Penser l’autre, être pensé par l’autre : intérêt de la notion de « Théorie de l’Esprit » pour la psychopathologie
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Penser l’autre, être pensé par l’autre : intérêt de la notion de « Théorie de l’Esprit » pour la psychopathologie

Introduction : de la théorie de l’esprit à l’empathie

Nous ne reviendrons pas ici sur l’histoire de la notion de Théorie de l’esprit (Theory of Mind ou TOM), présentée ailleurs dans ce volume. Rappelons seulement qu’elle est apparue dans le champ de l’éthologie (“les chimpanzés ont-ils une TOM ?”, Premack & Woodruff 1978), avant de croiser celui de la psychopathologie et du développement (“les autistes ont-ils une TOM ?”, Baron-Cohen, Leslie & Frith 1985). Capacité à prédire les comportements et actions des congénères, la théorie de l’esprit devient progressivement l’aptitude à accéder aux états mentaux d’autrui, puis à adopter le “point de vue de l’autre”, à se mettre à la place de l’autre. En effet, à une première conception intellectualiste, qui considère la Théorie de l’esprit comme un jugement sur les croyances et intentions d’autrui issu de l’apprentissage et de calculs cognitifs, dépendant d’opérations mentales proches de la conscience et de “haut niveau”, succède une conception plus automatique, implicite, basée sur l’activation commune chez soi et autrui de systèmes neuro-cognitifs spécialisés dans la perception, la représen-tation et l’organisation de l’action.

Force est de constater que les termes et concepts scientifiques manquent dès qu’il est question de l’accès à la vie mentale de l’autre et des influences mutuelles entre le psychisme de deux individus : la perception ne convient pas plus que la représentation, l’intuition comme l’impression restent vagues et descriptives, la référence à l’émotion perçue n’est pas plus éclairante. Très schématiquement, deux perspectives proposent une représentation des processus inter-psychiques ou co-psychiques. Acte de langage et acte moteur proposent seuls aujourd’hui un substrat réaliste au processus qui nous permet de partager partiellement l’activité mentale d’autrui, comme à autrui de partager la nôtre. Langage et action suggèrent ainsi deux modèles de compréhension de l’intersubjectivité pour les neurosciences cognitives. L’un est “inférentiel” et reste abstrait, il suppose des opérations de calcul, inductives et déductives, opérant sur des contenus mentaux traduits par le langage dans un contexte situationnel précis, et a été développé notamment par D. Sperber et D. Wilson (1989) dans leur ouvrage sur la pertinence. La seconde perspective, largement développée dans ce volume (Cf V. Gallese) est couramment nommée “simulationniste”. Neurophysiologique à l’origine, elle repose sur la notion de partage de représentations motrices entre deux individus. L’articulation entre ces approches reste à faire, ébauchée par les hypothèses encore spéculatives quant à l’origine motrice du langage et l’impact de la structure de la représentation motrice sur le langage (la syntaxe) et la pensée (Rizzolatti & Arbib, 1998).

La découverte des “neurones miroirs” (Rizzolatti et al., 1996), à l’origine de cette seconde perspective, a confirmé l’hypothèse d’une propriété transitive ou spéculaire du cerveau lui permettant de générer des configurations d’activité, et donc peut-être des représentations mentales ou des états mentaux, analogues chez soi et autrui, en rapport avec le comportement moteur (des représentations d’action) et donc par extrapolation avec les représentations du but, de l’intention, de l’état émotionnel et de la croyance sur le monde en rapport avec ce comportement.

Ces neurones corticaux frontaux prémoteurs sont en effet activés de manière identique lorsque le singe se prépare à exécuter lui-même un certain acte moteur (saisir un aliment), et lorsqu’il voit seulement l’expérimentateur exécuter ce même acte chez autrui. Un mécanisme identique existerait chez l’homme, l’observation de l’acte activant les structures motrices au même titre que l’imagerie mentale, la préparation et l’exécution de l’action. Le système de représentation d’action serait mis en jeu lorsque l’action est seulement représentée comme lorsqu’elle est préparée et exécutée, et surtout lorsque l’action est engagée par le sujet comme lorsqu’elle est perçue chez autrui (“lecture de l’action”). De même que se représenter l’action c’est agir, observer l’action c’est également agir.

Le système de codage de l’action permettrait ainsi une relation transitive entre individus, basée sur le partage d’intentions et d’actes, mise en jeu dans les interactions sociales. Ce système générerait des “représentations partagées” entre soi et autrui, partage de représentations communes à celui qui exécute et à celui qui perçoit l’action. Le terme de représentations d’action et d’intention reste ambigu mais garde une forte connotation psychologique, puisqu’il recouvre le sens de l’action, son but ou projet, mais aussi les attentes ou le désir du sujet.

