Sigmund Freud, sa vie, son génie, ses limites

Sigmund Freud, sa vie, son oeuvre, ses limites

Claude Nachin

Editions Bréal, 2010

Bloc-notes

Sigmund Freud, sa vie, son génie, ses limites

A l’heure où on assiste à un renouveau des attaques contre Freud et la psychanalyse, et aux réponses de certains psychanalystes qui considèrent toujours Freud et ses textes comme des choses sacrées, Claude Nachin nous montre avec son dernier ouvrage que l’on peut défendre Freud et la psychanalyse sans renoncer à un bilan critique un siècle après.

Son travail se situe dans le prolongement de son livre de 2004 consacré à la méthode psychanalytique développée dans le domaine de l’enfance, de l’adolescence, des dépressions et des psychoses. Mais il se situe plus largelment dans le sillage de Questions à Freud, par lequel Maria Torok et Nicholas Rand tentaient d’amorcer un bilan critique de la psychnalyse un siècle après son invention. Enfin, il tient compte du Livre noir de la psychanalyse paru entre temps. 

Tout d’abord, et comme Freud, Claude Nachin estime que les résultats de la psychanalyse constituent une nouvelle science. Il place ses pas dans le sillage Nicolas Abraham qui parlait d’une théorie universelle du singulier, mais aussi de René Diatkine qui parlait de science du fonctionnement mental et de Jacques Lacan qui parlait d’une science conjecturale du sujet. Et à ceux qui prétendent que la psychanalyse n’est pas une science, Claude Nachin répond que le désaccord tient au sens donné au terme: si on l’arrête aux sciences expérimentales définies par Claude Bernard, la psychanalyse n’est pas une science. Mais Louis Althusser s’interrogeait sur l’opportunité de faire de la psychanalyse un nouveau continent scientifique aux côtés de des mathématiques, de la psysico-chimie et de la biologie. Et Gérard Simon parlait des sciences de l’interprétation parmi lesquelles la psychanalyse rejoindrait l’histoire et l’ethnologie. C’est à ce point de vue se fixe Claude Nachin

Après cette discussion, son livre s’oriente de manière plus systématique sur la chronologie des travaux de Freud en partant de sa première publication sur chaque thème. Ses critiques s’insèrent à chaque fois dans la cadre de la méthode psychanalytique elle même telle qu’elle peut s’appliquer aux textes. A chaque fois, Claude Nachin montre les avancées conceptuelles de Freud et ses points de butée qu’il s’agisse de l’interprétation des rêves, de la place de la sexualité par rapport à la spécificité du social, de la question des traumas et de la place de la féminité et de la maternité.

Sa thèse est que la psychanalyse développe un nouveau paradigme pour la connaissance, même si Freud a connu des précurseurs, et que le caractère coopératif du travail analytique est au centre de l’expérience de la cure. Il insiste enfin sur l’importance de l’idée de Freud d’un psychisme articulé en diverses instances et sur l’intérêt de plusieurs des points de vue topique qui ont été proposés. L’histoire de celui que la psychanalyse a appelé L’Homme aux Loups occupe une place particulière avec la prise en considération des textes de Freud, de Ruth Mac Brunswick, des écrits du patient avec Muriel Gardiner, du Verbier de l’Homme aux loups de Nicolas Abraham et Maria Torok, enfin des entretiens du patient avec Karin Oberholzer. 

Enfin, la bibliographie articulée avec chaque fiche est suivie d’un index des noms et des notions clés de sorte que le déroulement du livre est un formidable outil pédagogique.  Les étudiants y sont introduits à une découverte progressive de l’œuvre de Freud, et les praticiens peuvent y opérer par « coups de sonde » pour retrouver un point précis ou un enchaînement sur une question. Ce livre se situe résolument dans l’association de la défense de Freud et de la psychanalyse tout en ayant un point de vue critique sur une partie des hypothèses de Freud. Il témoigne ainsi de la vitalité de la recherche psychanalytique des dernières décennies. Il est un appel à continuer à lire Freud, mais avec d’autres yeux.