L’abandon, nourriture amère de l’amour maternel
Dossier

L’abandon, nourriture amère de l’amour maternel

Pour croire à la pieuvre, il faut l’avoir vue. La pieuvre nageant reste, pour ainsi dire, dans le fourreau. Elle nage, tous ses plis sont serrés. Qu’on se représente une manche cousue avec un poing dedans. La pieuvre en chasse ou au guet, se dérobe ; elle se rapetisse, elle se condense ; elle se réduit à sa plus simple expression. Elle se confond avec la pénombre. Elle a l’air d’un pli de la vague. Elle ressemble à tout, excepté à quelque chose de vivant. La pieuvre, c’est l’hypocrite. On n’y fait pas attention ; brusquement elle s’ouvre. Une viscosité qui a une volonté, quoi de plus effroyable ! De la glu pétrie de haine. C’est dans le plus bel azur de l’eau limpide que surgit cette hideuse étoile vorace de la mer. Elle n’a pas d’approche, ce qui est terrible. Presque toujours quand on la voit, on est pris.
(Victor Hugo, Le monstre, chap.2, livre IV, Les travailleurs de la mer, 1866)

 

Introduction

J’ai eu l’occasion de travailler à plusieurs reprises avec des jeunes mères qui ont été adoptées. Ces mères avaient en commun le fait d’être venues consulter très rapidement après la naissance de leur premier bébé car elles se sentaient très en souffrance et tout à fait incapables de pouvoir assumer cette nouvelle fonction maternelle. Je n’approfondirai le contenu que d’une seule de ces psychothérapies mais j’ai retrouvé dans chacune de ces situations des enjeux psychiques et des mouvements émotionnels identiques, dans les registres de l’amour et de la haine, de la fusion et du rejet, de la réparation et de la destructivité.

Devenir parents est un total bouleversement émotionnel. L’accès à la parentalité renvoie chacun de nous à notre histoire, à notre propre enfance et à nos relations avec nos propres parents. Les cliniciens de la périnatalité et de la petite enfance connaissent bien cela. Devenir parent est une situation traumatique ordinaire qui génère un moment de désorganisation psychique pour tendre vers une néo-organisation (Ciccone, 2011). Dans cette période de fragilisation, il est important que les parents puissent être entourés et soutenus par un environnement bienveillant. La naissance d’un bébé, même si celui-ci est très désiré, est à l’origine d’un moment de crise existentielle. Or, nous savons que devenir parent peut être un cheminement long et difficile pour certains et particulièrement pour des parents qui ont, eux-mêmes, eu des parents défaillants ou encore dans la situation de parents qui ont été eux-mêmes des enfants adoptés. L’accès à la parentalité n’est pas une donnée qui va de soi, ce processus entraîne de profonds remaniements psychiques personnels et de profonds remaniements au sein des relations conjugales et familiales. Le nouveau parent doit à la fois répondre aux besoins de l’enfant et il est lui-même absorbé par les nécessaires adaptations à la fois pratiques et psychiques de cette nouvelle vie. Le nourrisson, dès les premiers moments après sa naissance est un acteur des interactions familiales, c’est à travers celles-ci qu’il va pouvoir se développer. Il a besoin de la relation avec chacun de ses parents et la disponibilité psychique de ceux-ci est un facteur primordial à son épanouissement (Coutanceau et all., 2014). Cette mobilisation psychique de l’accès à la parentalité est sous-tendue par des enjeux narcissiques et œdipiens. L’enfant est porteur de la continuité narcissique des parents, ceci est déjà décrit par Freud et repris par Piera Aulagnier sous la forme du « contrat narcissique » élargi aux générations précédentes et au groupe social. Le bébé est aussi investi d’une mission de réparation de l’histoire infantile des parents, on lui demande de faire vivre au parent qu’il est un bon parent (Ciccone, 2011). Ces missions sont bien lourdes pour ce tout-petit, à peine né et à partir de là, toutes attentes déçues, toutes insatisfactions engendrées par l’enfant qui ne répond pas au désir des parents, peuvent provoquer chez ceux-ci des sentiments de haine qui attaquent la relation à leur enfant aussi insidieusement qu’une pieuvre et dont la violence est souvent désarçonnante, le désir de meurtre, de blesser, de maltraiter. La haine envers l’enfant mais aussi la haine envers soi, envers l’enfant en soi qui a été lui-même rejeté, abandonné ou maltraité. François Gantheret (1986) parle de « haine essentielle » celle qui s’adresse à toute discontinuité, à l’objet qui, par son existence est rupture de continuité, cette haine dont l’amour de l’objet est à la fois négation et tentative d’accomplissement.