Les représentations mentales semblent ainsi destinées à être “partagées”, elles ne sont propres au sujet qu’en apparence. Il est intéressant de noter que la neuropsychologie cognitive rejoint ainsi une autre perspective cognitive issue de la psychologie sociale et évolutionniste, qui souligne le génie propre des représentations mentales, des comportements et des croyances, poussés par l’évolution à “occuper” des cerveaux et des individus pour se maintenir et se reproduire, c’est-à-dire être partagés par des groupes humains. Ce que D. Sperber (1996) a appelé la “contagion des idées” serait ainsi un mécanisme de base, produit par l’évolution, de la constitution et du développement des cultures (S. Atran 1998).

Comprendre et anticiper le comportement d’autrui devient pour les neurosciences cognitives une fonction fondamentale de l’esprit et du cerveau, peut-être développée à partir des systèmes neuro-cognitifs spécialisés dans la représentation des actions motrices, dont dépendrait de manière ultime (dans le développement humain comme l’évolution) la structure de la pensée et du langage. Le recentrage sur l’action pose le problème du “saut” de la motricité au psychique et au langage, mais a l’intérêt de relier les notions de TOM et de cognitions sociales aux recherches sur le cerveau et de les inscrire dans une perspective évolutionniste.

Ce faisant, les neurosciences cognitives redécouvrent la théorie de l’empathie de Lipps, qui postulait que l’accès aux états mentaux et émotionnels d’autrui reposait sur une “imitation” automatique de l’autre, bien avant que la notion de représentation motrice ne donne à cette hypothèse ses bases à la fois biologiques et psychologiques. Pour Lipps (Pigman 1995), ce sont en effet les impulsions motrices automatiquement induites par la vue de l’expression de l’émotion sur le visage de l’autre (les influx nécessaires à la production de cette expression) qui permettent la tendance à ressentir l’état affectif correspondant. La représentation motrice assure la reproduction chez le spectateur de l’état affectif à partir de la perception de l’action de l’autre. La vision de l’expression correspond déjà à un “début d’imitation”, une “imitation interne”, comme les recherches actuelles montrent que la perception de l’action correspond à l’activation d’une représentation de celle-ci.
Dans le même temps, cette théorie revisite des notions cliniques elles-mêmes liées à l’empathie comme l’identification ou la projection, et redonne toute son importance dans le développement à l’imitation.

De la théorie de l’esprit à l’intersubjectivité

La notion de TOM redonne une place centrale en psychologie à l’intersubjectivité et à la relation. L’activité métareprésentationnelle (Perner, 1991), c’est-à-dire la représentation de l’activité même de l’esprit, de soi et des autres, est restaurée en tant que propriété centrale et spécifique, dans sa complexité, de l’esprit humain. On peut se demander pourquoi la psychologie “scientifique” (psychologie expérimentale, cognitive, neuropsychologie) a si longtemps ignoré ce champ, laissé à la psychologie clinique, à la psychanalyse et à la psychologie sociale, pour réduire le fonctionnement mental ou “cognitif” au puzzle de la perception, de l’attention, de la mémoire, du langage et de la motricité, réduisant les “fonctions supérieures” à la conscience. Lipps, Janet, Freud ont pourtant placé l’intersubjectivité au centre de leurs préoccupations. Pour des raisons méthodologiques et conceptuelles, les sciences objectives du cerveau et de la vie mentale se sont consacrées jusqu’à aujourd’hui seulement à l’étude d’un sujet et d’un cerveau en rapport avec l’environnement physique et matériel. L’irruption de la notion de TOM les conduit à abandonner cette vision solipsiste, comme les travaux sur le développement, et à renouer avec une approche interactionniste (J. Cosnier 1998). Le cerveau n’est plus en relation seulement avec le monde physique, il interagit avec d’autres cerveaux, analyse et représente des états mentaux. De même, les comportements étudiés ne sont plus seulement ceux par lesquels le sujet interagit avec l’environnement physique, mais des actions “sociales” (langage, actes de communication et actions relationnelles), dirigées vers l’autre ou vers l’action de l’autre, et ayant pour but de susciter ou modifier chez autrui ses actions, intentions et états mentaux (Georgieff, 2000). Or, c’est précisément ce registre comportemental qui est l’objet de la clinique psychiatrique, en particulier des états psychotiques sur lesquels nous reviendrons.

