairement, je rappellerai certains éléments princeps du contexte scientifique dans lequel il a établi ce paradigme. Enfin, fort de cette clarification sur les fondations de ce paradigme, je mettrai en relief ce que signifie à mon sens, dans la sphère de la recherche actuelle, la différentiation épistémologique entre les options « intégratives » et « complémentaristes ».

Biographie7,8

Georges Devereux, né György Dobó naît le 13 septembre 1908 dans une famille juive à Lugós, en Transylvanie, devenu Lugoj (lougoji), en Roumanie. Les origines de György Dobó s’enracinent dans cette Europe centrale, difficilement cernable, de par sa complexité ethnique et politique. György (Gyuri pour les intimes) est très tôt polyglotte à l’exemple de ses parents. Il parle le hongrois, l’allemand, le roumain et le français. Il écrit des poèmes, joue Mozart au piano avec passion et compose. Gyuri grandit dans une famille aisée. Son père, Jenó (Eugène) Dobó (nom de famille magyarisé du nom précédent Deutsch), a fait ses études de droit à Vienne (Autriche) et c’est un avocat influent de la ville. Il devient président de la communauté juive néologue de Lugoj (lougoji) et il est réputé pour ses positions humanistes et francophiles. De façon contrastée, la mère, Margit (Margarethe), née à Budapest dans une famille juive, est plus conservatrice et germanophile fervente. Une sœur de la mère, Ilona Deutsch, mariée Teller, est la mère de Ede Teller, le futur physicien américain Edward Teller. Gyuri est l’aîné d’un fratrie de 3 enfants avec István (surnommé Pista) et Ilóna. Un drame marque l’adolescence de Gyuri. Voici ce que raconte son cousin Michael Ghil9 à ce sujet : « Gyuri et Pista partageaient une chambre dans une grande maison. Gyuri, l’aîné, était un pensif, sinon un mélancolique, et un frileux, portant le paletot même en été. Pista était plein de vie, aimé de tous, et semblait sans souci. Un jour pourtant – Gyuri avait 16 ans et Pista 14 –, c’est le cadet qui se suicida d’un coup de pistolet, en présence de l’aîné. Cet acte, écrit son neveu, « aura de lourdes conséquences pour les relations du survivant avec lui-même ainsi que pour ses relations avec le reste de la famille, surtout avec sa mère ». Son neveu fait le lien entre ce drame et, d’une part, le chapitre VII de son œuvre Ethno- psychiatrie des Indiens Mohave10 qui porte sur le suicide et, d’autre part, sur un passage de l’« Avertissement » de l’Ethnopsychanalyse complémentariste (1972) où il remonte à cette année 1924 pour y localiser énigmatiquement – pour qui ignore cette histoire familiale – « une prise de conscience des problèmes analysés dans ce volume ». Le « complémentarisme » semble indissociable d’une farouche volonté de comprendre, dans l’après-coup du trauma, le jeu subtil des articulations complexes entre l’autre dehors et le plus intime de soi dedans. Nous dirions aujourd’hui, une des racines du « complémentarisme » s’inscrit fondamentalement dans l’intersubjectivité.

Il y en a une autre : l’exil et la confrontation à diverses ethnies et cultures. Après le suicide de son frère, il va en Allemagne puis en France, où il fréquente les milieux artistiques et littéraires, s’initie au métier de libraire, fait la connaissance de Klaus Mann (fils de Thomas Mann) et d’Eugène Ionesco. En 1926, il décide d’étudier la physique et la chimie, sous la direction de Marie Curie et de Jean Perrin, mais il abandonne après un an et demi. En 1929, il s’inscrit à l’école des langues orientales (où il apprend le malais) et à l’École Pratique des Hautes Études où il suit les enseignements de sociologie et d’anthropologie de Marcel Mauss, Paul Rivet et Lucien Lévy-Bruhl. Dans le cadre de sa spécialisation en anthropologie, il se rend ensuite en Indochine française étudier les populations Sedang dont il apprend la langue.