Il est aussi important de souligner combien la part du bébé est active dans ces situations et combien il va pouvoir aider sa mère à devenir mère ou au contraire la confronter à des parts détestées d’elle-même qu’elle avait profondément enfouies (la haine de la pieuvre). Nous savons qu’un bébé peut, par un comportement bruyant, se manifester et obliger son entourage à prendre soin de lui mais nous voyons aussi d’autres bébés, plus effacés, plus en retrait qui se font oublier et avec lesquels les interactions ne se développent pas aussi vite.

De la même manière, dans les situations d’adoption, certains bébés forcent leur environnement à s’occuper d’eux et d’autres se privent du contact relationnel. La qualité et l’accordage des soins reçus avant l’abandon et après l’adoption par l’environnement accueillant jouent un grand rôle dans le futur développement de l’enfant, sur son vécu de sécurité et de stabilité. Des soins aimants et attentifs, en adéquation avec les besoins du bébé le rendront probablement moins vulnérable pour le futur. Nous pouvons faire l’hypothèse que les interactions précoces vécues par les bébés d’adoption auront un impact sur la manière dont ceux-ci pourront vivre leur futur accès à la parentalité. En clinique pédopsychiatrique, nous avons aussi souvent affaire à des situations dans lesquelles l’enfant est aliéné par des projections parentales dont il n’arrive pas à se dégager et je pense que dans certaines situations d’adoption, ces mouvements peuvent être encore plus actifs, engendrés par les attentes des parents adoptants auxquels les enfants devaient nécessairement correspondre, comme si le lien génétique devait être compensé par une forme d’indifférenciation.

Situation clinique

Madame A prend rendez-vous par téléphone et elle me demande spontanément si je peux l’aider à « devenir mère » et si je suis la bonne personne pour cette démarche. Elle a entendu parler de moi par une amie, elle se sent très perdue et elle a besoin d’en parler à quelqu’un. Lors de la première consultation, madame A est seule, sa petite fille de 6 semaines ne l’accompagne pas. Je lui demande pourquoi elle n’a pas amené son bébé et elle me répond qu’elle ne veut pas que sa petite l’entende me raconter son histoire. Elle aurait trop peur que cela la fasse souffrir. Madame A me parle de son adoption quand elle avait quelques mois, elle ne se souvient de rien et elle décrit ses parents adoptifs comme aimants et accueillants. Elle me dit ne rien savoir de ses origines et elle n’a jamais osé faire des recherches par peur de blesser ses parents adoptifs. Elle a également peur de souffrir en apprenant la vérité sur son abandon et je me permets de faire le lien entre elle-même et son bébé qu’elle n’a pas emmenée avec elle par crainte de lui faire du mal comme elle-même a très peur d’avoir mal et de faire du mal. Pendant tout l’entretien, Madame A est à fleur de cœur, elle a les larmes au bord des paupières et je suis frappée par ces mots qui reviennent sans cesse, « blesser, blessure, faire mal, faire souffrir, aimer, haïr… ». Madame A est très angoissée à l’idée de devoir mettre sa petite Sandra bientôt à la crèche et elle ne sait pas comment elle va pouvoir arriver à se séparer d’elle, elle se sent très coupable de l’abandonner ainsi. Elle regrette qu’elle ne soit plus dans son ventre et elle aurait préféré rester enceinte de ce bébé tout le reste de sa vie. Elle me dit ne pas arriver à s’ajuster à son enfant, elle ne comprend pas bien ce qu’elle veut quand elle pleure et elle a très peur de ne pas arriver à être une mère suffisamment bonne pour son enfant. En voyant son bébé tout rose dans son petit lit à la maternité, Madame A s’est demandé comment sa propre mère avait pu l’abandonner et, même si elle sait bien que ce n’est pas vrai, elle a peur de faire la même chose avec sa petite fille. Elle ne comprend pas ce qui lui arrive, tout cela la dépasse et la fait trop souffrir, une question la taraude jour et nuit, va-t-elle être capable d’être mère elle-même, elle que sa propre mère a abandonnée ? Elle dit qu’elle devait être un bébé très laid, très détestable pour que sa mère ne veuille pas d’elle. Elle est également effrayée par l’intensité des sentiments de rejet qu’elle éprouve par moments vis-à-vis de son bébé, elle ne comprend pas pourquoi elle ne supporte pas cette enfant qu’elle a tant désirée. Elle me décrit une enfance solitaire, malgré l’amour de ses parents adoptants, elle s’est toujours sentie comme devant s’excuser d’être là. Elle parle d’emblée de son envie vis-à-vis de sa petite fille qui recevra tout ce qu’elle-même n’a jamais reçu, de son attente que son bébé lui rende au centuple ce qu’elle lui donnera et elle ressent déjà de la déception par rapport à cette enfant tout en s’en voulant de ne pas être satisfaite et en se sentant terriblement coupable de devoir bientôt l’abandonner pour retourner travailler. Elle ne veut pas s’y attacher et, à la fois, elle se dit qu’elle ne pourra plus jamais vivre sans elle. Son désir d’attachement est rempli d’ambivalence, elle passe par des mouvements passionnels et des mouvements de haine. Cette première consultation pleine d’intensité me touche beaucoup, la demande affective de Madame A est très puissante et je me sens d’emblée investie comme une mère qui devrait enfin pouvoir répondre à sa solitude de petite fille abandonnée. Par la suite, Madame A vient avec son bébé et nous posons un cadre de psychothérapie de la relation conjointe, le père accompagnera deux fois.