Mais on peut aussi s’interroger sur ce qui a conduit également, bien que pour d’autres motifs, la psychologie clinique et la psychanalyse à négliger tout autant cette fonction. Si l’intersubjectivité, l’interaction, la vie de relation imprègnent les modèles cliniques, ceux-ci n’ont que rarement tenté d’en concevoir les mécanismes en cause, d’isoler, de décrire et de comprendre la fonction mentale qui assure les conditions de base des processus relationnels et intersubjectifs. D’une certaine manière, l’accès à l’activité psychique d’autrui reste une évidence ou un constat empirique, il va de soi et ne constitue pas un objet en soi. Intuition, transfert et contre-transfert, identification, projection en rendent compte mais de manière essentiellement descriptive. La notion d’empathie subsistera mais réduite à sa signification clinique et descriptive, souvent confondue avec celle de sympathie (voire même de compassion) et donc suspectée de méconnaître les lois du transfert et du contre-transfert. On sait pourtant que Freud s’interroge longuement sur les processus groupaux, mais aussi sur les mécanismes de la “transmission de pensée”, qui correspond très exactement à la notion de TOM. On sait qu’il connait et utilise la notion d’empathie1, et qu’il l’adopte explicitement à plusieurs reprises, mais cette influence sera oubliée et les réflexions sur la télépathie rangées (auprès des fictions évolutionnistes freudiennes) au rayon des curiosités psychanalytiques, avec celles sur le déterminisme psychique et le hasard. C’est pourtant sur ces points que Freud interroge de manière précise et rigoureuse les propriétés de l’activité mentale.

Bien sûr, cette “négligence” relative de la psychologie clinique pour les mécanismes de l’intersubjectivité et du partage des activités mentales est en grande partie due au fait que la pratique clinique repose sur une fonction qui assure naturellement l’accès à la vie mentale d’autrui et le partage des états mentaux : la parole. Le rôle central du langage semble masquer la question de l’empathie, et la question de la communication occupera en psychologie clinique la place qu’aurait pu occuper la notion de TOM. Inversement, le modèle moteur des neurosciences cognitives s’inscrit dans la perspective ouverte par l’éthologie des chimpanzés : il s’agit d’un modèle muet, où seule la vision du comportement assure en silence le partage des représentations. Comme les singes, Sally et Ann restent muettes. Mais le silence n’est-il pas également au cœur des échanges cliniques ? Comme l’a bien montré D. Widlöcher (1996), les interactions psychiques en situation clinique (qu’il désigne par le terme de co-pensée) excèdent l’échange de parole et conduisent à prendre en compte des processus de partage d’activité psychique qui opèrent même dans le silence psychanalytique.
L’intérêt de la notion de TOM est de poser clairement aujourd’hui dans le champ des sciences de l’esprit cette question fondamentale : en quoi consiste la propriété de l’esprit qui assure la représentation de l’esprit par l’esprit, la “lecture de l’esprit” (mind-reading selon S. Baron-Cohen, 1995) ? Qu’est-ce que penser l’autre, et être pensé par l’autre ? Comment s’organise la représentation des pensées et émotions, croyances et désirs, de l’autre ? Et au delà, comment une activité psychique est-elle modifiée c’est-à-dire influencée par une autre ? Penser, c’est-à-dire représenter l’activité mentale de l’autre, c’est en effet soumettre son activité mentale à l’influence de celle d’autrui, laisser sa propre activité mentale modifiée par celle d’autrui que l’on représente.

Des représentations mentales partagées

Nous mettrons d’abord l’accent sur la notion de partage d’activité ou de représentations mentales. Alors que les neurosciences cognitives de l’action proposent la notion de représentations d’actions partagées, les modèles développementaux soulignent également l’importance d’une fonction propre de partage des objets d’attention ou d’intérêt. Brunner puis Baron-Cohen ont décrit les mécanismes d’attention conjointe (pointage proto-déclaratif, direction du regard) par lesquels l’enfant tente de faire partager à autrui l’objet de son attention, ou réciproquement s’intéresse à l’objet de l’attention d’autrui. Au delà de l’intérêt ou attention partagés pour un même objet ou événement externe, ces processus génèrent un partage de représentations mentales, une activité mentale commune. En attirant l’attention de l’autre sur ce qui suscite mon intérêt, mon plaisir ou ma crainte, j’invite l’autre à partager avec moi ces états mentaux et émotionnels. L’interaction précoce adulte/bébé comme plus tard l’état amoureux, caractérisés par la recherche d’un accordage affectif et mental, d’un partage maximal de représentations communes, l’illustrent chacun à leur manière, comme par ailleurs les phénomène groupaux. S. Baron-Cohen suggère un module spécifique (SAM ou shared attention mechanism) qui assure précocement et de manière innée, sur la base d’un partage d’attention pour le monde, ce “couplage” des activités mentales entre soi et l’autre. En relèvent d’autres processus d’apparition plus tardive qui assurent le “faire croire” et plus largement la génération chez l’autre d’un état mental analogue à celui qui occupe le sujet.
Cette tendance au partage d’états mentaux initialement propres semble constituer une fin en soi, être le but même de mouvements de communication et d’interactions avec l’autre, comme s’il existait une “pulsion” de partage visant à la reproduction chez autrui d’états mentaux et émotionnels analogues aux siens, source d’un plaisir ou d’une satisfaction propres. Le langage constituera ultimement le moyen le plus adapté de susciter cette contagion, cette communication au sens propre d’une induction chez l’autre d’une activité mentale analogue à la mienne, qui s’exprime dans le fait d’être “compris”.

