Une certaine forme d’obstination. Vivre le très grand âge

Une certaine forme d'obstination. Vivre le très grand âge

Gérard Dedieu-AngladeHenri Danon

Editions Odile Jacob, 2012

Bloc-notes

Une certaine forme d’obstination. Vivre le très grand âge

Henri Danon-Boileau qui vient de disparaître nous a laissé un ouvrage sur le vieillissement écrit avec son ami et confrère Gérard Dedieu-Anglade. Plusieurs termes reviennent tout au long de ce travail très riche de réflexions sur la vieillesse : déni, renoncement, résignation, sublimation.
Le déni. Certains montrent en effet une attitude de déni par rapport à l’angoisse de vieillir et entre-tiennent « le fantasme inconscient d’une protection ou d’une guérison possible de la vieillesse  en écho à ce qui fut un fantasme : « j’ai guéri de mon enfance et de son impuissance ; en effet, une antienne parentale berce tous les enfants, c’est le fameux : « tu pourras plus tard quand tu seras grand . » Cette promesse prend pour l’inconscient de l’enfant valeur d’engagement. La castration n’est plus alors qu’un accident momentané, lié à ce temps -interminable- de l’enfance. Elle entretient le fantasme oedipien et donc, implicitement, la promesse d’une puissance sexuelle… Ce déni retarde le travail de deuil, la reconnaissance de la vieillesse comme étant un processus dont on ne se remettra jamais, en occultant précisément tout ce qui permettra dès lors au vieillard de vivre encore de manière satisfaisante.
La résignation. Tout aussi pathologique que le déni, la résignation sous couvert d’une sagesse masochique caricaturale a pour signification inconsciente une revendication agressive et culpa-bilisatrice contre le surmoi. Un exemple parmi d’autres : « tu vois à quoi tu m’obliges avec tes exigences, si je ne peux plus faire de trekking à cinq mille mètres, alors je refuse les balades dans la montagne à vaches.. »
Le renoncement. Il semble que le renoncement soit la clef du bien vieillir. Il implique en effet, une prise de conscience de la perte et de ses conséquences, souple, adaptée au moment, à la situation, pour mieux tenter d’y faire face et de s’y adapter en limitant les dégâts.

Quant à la sublimation c’est une nécessité chez le vieillard, sublimation, créativité, création représentent des armes efficaces contre l’angoisse de séparation voire d’anéantissement. Reste à choisir en pleine indépendance un domaine correspondant aux intérêts authentiques de la personne. Au cours de ses réflexions, Henri Danon-Boileau s’interroge, à travers sa propre expérience, sur l’arrêt de l’activité du psychanalyste, sa retraite. Ce dernier est alors confronté à l’angoisse d’abandonner ses patients qui souvent masque l’angoisse plus profonde d’être abandonné par eux. La fin de la pratique mobilise souvent une angoisse de séparation proche du deuil. Il en vient donc à souhaiter que la décision d’arrêter ne soit plus une décision individuelle personnelle mais une règle imposée de l’extérieur « permettant le bénéfice narcissique de l’accord avec le surmoi et l’idéal du moi et l’accession à un statut différent ». A chacun d’en juger… D’autres thèmes sont abordés dans cet ouvrage : l’auto-analyse qui permet de garder vivace désirs et fantasmes et peut réserver des surprises, l’oubli des noms propres enfin l’humour qui permet de « supporter l’angoisse de vieillir ». Enfin Gérard Dedieu-Anglade conclut par des vignettes cliniques tirées de sa pratique. Cet ouvrage est à lire avec profit par les plus jeunes, soignants ou non, pour mieux comprendre les aînés.