Traité européen de psychiatrie et de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent.

Traité européen de psychiatrie et de psychopathologie de l'enfant et de l'adolescent.

Olivier BonnotPierre Ferrari

Editions Lavoisier, 2011

Bloc-notes

Traité européen de psychiatrie et de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent.

Le Traité européen de psychiatrie et de psychopathologie de l’enfant et de l’adolescent, publié aux Éditions Lavoisier, est coordonné par les Professeurs Pierre Ferrari et Olivier Bonnot, sous l’égide de l’Association Européenne de Psychopathologie de l’Enfant et de l’Adolescent (AEPEA). L’ouvrage réunit les contributions de plus d’une centaine d’auteurs qui, en près de neuf cents pages, explorent le champ de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent telle qu’elle est actuellement pratiquée. La richesse de cet ouvrage réside en la multiplicité des regards et des approches conceptuelles. Leur variété tient autant des théories qui les sous-tendent (psychanalyse, cognitivisme, neurobiologie, atta-chement, etc.) que des origines des auteurs. A titre d’exemple de son originalité, cet ouvrage consacre l’un de ses six axes au fonc-tionnement de la psychiatrie infanto-juvénile dans neuf pays européens. 

Citons l’expérience de Coimbra, ville universitaire située au centre du Portugal. M.-J. Goncalves et     A. Carreira, pédopsychiatres à Lisbonne, nous y exposent le développement d’activités inter-institutionnelles, sur le modèle de la pédopsychiatrie de liaison pour prendre en charge des enfants de parents détenus. Un travail de formation et d’articulation a été élaboré pour mettre en lien médecins et psychologues des prisons. Les auteurs rappellent qu’un certain nombre d’études font valoir l’impact positif des contacts parents – enfants sur les risques de récidive, la qualité de la réinsertion et, évidemment, sur le développement psychologique de ces enfants. 

L’article d’H. Lazaratou, Professeur associée de psychiatrie infantile à l’Université Kapodistriakon d’A-thènes, nous interroge sur le peu de ressources allouées à la discipline en Grèce. Le scandale de l’hôpital psychiatrique de l’île de Leros, dont F. Guattari a dénoncé les conditions inhumaines (Le journal de Leros, 1989), a impulsé une réforme générale du système psychiatrique. Néanmoins, l’am-pleur de la crise économique que traverse le pays constitue une entrave supplémentaire aux dif-ficiles évolutions du système de soins en pédopsychiatrie. Outre le nombre insuffisant de pédopsy-chiatres formés chaque année, l’organisation sanitaire souffre de la géographie ilienne du pays. Les services de soins se concentrent entre Athènes et Salonique, laissant vides d’importants terri-toires. Pour la psychiatrie de l’adolescent, il n’existe qu’un seul service situé dans la capitale, sans lit d’hospitalisation. Toutefois, des expériences passionnantes sont menées, comme celle de l’unité mobile de Phocide (région de Delphes), incluant consultations ambulatoires mobiles, hospita-lisations à domicile, travail avec les familles et prévention auprès des écoles. 

Ainsi, ce traité exhaustif propose plusieurs angles d’approche de la psychiatrie infantile. Classique-ment, certains sujets sont traités sous l’angle du symptôme et de la pathologie. L’hyperactivité, la schizophrénie, la dépression, le deuil, le retard mental, les troubles alimentaires, les troubles obsessionnels… sont traités avec clarté et méthode. Ces chapitres sont complétés par des mises à jour récentes des questions thérapeutiques et pharmacolo-giques. Dans Nouvelles directions en thérapie familiale, M. Malagoli Togliatti et coll. nous présentent des travaux novateurs dans ce domaine, comme l’application élargie aux familles avec enfants de plus de 3 mois du Lausanne Trilogue Play. L’examen de la littérature portant sur les antipsy-chotiques atypiques suggère que l’efficacité ne doit pas éclipser la question de la tolérance. O. Bonnot et coll. attirent notre attention sur les effets secondaires de ces traitements (syndrome métaboli-que, hyperprolactinémie, arrêt cardiaque, dyskinésie, syndrome malin) qui sont à la fois moins bien étudiés et probablement plus fréquents que chez l’adulte. 

L’enfant est également abordé par l’anténatal, « chapitre premier de la vie ». Plusieurs contributions sont consacrées au fœtus, à sa sensorialité et aux questions éthiques qu’il soulève. M. Soulé et M.-J. Soubieux nous parlent également de l’échographie obsté-tricale. Première confrontation entre l’enfant imaginaire et une image de l’enfant réel (« l’enfant du rêve et l’enfant de chair » pour Danièle Brun), ce moment consti-tue une des étapes fondatrices de la parentalisation. L’échographie ravive les fantasmes, le « mauvais œil » de l’examinateur qui, tel Orphée, rappelle le danger qu’il y a à regarder. Les mots de l’échogra-phiste dans ces instants, et plus encore lorsqu’ils annoncent une malformation, pourront constituer des points de fixation non sans conséquences pour l’enfant à venir. 

L’ouvrage ne néglige pas non plus les aspects essentiels de l’évaluation développementale de l’enfant que sont le langage oral (M. Plaza et coll.), ses troubles et ses conséquences sur le langage écrit (C. Billard), le bilan psychomoteur (A Kloëckner et coll.), l’examen psychologique projectif (N. Jeammet) et neuropsy-chologique. Pour ce dernier, L. Bon et coll. insistent sur l’aspect intégratif mais aussi dynamique de ce type de bilan. L’inter-prétation ne peut se dispenser ni de l’apport d’une évaluation psycho-affective, ni de celui des bilans scolaires, psychomoteurs, orthophoniques… 

Enfin, ce traité inscrit dans sa réflexion les problématiques actuelles, sociétales et culturelles. Par exemple, le virtuel et ses pathologies sont interrogées, ainsi que l’usage actuel des techno-logies numériques et la « psychopathologie du virtuel »(T. Gaon et coll.). L’addiction aux jeux vidéo, pourtant célèbre, est remise en cause par Serge Tisseron. Il affirme et démontre que « le jeu ne rend pas dépendant », au moins chez les adolescents. 

Résumer chaque article de ce vaste traité ne rendrait pas grâce à ses auteurs et serait forcément imprécis. La richesse de cet ouvrage tient en la multitude des perspectives et des points de vues qui y sont présentés. Au-delà de la possibilité qui est offerte au lecteur de feuilleter et de déterminer son chemin de lecture, ce traité constitue également un outil aussi précis qu’utile à tous ceux qui participent à la prise en charge des enfants et des adolescents.