Représenter et anticiper l’autre

Ces processus ne sont possibles que sur la base d’une aptitude innée à interagir mentalement avec autrui, et donc à anticiper l’existence d’un autre c’est-à-dire l’existence d’une autre activité mentale. A partir de l’étude des interactions précoces entre le bébé et sa mère, C. Trevarthen (1993) a proposé la notion d’un “autre virtuel” inhérent au fonctionnement mental individuel, postulant ainsi le rôle d’une représentation innée d’autrui dans le fonctionnement mental de l’enfant, qui assurerait dès la naissance la régulation de l’intersubjectivité et des comportements d’interaction par l’anticipation permanente des réponses de l’autre aux comportements du sujet. Selon C. Trevarthen, le développement neurobiologique précoce repose sur une capacité innée du bébé à se représenter, dans l’interaction, les comportements d’autrui et à les anticiper, ces anticipations assurant une régulation des propres comportements du bébé. Ces aptitudes innées à interagir avec autrui dépendraient d’un système neurobiologique et cognitif (“IMF” pour Innate Motive Formation), système régulateur du développement qui prédispose l’individu à l’intersubjectivité et génère les conduites interactives grâce à l’intériorisation de l’ “autre virtuel” qui permet l’anticipation de ses réponses. Les recherches développementales éclairent les sources de cette aptitude intersubjective qui destine le psychisme du sujet à représenter l’autre et son activité mentale.

S’organise ainsi la description et la compréhension d’une nouvelle “fonction” mentale sous-jacente à l’intersubjectivité, dont le champ d’application dépasse la communication au sens habituel. La notion de TOM, ou celle d’empathie que l’on peut lui préférer aujourd’hui (en référence au modèle simulationniste et en étendant son champ aux états émotionnels), serait ainsi l’une des expressions de l’aptitude innée à exploiter une “psychologie naïve”, c’est-à-dire un mode d’appréhension et compréhension inné du comportement humain, reposant sur des logiques propres (en particulier une causalité intentionnelle qui se distingue de la causalité physique). De notre point de vue, il s’agit d’une fonction assurant non seulement la représentation ou reconstruction des états mentaux d’autrui au cours de l’interaction, mais aussi l’anticipation de l’activité mentale d’autrui, grâce à une permanente génération d’hypothèses sur les états mentaux et intentionnels d’autrui.

Cette perspective éclaire les multiples dimensions complexes de l’interaction et de la communication, comme bien sûr le jeu, le mensonge ou la ruse, et l’humour dans la mesure où l’effet comique semble déclenché non par une scène ou une situation en elle-même, mais par la représentation de l’état mental d’un personnage pris dans la scène ou témoin de celle-ci. L’effet comique comme la génération de l’émotion artistique suppose ainsi un “relais mental”, un personnage inscrit dans la scène dont la représentation des états mentaux est nécessaire au déclenchement de l’effet psychique produit chez le spectateur.

Elle permet aussi de comprendre comment la communication inter-humaine est régie non par la logique formelle, mais par la logique naturelle qui repose sur l’anticipation de la compréhension de l’autre. Ainsi, une proposition peut être logiquement vraie mais irrecevable du point de vue de la logique naturelle : à la question “quel âge as-tu ?”, un enfant âgé de huit ans ne répondra pas qu’il en a cinq, ni sept (ce qui est pourtant vrai logiquement), mais seulement qu’il en a huit car il sait l’intention de son interlocuteur. Par convention, c’est la compréhension mutuelle des intentions sousjacentes aux actes de parole (c’est-à-dire l’usage de TOM) qui régit la communication.

La pragmatique de la communication l’illustre (Reboul & Moeschler 1998). Elle suggère que l’usage (et l’organisation) du langage implique l’accès aux états mentaux et intentionnels de celui à qui l’on s’adresse. Mon discours s’organise en fonction des croyances, intentions, représentations du monde que je prête à mon interlocuteur, au prix d’un constant ajustement aux indices que le discours et le comportement de l’autre me donne sur ses états mentaux. L’anticipation des états mentaux de l’interlocuteur, l’accès à son “pouvoir comprendre”, est nécessaire pour produire le discours qu’on lui adresse, autant que la représentation du “vouloir dire” du locuteur est nécessaire pour comprendre le discours qu’il nous adresse.