Ces séances de thérapie de la relation précoce sont, comme le savent les cliniciens de la petite enfance, imprégnées d’un climat émotionnel dense et complexe, parfois pesant et perturbant. Non seulement cette clinique touche à la constitution des premiers liens mais elle réveille par la même occasion la façon dont ceux-ci se sont tissés en chaque parent (De Vriendt-Goldman, Frisch-Desmarez, 2011). Dans ces situations de mères adoptées qui consultent parce qu’elles sont en souffrance avec leur « devenir mères », la demande qui est adressée est très différente de parents qui consultent parce que leur bébé présente un malaise ou un symptôme. Ici, ce sont les angoisses primitives de la mère, ses mécanismes pour y faire face, ses débordements et ses états de détresse face au bébé qui résonnent avec son histoire d’abandon et d’adoption. L’héritage reçu par les jeunes parents, les attentes qu’ils peuvent avoir pour leur bébé sont sources de violence, il est nécessaire de lier cette violence au sein de l’ambivalence dont les enjeux peuvent être de « réduire les fractures de filiation traumatique » (Ciccone, 2011). Les mouvements contre-transférentiels dans lesquels les psychothérapeutes sont pris sont toujours très intenses dans ces thérapies conjointes mais dans ces situations de mères adoptées, il se déploie une attente transférentielle affective tout à fait particulière. Et, il semble qu’un des aspects contre-transférentiels dans lequel les psychothérapeutes de la petite enfance se sentent pris, est lié au désir que ces mères puissent élaborer leur histoire d’abandon pour pouvoir devenir des mères suffisamment bonnes et surtout pour pouvoir se sentir mères, elles-mêmes. C’est comme si, en tant que psychothérapeutes, nous voulions très fort que l’histoire ne se répète pas et que nous sentons combien le déploiement de ces premiers liens est important pour l’avenir de la relation entre ces parents et particulièrement pour ces mères fragilisées, rattrapées par leur blessure fondamentale et ce bébé. Cela crée un sentiment d’urgence et de grande responsabilité qui fait écho à l’intensité de la demande qui est faite aux thérapeutes. Il se déploie aussi probablement chez ceux-ci un mouvement d’identification à la mère qui ne veut pas abandonner l’enfant.

