Secret et confidentialité en clinique psychanalytique

Secret et confidentialité en clinique psychanalytique

Muriel Katz-Gilbert

Editions In Press, 2013

Bloc-notes

Secret et confidentialité en clinique psychanalytique

Cet ouvrage collectif rassemble, sous la direction de Muriel Katz-Gilbert, des articles rédigés par différents auteurs concernant le secret et la confidentialité en psychanalyse. Ou l’on s’aperçoit que ce sujet a fait et continue à faire couler beaucoup d’encre. A commencer par Sigmund Freud qui « préconisera de ne pas sacrifier la transmission des connaissances psychanalytiques sur l’autel du secret médical. Car, si la clause de confidentialité s’impose bien entendu au médecin, il n’en reste pas moins que les devoirs de celui-ci envers la science – et partant envers l’ensemble des malades en souffrance – imposent de faire connaître les réflexions théorico-cliniques élaborées à partir des traitements psychanalytiques, à condition toutefois d’éviter un préjudice direct à son malade » (Freud, Cinq psychanalyses), cité par Muriel Katz-Gilbert. Cependant, se rendant compte du conflit parfois insoluble entre la discrétion médicale et l’élaboration de sa propre discipline, il ajoutera une formule devenue célèbre : « Voici donc conclu notre pacte avec les névrosés : sincérité totale contre discrétion absolue.»

Deux exemples, cités par M. Katz-Gilbert, illustrent les contradictions dans lesquelles peuvent se trouver les thérapeutes. D’une part, « l’arrêt Tarasoff », du nom d’une étudiante de l’Université de Berkeley assassinée par l’un de ses camarades, publié en 1976 par la Cour Suprême des Etats-Unis. Cet arrêt stipule que « lorsqu’un thérapeute est certain que son patient présente un danger sérieux de violence contre autrui, il est dans l’obligation de protéger la victime présumée du danger qu’elle court… Le thérapeute peut être amené à avertir la victime, à prévenir la police, ou à prendre toute autre mesure en fonction des circonstances.» En l’occurrence la thérapeute de l’assassin qui avait eu connaissance de ses projets criminels avait bien averti la police du campus du caractère dangereux de son  patient mais n’en avait pas averti la jeune étudiante qui, à son retour de congé s’est fait assassinée. La thérapeute a donc été reconnue responsable.

Toute ressemblance avec le dramatique crash aérien, au moment où nous rédigeons ces lignes, d’un avion piloté par un patient suicidaire, qui plus est en arrêt de travail non déclaré, n’est donc pas fortuite. Là aussi, si l’on suit cet arrêt américain, le psychothérapeute du pilote aurait probablement dû avertir la compagnie aérienne de la mise en arrêt de travail de ce pilote dangereux ? La suite le dira…. Beaucoup d’auteurs ont néanmoins souligné les dérives auxquelles peut prêter cette jurisprudence américaine. Et les discussions restent ouvertes.

D’autre part, une décision de justice, française cette fois, rappelle les règles de confiden-tialité strictes régissant l’écriture de cas. Cette décision témoigne de la valeur accordée par les magistrats à la sphère privée. En 2006, la Première chambre du Tribunal de grand instance de Paris « a en effet considéré qu’un analyste avait violé le secret professionnel auquel il est soumis en publiant un cas dans un ouvrage de librairie sans toutefois prendre toutes les précautions nécessaires à ce que ni le patient ni son entourage ne puissent le reconnaître.» Pour résoudre ce conflit, les anglo-saxons préconisent non seulement de travestir le matériel présenté dans les communications scienti-fiques mais aussi de recueillir le consentement du patient avant publication. Toutes ces précautions ont pour but d’éviter le sentiment de trahison que peut éprouver un patient qui se sait objet de communication ou de publication.

L’ouvrage aborde, en outre d’autres thèmes comme, et pour en citer quelques-uns, la question du cadre et de sa transgression dans la pratique psychanalytique, les rapports entre l’espace privé et l’espace public de l’analyste, la confidentialité dans la cure, ou comment il faut savoir parfois garder des secrets, le point de vue psychanalytique sur la confi-dentialité et l’expertise judiciaire. Bref, un tour d’horizon sur les questions qui se posent chaque fois que la confidentialité est en jeu. A lire pour quelques piqûres de rappel.