La notion de TOM offre ainsi une relecture de la métaphore, dont la nature n’est pas à rechercher dans le texte ou la structure du discours, mais dans l’acte de communication ou de parole en tant qu’expression d’une hypothèse sur l’état mental de l’autre. C’est le fait d’anticiper le sens que l’autre donnera à mon propos qui me permet d’user d’un terme au-delà de son sens littéral. La production de la métaphore, comme de toute figure productrice de sens, repose sur la représentation que je peux me faire du sens que l’autre donnera à ma parole (d’un sens différent du sens littéral). Elle implique un pari sur l’effet de sens2 que mon discours génèrera chez l’autre, un pari sur l’état mental que mon discours produira chez mon interlocuteur. Réciproquement, l’autre me comprend en faisant un pari comparable sur le sens de mon discours c’est-à-dire sur mon propre état mental, un pari sur l’intention qui est à l’origine de l’acte de langage que je lui adresse. Si l’usage de la métaphore illustre ce rôle majeur de la fonction de TOM dans la production du langage, il n’en est pourtant qu’un cas particulier. Plus généralement, la production de tout effet de sens suppose une anticipation ou représentation de l’état mental d’autrui. C’est l’anticipation de l’activité mentale de l’autre qui rend possible la polysémie du symbole, polysémie que la métaphore illustre de la manière la plus remarquable. D’une certaine manière, le fait même de “penser” l’autre, c’est-à-dire de représenter son activité mentale et donc les sens qu’il donnera à mon propos ou à mes actions, introduit dans ma propre activité mentale une ouverture sur l’infini des significations susceptibles d’être produites par mon discours ou mon action, non seulement chez l’autre mais pour moi-même.

Nous suggérons que cette représentation des significations multiples de mon action pour l’autre, permise ou déclenchée par la représentation de l’activité mentale de l’autre, régule en retour la production de mon discours. L’anticipation de l’activité mentale de l’autre pourrait ainsi constituer un mécanisme régulateur de la production du langage.

L’important est de considérer ici que l’anticipation des états mentaux d’autrui et donc de ses réponses verbales et comportementales (avant même la perception de celles-ci qui permettra d’inférer les états mentaux correspondants et de réguler l’interaction) constitue un mécanisme fondamental mis en jeu dans la production (et non seulement la compréhension) du langage. Ma parole s’adresse à l’autre au sens où elle anticipe ses états mentaux et ses réponses. Elle est ainsi organisée en fonction d’une représentation attendue de l’autre (d’une hypothèse sur l’autre), comme le comportement du bébé qui s’adresse à la mère est organisé par les réponses comportementales attendues de la mère, au sens où il est organisé pour susciter chez la mère ces réponses anticipées. Se représenter les états mentaux de l’autre est une condition nécessaire à la production du discours que je lui adresse et détermine l’organisation de l’acte de langage produit.
Nous proposons d’appliquer ce même principe à la production de l’activité mentale elle-même, régulée par la représentation de l’autre. Penser c’est-à-dire représenter et anticiper l’autre serait un véritable mécanisme régulateur de l’activité mentale et de l’action, dans la mesure où elles s’adressent à autrui. Un tel mécanisme pourrait jouer un rôle essentiel dans le développement psychique de l’enfant dès les premières interactions et être un processus clef du développement du langage.

Applications psychopathologiques : pathologies de l’empathie

Troubles de la relation et des interactions

Ce bref aperçu du champ d’étude ouvert par les notions de TOM, d’empathie ou de cognition sociale laisse apercevoir les nombreuses pistes de recherche et de réflexion pour la psychopathologie.

La première est l’étude des troubles de la communication, de la relation et des interactions. Schématiquement, l’autisme infantile et ses troubles de la réciprocité sociale pose bien sûr le problème d’un possible échec précoce de ces mécanismes, de l’impossibilité d’exploiter une “psychologie naïve”, qui contraste avec une appréhension souvent préservée du monde physique et de ses lois. De ce trouble précoce de l’empathie (que S. Baron-Cohen nomme “cécité mentale” c’est-à-dire cécité pour l’activité psychique de l’autre –mind blindness– mais que nous définirions plutôt comme une sorte de “négligence” –mind neglect– au sens de la neuropsychologie) découleraient des altérations de la constitution de la représentation de soi et de l’autre.

