49 jours

49 jours

Jeanne RM

Editions Editions Martha Canari, 2011

Bloc-notes

49 jours

C’est presque clandestinement que je me suis procurée le livre de Jeanne RM. Un mail adressé aux membres de la Société d’Histoire de la Naissance tombe dans ma boîte et recommande de lire et de « faire circuler » : 49 jours – Carnets d’une faiseuse d’anges – avec comme indice une adresse mail : http://jeanne.rm.monsite-orange.fr/. Intriguée, je me procure l’ouvrage et découvre un journal de bord, presque un journal intime bouleversant de force, d’humanité et de simplicité qui égraine 49 histoires de vie. 49 jours, comme la durée légale de prescription de la pilule RU 486 qui doit permettre aux femmes qui le désirent d’avorter précocement en évitant le recours à un acte chirurgical. 49 jours, un livre sur l’avortement ? Pas tout à fait.
Ce livre est le témoignage d’un médecin, d’une femme, d’une mère qui au détour du décret d’application de 2004 s’engage. 

Jeanne RM décide de devenir une faiseuse d’anges et nous entraîne avec elle dans sa quête d’approcher au plus près ce qui fait notre humanité : l’exercice de notre liberté. Que nous soyons cliniciens en périnatalité ou pas, ce livre nous confronte au fil rouge de nos existences : la conception, la vie, la mort. Il vient éclairer ce temps particulier où l’enfant non encore advenu existe bel et bien et où force de vie et force de mort, Eros et Thanatos, s’affrontent déjà. Ce premier chapitre de la vie, pour reprendre l’expression de Sylvain Missonnier, est le premier chapitre de son histoire, souvent le seul, mais pas toujours. Pour chaque histoire, il est question de détresse et d’amour. Comment choisir entre la petite fille qu’elle n’espérait plus et son compagnon de vingt ans qui ne veut pas et menace de partir ? Comment choisir entre rester l’enfant aimé de ses parents ou aimer son enfant ? Comment refuser la vie qu’on porte en soi lorsqu’on se sait condamnée ? 

Parfois la grossesse, cruelle, s’annonce quand il n’est plus temps : quand pour assumer l’éducation de cet enfant qu’on aime déjà, il faudrait se sentir encore jeune et accepter d’être déraisonnable.  Ce premier chapitre est aussi le préambule d’autres histoires car pour triompher, le désir d’enfant doit parfois affronter plusieurs interruptions de grossesse. Jeanne RM nous aide à y voir clair là où les forces antagonistes font le lit de toutes les passions. Elle nous rappelle que si la loi autorise l’avortement, la liberté de choix n’exclut pas la détresse mais nous permet de l’accompagner au mieux. Et c’est bien ce que ce médecin de ville nous fait partager magnifiquement dans son carnet de bord. Conception, vie, mort, liberté, choix, perte, conflit, rivalité, souffrance, ne sommes-nous pas au cœur de l’expérience clinique ? Jeanne RM nous entraîne aux limites de l’empathie. Loin de mettre à distance le vécu difficile de la tâche, de la mission qu’elle s’est fixée, elle y plonge et nous, le lecteur, avec elle.