Le travail thérapeutique avec Madame A est un travail au long cours qui passe par plusieurs phases. Après avoir pu élaborer avec elle différentes questions autour de l’accès à sa maternalité, de son droit à devenir mère, lui avoir permis de se dégager de son sentiment d’incapacité à devenir mère et à se séparer de sa fille sans avoir le sentiment de l’abandonner et de s’en sentir profondément coupable, Madame A a pu progressivement se différencier de celle-ci et faire la part entre les sentiments qu’elle projetait sur sa fille et ses propres sentiments. C’était très difficile pour elle de comprendre que sa petite fille n’allait pas nécessairement ressentir les choses de la même manière qu’elle. Ce travail de désintoxication et de différenciation s’est fait de manière très progressive et a duré très longtemps. Cette phase de thérapie conjointe autour des interactions précoces avec son bébé a entraîné une détente évidente dans les relations avec sa fille. Ensuite, après une brève interruption de nos rencontres, Madame A est revenue en consultation en demandant de travailler sur son histoire pour mieux comprendre son malaise existentiel. Entre-temps, elle avait pris connaissance de quelques éléments de son adoption et elle savait qu’elle était issue d’une fratrie de plusieurs enfants mais qu’elle était la seule enfant que sa mère ait abandonnée. Elle ressent une profonde blessure d’être celle qui a été rejetée et de ne pas comprendre le pourquoi de ce rejet. Elle éprouve le sentiment d’être un être profondément indésirable, qu’elle a sûrement été un bébé mauvais et dangereux. Elle prend progressivement conscience de s’être construite sur cette image négative d’elle-même et d’avoir tout fait pour être acceptée par ses parents adoptifs au détriment de ses propres désirs qu’elle est, d’ailleurs, bien incapable de reconnaître. Elle passe par des mouvements émotionnels très violents, elle en veut énormément à sa mère d’origine tout en la fantasmant comme un objet idéalisé qui aurait pu combler ses manques et elle peut se sentir très en colère contre ses parents adoptifs qui l’ont forgée à leur image.

Pendant toute une autre phase de la thérapie, elle parle beaucoup de son sentiment de ne pas avoir d’identité et elle se pose beaucoup de questions sur ce qu’elle pourra transmettre d’elle-même à ses filles. Elle reste avec la douloureuse blessure de ne pouvoir jamais répondre véritablement à la question de ses origines. Elle me dit qu’elle a mal à ses racines et que ce sera difficile d’en parler à sa fille plus tard. Que pourra-t-elle leur dire de sa douleur, de son angoisse, de sa culpabilité, de sa honte, de sa haine vis-à-vis de cette femme qui lui a volé sa vie ? Elle a pu prendre conscience du décalage qui peut exister entre ce qu’elle attend et ce qu’elle reçoit, c’est un sentiment qui l’habite de manière générale. Elle se sent toujours déçue de la réponse de l’autre mais elle s’en attribue toujours la faute. Si quelque chose ne va pas, la responsabilité ne peut que lui en revenir. Cette culpabilité fondamentale est toujours présente chez Madame A même si, maintenant, elle peut un peu mieux s’en dégager. L’introjection d’une image primaire abandonnante qui l’a rejetée parce qu’elle « était certainement répugnante » la pousse par moments vers une destinée d’échec, de ne pas mériter de réussir sa propre vie.

L’ambivalence par rapport à la mère adoptive a aussi pu être abordée. Elle ressent beaucoup d’agressivité face à cette femme si sûre d’elle, qui a toujours assuré sur le plan matériel mais dont elle pense ne pas avoir reçu une affection authentique. Il faut néanmoins souligner que ces parents adoptifs ont été des repères stables pour Madame A même si ils ont très peu tenu compte des particularités et des difficultés de leur fille et qu’ils ont beaucoup de mal à accepter tout le chemin qu’elle a parcouru vers son autonomie vis-à-vis d’eux.

Progressivement, Madame A a pu parler de la perte de sa mère génitrice que, par ailleurs elle dit haïr, comme d’un terrible manque et d’une profonde souffrance mélangés à une profonde culpabilité de ne pas avoir été suffisamment bonne pour qu’elle la garde comme ses autres enfants. Madame A peut, suite à l’expression et l’élaboration de la douleur de la perte de sa mère biologique, parler enfin de l’agressivité contre sa fille liée à son envie vis-à-vis d’elle d’avoir une « vraie mère, comme elle-même n’a pas eu la chance d’en avoir une » et son incompréhension irritée devant l’avidité de cette enfant qui reçoit tout et qui en veut plus encore. Madame A prend, alors, conscience de la manière dont elle perçoit la relation avec sa fille. Elle se sent, en permanence, renvoyée à une mère manquante, source de souffrance jusque-là déniée, elle se sent incapable d’être, pour sa fille, la mère qu’elle n’a pas eue et dont elle n’arrive pas à accepter la perte. Pour Madame A, l’image de sa mère biologique est restée longtemps une image maternelle toute puissante et persécutrice. Elle a longtemps gardé le fantasme d’une mère qui aurait pu lui apporter tout ce qui l’aurait aidée à se construire et à se développer au contraire de ses parents adoptifs qui l’ont empêchée de déployer ses ressources et son potentiel. Ce traumatisme de l’abandon l’a empêchée d’aimer, de sentir que son existence avait un sens, comme une faille indélébile malgré l’attachement sécurisant qu’elle a pu trouver dans sa famille adoptive. Madame A sait que c’est le choix de sa mère de l’avoir donnée en adoption.