Nous ferons seulement référence ici aux travaux expérimentaux présentés dans ce volume : Corcoran, Sarfati qui sont en faveur de l’existence objectivable de troubles de la TOM dans la schizophrénie, au sens de la reconnaissance et de la compréhension des états mentaux d’autrui. Ce défaut de TOM dans la schizophrénie a des expressions cliniques sensibles, dans la communication verbale et non verbale. On peut redéfinir aujourd’hui ces troubles bien décrits par les approches cliniques et phénoménologiques (le “contact” psychotique, marqué par la bizarrerie, l’hermétisme ou l’étrangeté…) comme des anomalies de la pragmatique de la communication, c’est-à-dire de l’ajustement comportemental, mental et verbal (pensées, langage, affects, comportement moteur) permanent à l’autre dans l’interaction, ajustement qui repose comme nous l’avons vu sur les cognitions sociales ou TOM. Les interactions sont en effet continûment régulées non seulement par les réponses, les comportements et émotions que nous percevons chez notre interlocuteur, mais aussi par les émotions, intentions et croyances (les états mentaux) que nous prêtons à cet interlocuteur, en les anticipant. Un trouble de l’accès à la vie mentale d’autrui, qu’il touche la reconnaissance et l’interprétation des signaux comportementaux et verbaux renseignant sur l’activité mentale de l’interlocuteur, où la capacité à anticiper cette activité mentale, peut donc gravement perturber communication et interactions sociales comme cela semble être le cas chez les patients atteints de schizophrénie.

Ces troubles semblent proches de ceux des enfants autistes, ils expriment une rupture ou une particulière difficulté de l’établissement d’une relation d’empathie avec autrui, au sens d’une appréhension et compréhension, ou prise en compte, de l’autre dans l’interaction sociale. Alors que délire et hallucinations témoigneraient d’un trouble de la conscience de soi (de la représentation des actions et intentions propres du sujet), le trouble de la relation exprime symétriquement un trouble de la conscience de l’autre (de la représentation de ses actions et intentions).

Troubles de la représentation différenciée de soi et d’autrui

La clinique schizophrénique, outre l’autisme qui peut lui-même d’ailleurs y être aussi retrouvé, éclaire cependant un autre type de trouble de l’intersubjectivité, perturbant des mécanismes relationnels déjà fonctionnels et développés qui ont abouti, avant l’apparition des manifestations cliniques caractéristiques chez le jeune adulte, à des représentations différenciées de soi et d’autrui, à une représentation de soi et à un accès à l’altérité. Elle constitue ainsi une pathologie plus tardive de l’empathie, non seulement sous l’angle de la rupture de celle-ci mais aussi de diverses expériences pathologiques de la relation à l’autre.

Nous retiendrons surtout en effet ici les symptômes positifs (hallucinations acousticoverbales, syndrôme d’influence, automatisme mental), qui de ce point de vue pourraient témoigner d’une perte de différenciation entre l’activité mentale propre du sujet et celle d’autrui (trouble du repérage de la source ou de l’origine de l’acte mental, ou comme nous le verrons plus loin trouble du jugement d’ “agentivité” de l’action).

Pour K. Schneider (1959), ces symptômes les plus caractéristiques de la schizophrénie témoignent de l’intervention d’autrui dans les pensées du sujet et dans son monde privé, qu’il s’agisse d’entendre des voix étrangères qui ordonnent ou commentent ses actes, ou de ressentir qu’un contrôle externe, qu’une “influence” s’exerce sur ses pensées et intentions, ou enfin que ses actions et intentions se confondent avec celles d’autrui. Cliniquement, ils constituent des anomalies exemplaires de la conscience de soi et de l’autre, dans la mesure où ils expriment l’expérience d’une relation anormale, de confusion, entre le patient et un autrui imaginaire. Ces symptômes altèrent la différenciation ou limite entre le “soi”, et le monde externe ou le champ de l’autre, menaçant ainsi le sentiment élémentaire de soi.

Le sujet halluciné ou influencé y est en effet toujours confronté à un autrui imaginaire ou virtuel, dans une interaction ou une interlocution. La question posée par ces symptômes est celle de l’expérience de l’action et de l’activité mentale dans un schéma d’interaction entre un agent et autrui (Georgieff & Jeannerod, 1998). Ils suggèrent le dysfonctionnement d’un mode de représentation “social” de l’action, reposant sur des représentations communes ou partagées de soi et d’autrui, système pour lequel l’attribution d’agentivité correspondrait à une levée d’ambiguïté et à une différenciation soi-autrui.

Ces symptômes constituent en effet une double pathologie de l’attribution d’agentivité de l’action à soi ou à l’autre. Si les hallucinations verbales ou le syndrome d’influence témoignent d’un défaut de conscience du soi en action, il existe fréquemment aussi une clinique symétrique ou en miroir, observée chez des sujets délirants convaincus que leurs intentions ou leurs actions commandent les événements du monde, ou qu’ils exercent une influence sur la pensée et les actions d’autrui. Le sujet a alors l’expérience pathologique d’être l’agent des actions d’autrui, voire des événements qu’il observe. Ces symptômes constituent un “syndrome d’influence inversé”, une attribution à soi, par excès, d’actions d’autrui et d’événements externes, pourtant indépendants de l’action du sujet que le sujet relie à ses intentions propres, dans les expériences de “centralité” (Grivois, 1996), proche de la catégorie de troubles que Janet nommait “subjectivation intentionnelle”.