Il part ensuite en 1935 aux États-Unis, à l’Université de Berkeley, pour poursuivre son cursus en anthropologie avec Alfred Kroeber et Robert Lowie. Pour son PhD, il vit parmi les Amérindiens Mohaves, fait l’apprentissage de leur langue, partage leurs mœurs. Son doctorat s’intitule La sexualité des indiens Mohaves. Il revendiquera souvent que ce sont les Mohaves qui lui ont permis de comprendre et d’adhérer aux thèses freudiennes.

En 1933, Győrgy Dobó renonce à la religion juive et se fait baptiser, prenant le nom de famille français de Devereux, ce nom pouvant toutefois rappeler le mot roumain evreu qui signifie juif comme l’a fait remarquer Tobie Nathan11. Il fait ensuite une première courte expérience de la psychanalyse pendant un an avec Marc Schlumberger puis une deuxième analyse avec Robert Hans Jokl, ex-analysant de Freud. Devereux approfondira sa connaissance de la clinique psychanalytique avec un stage de plusieurs années à la clinique Menninger de Topeka dans le Kansas. Il devient membre de l’American Psychoanalytic Association ce qui lui confère la qualité de membre de la Société Psychanalytique de Paris lorsqu’il émigre à Paris. En 1963, Claude Lévi-Strauss et Roger Bastide l’aident à intégrer l’École Pratique des Hautes Etudes où Tobie Nathan le rencontre.

L’œuvre de Georges Devereux est très vaste. Elle touche plusieurs domaines de connaissances et s’enracine dans de nombreuses identités professionnelles : il est anthropologue, psychanalyste et helléniste. Georges Bloch12 en donne une formule superbe qui rend mieux la force et l’unité sublimatoire de sa créativité : « Poète, pianiste, compositeur, helléniste, chaman, il a fait de l’exil son pays ». C’est dans ce dynamisme que s’inscrit son élaboration d’un nouveau domaine scientifique : l’ethnopsychiatrie parfois aussi nommée « ethnopsychanalyse ». Dans les deux cas, le défi est bien de faire co-exister l’anthropologie et la psychiatrie d’inspiration psychanalytique. Le « complémentarisme » va tenter de répondre à ce défi avec une grande originalité.

Le contexte scientifique de l’œuvre de Devereux

D’où vient ce non-conformisme ? Assurément, pour une bonne part, de sa formation en sciences physiques qui a certes été brève mais d’un très haut niveau. Elle a certainement fourni à Devereux le substrat de ses idées les plus novatrices développées dans le cadre de l’ethnopsychanalyse. Deux principes fondamentaux dans son œuvre répondent à cette inspiration : l’effet de l’observateur sur l’observé, et la complémentarité entre la description des objets à l’échelle atomique en tant que « particules » ou en tant « qu’ondes ».

L’effet de l’observateur

Ce point de vue est développé dans son ouvrage De l’angoisse à la méthode13. C’est d’après Devereux lui-même, son livre le plus important. Dans ce travail de jeunesse, il revisite la question des rapports entre observateur et observé dans les « sciences du comportement » (sciences humaines, zoologie,…) en s’inspirant du modèle de la cure psychanalytique. Il y soutient la thèse suivante : le principe méthodologique classique qui commande au chercheur de tout mettre en œuvre pour considérer ce qu’il observe d’un point de vue strictement objectif est non seulement vain, mais surtout contreproductif.

Il écrit au début de l’argument de cet ouvrage :

« Le point de départ de mon livre est l’une des propositions les plus fondamentales de Freud, modifiée à la lumière de la conception d’Einstein sur la source des données scientifiques. Freud a établi que le transfert est la donnée la plus fondamentale de la psychanalyse, considérée comme méthode d’investigation. A la lumière de l’idée d’Einstein selon laquelle nous ne pouvons observer que les évènements « survenus auprès de » l’observateur (…) j’ai fait un pas de plus sur la voie tracée par Freud. J’affirme que c’est le contre-transfert, plutôt que le transfert, qui constitue la donnée la plus cruciale de toute science du comportement ».
(p. 15)

 

Selon Devereux en effet, le chercheur doit considérer qu’il n’observe jamais que des réactions à ses propres observations et qu’il n’y a donc pas de données indépendantes de son travail. Par conséquent, l’observateur devrait penser sa relation à l’observé de la même manière que le psychanalyste aborde la relation à son patient. L’analyste travaille sur les réactions de transfert dont il fait l’objet et sur ses propres réactions de contre-transfert. Il doit en être de même pour Devereux, dans toute démarche d’enquête portant sur des humains.