Heureusement, aujourd’hui, Madame A a fait un parcours thérapeutique très impressionnant, elle va beaucoup mieux, elle peut s’affirmer aux yeux de son entourage et la relation avec sa fille est harmonieuse. Ce travail de différenciation progressive entre son histoire de petite fille rejetée et celle de sa fille a permis qu’elle s’autorise à être mère et qu’elle puisse penser qu’elle est une bonne mère pour son enfant malgré tous les doutes qu’elle avait pu avoir. La possibilité d’avoir pu travailler son sentiment de haine vis-à-vis d’elle-même lui a permis de pouvoir se penser autrement que comme une mère qui devrait réparer l’enfant seule et triste qu’elle s’est sentie être dans la relation avec ses parents adoptifs. Ce très long chemin thérapeutique avec Madame A a été très bouleversant tant pour elle que pour moi.

Roger Dorey (1986) évoque combien le sentiment d’avoir été rejeté, repoussé par sa mère est un déni d’amour. Ce déni provoque chez l’enfant un sentiment de culpabilité qui va le fixer dans une passion haineuse vis-à-vis d’elle, comme pour maintenir fantasmatiquement cette unité primordiale c’est à ce refus de la mère que l’enfant réagit par la haine et tente de supprimer cette source de tension douloureuse. Mais, dit-il : « il tente de détruire l’autre qui barre son existence et d’autre part, il fait tout pour maintenir l’autre en tant qu’il est dans le même temps le seul garant de son désir »

Conclusions

A travers cette histoire clinique, j’ai essayé de vous transmettre ce que j’ai ressenti de particulier dans le travail thérapeutique avec ces femmes qui ont été adoptées et qui sont devenues mères. J’ai essayé, en détaillant le contenu de certaines séances de la psychothérapie de Madame A, d’illustrer les mouvements psychiques qui habitent ces mères. Même si nous savons bien que chaque situation est unique et différente, il me semble néanmoins que nous pouvons retrouver des éléments communs à ces situations particulières d’accès à la parentalité. Je pense que le fait que Madame A et les autres mères que j’ai aussi suivies, aient très vite consulté après la naissance de leur enfant avec la demande de les aider à devenir mères colore d’emblée la démarche thérapeutique d’interactions très intenses sur le plan émotionnel. A la fois, la demande est faite par elles-mêmes et pour elles-mêmes, mais elle ne peut se faire que parce qu’elles sont devenues mères, qu’elles sont angoissées par l’arrivée de leur enfant et par le sentiment de ne pas être capables de bien s’en occuper. Elles sont effrayées par les émotions violentes qui surgissent à l’intérieur d’elle, par cette haine qui les submerge et, à la fois, cette demande est d’entrée de jeu, lors des premières consultations, imprégnée de leur histoire d’enfant adoptée. Et, c’est probablement cela qui engendre chez le thérapeute un sentiment d’urgence et de responsabilité qui donne vraiment l’impression que tout l’avenir de la relation mère-enfant se joue dans ce délicat travail thérapeutique.

Bibliographie

Ciccone, A, 2011, La psychanalyse à l’épreuve du bébé, Paris, Dunod.

Coutanceau R., Bennegadi R., 2014, Souffrances familiales et résilience, Paris, Dunod.

Coutanceau et all., 2014, Violences psychologiques, Paris, Dunod.

De Vriendt-Goldman C., Frisch-Desmarez C., 2011: « Particularités du contre-transfert dans les psychothérapies des relations précoces » in Psychiatrie de l’enfant, Paris, PUF.

Dorey (1986), « L’amour au travers de la haine », NRP, 33, p. 75-93, Paris, Gallimard.

Gantheret (1986), « La haine en son principe », NRP, 33, p. 63-74, Paris, Gallimard.

Leruy, M., 1979, J’ai mal à ma mère, Fleurus.

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Destructivité et exaltation