C’est en ce sens que nous avons proposé d’introduire dans le modèle neuropsychologique cognitif de l’action un système spécifique pour les actions sociales ou interindividuelles qui sont l’objet de ce que l’on pourrait appeller ici la neuropsychologie cognitive sociale de l’action (Georgieff, 2000). Nous avons suggéré (Georgieff & Jeannerod, 1998) que les troubles schizophréniques de l’identité pourraient exprimer une pathologie de la conscience de l’action invitant à poser, dans l’interaction et le partage social d’actions, la question du “qui” (who system ou système du “qui”), c’est-à-dire de l’agent de l’action, dissocié de la conscience de celle-ci. Selon cette hypothèse, la différenciation entre actions propres et actions d’autrui (c’est-à- dire l’attribution de l’agentivité) reposerait sur ce système de représentation d’action partagées.

Constituant une interface fonctionnelle entre action de soi et d’autrui, le système de représentation d’action pourrait en effet confronter, comparer ou relier les actions ou intentions propres, et les actions ou intentions d’autrui, permettant ainsi à la fois l’interprétation des conduites intentionnelles d’autrui en regard des intentions propres au sujet, et une discrimination entre les actions et intentions propres et celles attribuées à l’autre. Les perturbations fonctionnelles touchant ce système se traduiraient par les deux types d’erreurs possibles d’attribution, selon les deux versants de la pathologie psychotique de l’expérience de l’action correspondant aux deux versants “en miroir” de la clinique schizophrénique.

On voit que cette lecture conduit à une interprétation sensiblement différente de celle de Frith et Corcoran, qui conçoivent les troubles de TOM chez les sujets schizophrènes principalement comme un défaut de la représentation des états mentaux d’autrui. De ce point de vue, le délire notamment de persécution paranoïde est une erreur de représentation ou d’interprétation des intentions ou états mentaux de l’autre. La perspective ouverte par l’hypothèse du trouble de repérage de l’agent ou de la source conduit en revanche à comprendre le délire comme le produit d’un trouble d’attribution d’états mentaux propres à autrui (comme un trouble de l’expérience par le sujet de sa propre activité mentale), selon un principe analogue à celui de la projection freudienne.

On peut définir ces symptômes comme expressions d’une “pathologie de l’empathie” (Georgieff, 2004). La sensibilité du système de régulation de l’action aux actions perçues chez autrui pourrait constituer un mécanisme d’expériences pathologiques comme le syndrôme d’influence. Cette transitivité suppose en effet non seulement un partage des représentations d’action, mais aussi une réceptivité aux actions d’autrui, telle que celles-ci seraient capables, grâce à l’équivalence fonctionnelle entre perception, représentation, préparation et exécution, d’exercer une influence réelle et normale sur le système d’action du sujet percevant.
Cette influence physiologique pourrait constituer un mécanisme de l’imitation immédiate, dont l’imitation précoce chez le bébé, et des conduites pathologiques mimétiques ou “en miroir” observées notamment dans les psychoses débutantes ou en phase aiguë, et dans l’autisme infantile. L’expérience pathologique d’influence pourrait impliquer une altération de ce processus et correspondre de ce point de vue à une pathologie de l’empathie. Les délires d’influence psychotiques correspondraient à une expérience pathologique et aliénante du processus empathique normalement mis en jeu dans les interactions sociales mais ne donnant pas lieu à une expérience consciente (Georgieff, 2004). Tout se passe comme si le sujet souffrait d’une expérience douloureuse, menaçante et intrusive, du fait d’être pensé par autrui.

Croyance délirante et langage

La dernière perspective concerne les anomalies du langage, de la pensée et de l’organisation symbolique (accès au sens et à la métaphore) fréquentes dans les pathologies psychotiques et dont nous considérons qu’elles pourraient exprimer l’échec de l’anticipation de l’autre dans la régulation de l’activité mentale et du langage (rôle que nous avons suggéré plus haut). On a souligné dans l’autisme infantile la valeur littérale du langage et la rareté des métaphores, l’absence d’humour, l’usage inadapté d’une logique formelle, enfin le développement par apprentissage de stratégies complexes et non naturelles destinées à assurer la communication et la compréhension sociale en palliant l’échec des aptitudes psychologiques naïves innées.