Dans cette configuration, la « subjectivité » du chercheur, au lieu d’être considérée comme une source d’erreur, doit donc être envisagée comme une ressource, la seule ressource même, dont dispose celui qui entretient le projet de comprendre une activité humaine quelconque. Devereux écrit : « Par bonheur, ce qu’on appelle les « perturbations » dues à l’existence de l’observateur, lorsqu’elles sont correctement exploitées, sont les pierres angulaires d’une science du comportement authentiquement scientifique et non – comme on le croit couramment – un fâcheux contretemps dont la meilleure façon de se débarrasser est de l’escamoter » (1980, p. 30).

Le principe de complémentarité

C’est le deuxième principe organisateur de l’œuvre de Georges Devereux14. Ce principe de complémentarité a été élaboré par le physicien danois Niels Bohr qui, lui-même, l’a conçu dans le prolongement des travaux du physicien allemand Werner Heisenberg sur le « principe d’incertitude ». Dans le cadre de la mécanique quantique, Heisenberg formule en 1927 le principe d’incertitude appelé parfois aussi « principe d’indétermination ». Ce principe déclare impossible de déterminer avec précision et simultanément la position et la vitesse d’une particule, un électron par exemple. L’expression « principe d’incertitude » est source de méprise car, d’un côté, elle ne renvoie pas à l’idée d’imprécision, et, de l’autre, elle ne relève pas d’un principe mais d’une déduction du formalisme quantique.

Dans la théorie quantique en effet, les valeurs ne sont pas déterminées comme dans la physique classique par une causalité déterministe mais sont distribuées statistiquement. Dans ce cadre d’incertitude, le principe de complémentarité aboutit à l’affirmation qu’il « est impossible de déterminer (mesurer) simultanément et avec la même précision la position et le moment d’un électron. Devereux le formule ainsi : « En effet, plus nous mesurons avec précision la position de l’électron (à un instant donné), plus notre détermination de son moment devient imprécise (…). Tout se passe donc comme si c’était l’expérience à laquelle on l’assujettit qui  » force  » l’électron à avoir soit une position, soit un moment précis. »

Un physicien dirait aujourd’hui : le principe de complémentarité de Niels Bohr statue qu’il est impossible d’observer en même temps, par la même expérience, la nature ondulatoire d’un électron (sa position) et sa nature particulaire, (la propriété de sa trajectoire)15. Quel est donc pour Devereux l’intérêt de ces deux principes – l’effet de l’observateur sur l’observé et la complémentarité – pour envisager les rapports entre deux disciplines ?

Dans son ouvrage Ethnopsychanalyse complémentariste (1972), il applique ces principes à deux sciences humaines : la sociologie et la psychologie. Face au fait brut, l’observateur y est défini comme soumis à une double contrainte : Il est « au dehors » du sujet dans une vision sociologique et « en dedans » dans une visée psychologique. « […] Mais tout ce qui compte ici, souligne Devereux, c’est qu’il existe un rapport de complémentarité entre l’explication psychologique (comportant un observateur intérieur) et l’explication sociologique (comportant un observateur extérieur).16 »

En tant que tel, le fait brut n’appartient donc ni à la sociologie ni à la psychologie. « Ce n’est que par son explication (dans le cadre de l’explication de l’une ou de l’autre de ces deux sciences) que le fait brut se transforme en donnée, soit psychologique soit sociologique. On est même tenté de penser, écrit Devereux, que tout comme dans la physique des quanta c’est l’expérience qui quasiment  » force  » un électron d’avoir soit une position, soit un moment précis, c’est l’explication qu’on en donne qui oblige le fait brut de  » devenir  » une donnée psychologique ou sociologique. Il n’existe aucune explication imaginable qui puisse  » forcer  » le fait brut de devenir une donnée relevant simultanément de ces deux domaines de la science de l’Homme. »