Les mêmes particularités du langage et de l’accès à la symbolisation ont été souvent décrites dans la schizophrénie, et posent ici aussi la question des conséquences éventuelles d’une perte de la régulation de la production de la parole (et de la pensée elle-même) par l’anticipation ou la prise en compte de l’activité mentale de l’autre à qui elle est adressée (cf plus haut). Cette méconnaissance de l’autre culmine dans la croyance délirante que nous sommes tentés de rattacher au même processus. Le caractère inébranlable et non dialectique de la “croyance” délirante peut en effet être décrit comme l’expression d’une incapacité (au sens propre) à représenter l’activité psychique d’autrui, et donc d’autres “points de vue” sur la réalité, d’autres significations données aux événements comme aux mots. Ce qui semble manquer ici est littéralement la possibilité d’un partage de représentations au sens du partage du point de vue de l’autre. Ce dernier est réduit à une duplication du soi, selon un mode relationnel d’identification spéculaire. Comme cela a été aussi souligné dans les états limites (Kernberg), le patient est dans l’impossibilité soit d’appréhender l’activité mentale d’autrui, soit de la concevoir comme différente de la sienne propre. C’est semble-t-il dans ce même système d’identification spéculaire à l’autre que s’organisera l’expérience pathologique de partage qui s’exprime dans le syndrome d’influence et les troubles de la distinction entre soi et autrui. Expériences pathologiques de partage (jusqu’à l’indifférenciation soi/autrui) et perte de toute représentation de l’altérité exprimeraient ainsi deux modalités d’un même trouble de la prise en compte de l’activité mentale de l’autre en tant que distincte de celle du soi.

A un niveau plus élémentaire encore de la pragmatique de la communication, un tel trouble pourrait comme nous l’avons évoqué plus haut être en cause dans la “littéralité” du discours schizophrénique, dans la mesure où l’ouverture polysémique et métaphorique de la parole, ici altérée, implique dans l’organisation et la production du langage une forme de régulation inhérente à l’anticipation de l’activité psychique d’autrui.
D’une certaine manière, nous suggérons ainsi de voir dans la fonction permettant la prise en compte de l’autre dans la régulation neurocognitive du langage et de l’action (sens que nous donnons à la TOM) le mécanisme fondamental ou les processus élémentaires des troubles cliniquement et phénoménologiquement décrits en tant qu’échec d’accès à l’altérité et qui caractérisent les états psychotiques à différents niveaux de description clinique et de complexité, des troubles de l’interaction à ceux de la constitution du symbole.

Conclusions

Les anomalies de la représentation de soi et d’autrui et de leur différenciation, qui prédominent dans les états psychotiques avérés (autisme infantile et schizophrénie), s’observent sans doute dans d’autres pathologies (notamment les divers troubles envahissants du développement et les pathologies limites de l’enfant et de l’adulte, Kernberg), et pourraient constituer une “dimension” clinique trans-nosographique en rapport avec des dysfonctionnements divers des systèmes de cognitions sociales sous-jacents à l’intersubjectivité, systèmes que tentent aujourd’hui de définir les modèles cognitifs de “Théorie de l’esprit” et de l’empathie. Cette clinique reste encore peu explorée en particulier chez l’enfant et l’adolescent, notamment dans les états peu symptomatiques précédant l’apparition des symptômes schizophréniques.

Nous conclurons en soulignant que les modèles neuro-cognitifs rattachent aujourd’hui les cognitions sociales, l’accès à l’autre, à un mécanisme essentiellement spéculaire et transitif de représentations partagées ou d’activations communes “en miroir”, qui insiste sur la part commune entre soi et autrui et définit un mode de représentation ou de connaissance de l’autre basé sur le partage du même. De manière paradoxale, l’accès à l’autre semble ainsi reposer sur l’accès à soi, dans un “système du même”. Or il reste à comprendre comment s’organise inversement, à partir de tels mécanismes de partage mental, la représentation de la différence entre soi et l’autre, de l’inconnu, c’est-à-dire l’expérience de l’altérité et les limites de l’empathie, supposant un “système de l’autre” ou du “différent”. La clinique des états psychotiques, au décours du développement, interroge ces fonctions complémentaires qui organisent les représentations du soi et de l’autre et la prise en compte de l’altérité psychique.

Notes

1- “J’ai acquis la représentation d’un mouvement d’une certaine amplitude en exécutant ou en imitant moi-même ce mouvement et, à l’occasion de cet acte, j’ai appris à connaître, dans mes sensations d’innervation, une mesure de ce mouvement. Or lorsque je perçois, chez un autre, un mouvement similaire (…) la voie qui me mènera le plus sûrement à sa compréhension – à son aperception- coïncidera avec celle que je suivrais moi-même pour reproduire, par imitation, ce même mouvement (…). Cette impulsion à l’imitation se produit sans aucun doute lors de la perception du mouvement”. (…) Mais je n’imite pas en réalité ce mouvement (…) je représente ce mouvement à l’aide des traces de souvenirs laissées en moi par les dépenses que des mouvements analogues ont exigées de moi. Le “représenter” ou le “penser” se distingue de l’ “agir” ou de l’ “exécuter” surtout en ce qu’il

2- Cette perspective implique une positivité de l’effet de sens conçu comme un état mental ou une réaction psychique en rapport avec un état neuro-cognitif.

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