« Intégration » vs « complémentarité »

Au total, quelle leçon pouvons-nous tirer de ce « complémentarisme » qui, selon la plus célèbre des citations de Devereux à cet égard, « n’est pas une « théorie », mais une généralisation méthodologique qui n’exclut aucune méthode, aucune théorie valable, mais les coordonne » ?17 De cette stratégie de « coordination » du « complémentarisme », nous pouvons d’abord extraire pour nos recherches en psychopathologie périnatale un précieux éloge en faveur d’un renoncement créatif.

C’est sur cet aspect que je souhaite mettre l’accent in fine car il prend nettement à contre-pied une tentation scientiste si répandue actuellement. De fait, le « complémentarisme » ne peut advenir qu’à condition de résister à la tentation de faire fonctionner simultanément différents paradigmes.

Autrement dit, le « complémentarisme » invite le chercheur clinicien à un véritable deuil de la pseudo solution intégrative, c’est-à-dire le deuil d’une toute puissance infantile cognitive qui permettrait l’emprise sur la totalité, au-delà des spécificités des diverses disciplines. Or, c’est bien connu, qui trop embrasse, mal étreint ! Une fois infligée cette blessure narcissique initiatique, c’est donc à une véritable ascèse à laquelle nous invite le « complémentarisme » : chaque paradigme nous offre un puzzle spécifique ; l’exploration de chacun d’entre eux apportera son lot d’ajustements de pièces localement mais en aucun cas les pièces d’un puzzle X ne pourront être utilisées simultanément dans un autre puzzle Y.

Le renoncement au monothéisme épistémologique évoque à bien des égards la figure kleinienne de l’accès à la « position dépressive »18. Cette conquête dépressive permet d’envisager l’ouverture de négociations aux frontières qui ne sont plus dans un rapport de clivage mais de complémentarité qui garantit une liaison différenciatrice suffisamment bonne des scénarios extrêmes de l’idéalisation et de la haine.

En d’autres termes, neurosciences et psychopathologie psychanalytique19 peuvent co-exister en recherches cliniques dédiées aux faits humains comme deux discours – obligatoires, non simultanés et complémentaires – « grâce au décentrage, qui permet de prendre successivement deux places différentes par rapport à l’objet sans les réduire l’une à l’autre et sans les confondre » (Devereux, 1972).

Finalement, il me paraît éthiquement et cliniquement iatrogène, d’intégrer de force et exclusivement les phénomènes humains dans le champ de la psychopathologie psychanalytique ou dans celui des neurosciences. Si l’explication neuroscientifique d’un fait est poussée au-delà de certaines limites de « rentabilité », ce qui survient n’est pas une « réduction » du psychopathologique au neuroscientifique, mais une « disparition » de l’objet même du discours neuroscientifique. Et il en va de même bien sûr à l’inverse pour l’explication psychopathologique.

L’hypercomplexité de ces données humaines impose, justement, de relever au mieux d’un double, triple ou quadruple… discours qui ne peuvent pas être tenus simultanément et synthétisés dans d’illusoires transversales simplificatrices, confusionnantes et… intégratives20. De la qualité « complémentariste » des interfaçages entre ces divers discours dépendront la pertinence scientifique et l’éthique épistémologique. Le « complémentarisme » en recherche clinique périnatale constitue donc aujourd’hui un sacré chantier ! Mais je le crois incontournable pour relever le défi d’une épistémologie plurielle et humaniste non réductrice qui, seule, maintiendra vivant notre art de la rencontre de l’enfant à naître, de l’infans et de la famille.

Notes

  1. Nathan T., (1986), La folie des autres, Traité d’ethnopsychiatrie clinique, Paris, Dunod.
  2. Le rôle de Georges Devereux dans la naissance de l’ethnopsychiatrie clinique en France. Texte en ligne : http://www.ethnopsychiatrie.net/GD.htm
  3. Moro M.R., Nathan T., Rabain-Jamin J., Stork H., Si Ahmed D., (1989), « Le bébé dans son univers culturel » In Lebovici S., Weil-Harpen F., (dir.), Psychopathologie du bébé, Paris, PUF, p. 683-748.
  4. Moro M.R., Ouss-Ringaert L., Lachal C., (2003), Comprendre et soigner le trauma en situation humanitaire, Paris, Dunod.
  5. Ouss L., Golse B., Georgieff N., Widlöcher D., (Eds), (2009) Vers une neuropsychanalyse ?, Odile Jacob.
  6. (2007), « Impact des neurosciences sur la pratique psychanalytique : la double lecture clinique “neuropsychanalytique” ». Revue française de psychanalyse, 2 – vol. 71 p. 419-436.
  7. (2007), « Vie et œuvre de Georges Devereux Brève chronologie », Le coq-héron, 3, n°190, p.11-13.
  8. Bloch G. (2000), Les origines culturelles de G. Devereux et la naissance de l’ethnopsychiatrie, mémoire de DEA soutenu par Georges Bloch en juin 2000, dans le cadre de l’Institut d’Études Européennes de l’Université de Paris 8 (Mutations des sociétés et cultures en Europe). Disponible en ligne : http://www.ethnopsychiatrie.net/actu/GBGD.htm
  9. Ghil M., (2007), Georges Devereux, de la physique quantique à l’ethnopsychiatrie complémentariste, Le coq-héron, 3, n°190, p. 55-64.
  10. (1996), Ethnopsychiatrie des indiens mohaves, Paris, Les empêcheurs de penser en Rond.
  11. Le rôle de Georges Devereux dans la naissance de l’ethnopsychiatrie clinique en France. Texte en ligne : http://www.ethnopsychiatrie.net/GD.htm
  12. Bloch G. (2000), Les origines culturelles de G. Devereux et la naissance de l’ethnopsychiatrie, mémoire de DEA soutenu par Georges Bloch en juin 2000, dans le cadre de l’Institut d’Études Européennes de l’Université de Paris 8 (Mutations des sociétés et cultures en Europe). Disponible en ligne : http://www.ethnopsychiatrie.net/actu/GBGD.htm
  13. Devereux G., (1980), De l’angoisse à la méthode, Paris, Flammarion.
  14. Site Web de Patrick Fermi : http://patrick.fermi.free.fr/complemt.htm
  15. [15] Ghil M., (2007), « Georges Devereux, de la physique quantique à l’ethnopsychiatrie complémentariste », Le coq-héron, 3, n°190, p. 55-64
  16. Ghil M., (2007), « Georges Devereux, de la physique quantique à l’ethnopsychiatrie complémentariste », Le coq-héron, 3, n°190, p. 55-64.
  17. Devereux G., (1972), Ethnopsychanalyse complémentariste, Paris, Flammarion, 1985.
  18. Klein M. (1932), La psychanalyse des enfants, Paris, PUF, 1959.
  19. Ou encore psychologie du développement et psychanalyse de l’enfant, anthropologie/sociologie… et psychopathologie psychanalytique, etc.
  20. Après une lecture affutée dont je la remercie, Nathalie Presme m’a fait remarquer à juste titre que je dénonçais au fond la fréquente dérive « assimilatrice » de « l’intégration ». De fait, en sociologie, l’assimilation (synonyme d’acculturation) n’est qu’un des cas de figure possible du scénario de l’intégration qui peut-être aussi, parfois, respectueux des singularités. Dont acte, cela est ponctuellement vrai, mais, pour autant, le registre métaphorique dominant de l’intégration des immigrés colle à merveille à ce que je tente de critiquer ici pour l’idéologie intégrative en épistémologie : l’intégration est dissymétrique, elle n’est pas garante de respect mutuel des spécificités culturelles identitaires et elle est donc le plus souvent résolument assimilatrice.

Bibliographie

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