Un guide vert Que se passe-t-il au moment où des tenants de la psychanalyse ressentent le besoin de regrouper en un ouvrage les thèmes principaux de leurs connaissances ? En attendant de pouvoir vraiment répondre à cette question, on peut déjà imaginer que quelque chose d’essentiel se joue en eux, et autour d’eux, qui les sollicite, quelque chose d’assez présent pour être déjà investi sans être pour autant clairement représentable. On a l’impression que tout se passe comme si cette fermentation qui poussait les auteurs au travail n’était pas autrement saisissable que par la remise en perspective de tout ce qui a déjà été établi. Comme si l’effort pour redessiner le « fondamental » allait favoriser l’émergence de la forme pressentie, comme si ce « fondamental » allait faire office de toile de fond. L’envie de planter le décor mobiliserait les auteurs avant de jouer la pièce, ne serait-ce que pour délimiter l’espace où se déroulera la nouvelle version d’un drame : la remise en jeu des acquis. Selon cette impression, l’ouvrage de référence répondrait aussi au besoin de s’opposer à l’émergence d’un contre-courant.
À en juger par les productions collectives parues en 1996 ( par exemple pour ne citer qu’eux, Psychanalyse et Psychothérapies sous la direction de Daniel Widlöcher et Alain Braconnier, ainsi que les multiples efforts de synthèse existant aujourd’hui en librairie, ou sur le point de paraître comme le Psychanalyse mis en forme par l’équipe du Pavillon Albert Prévost au Québec), nous serions aujourd’hui au temps des ouvrages « basiques » comme si les psychanalystes de la fin du siècle voulaient d’abord rassembler ce qui les assemble.
Et, peut-être, est-ce dans ce but que les psychanalystes orchestrés par Alain et Sophie de Mijolla, publient aux P.U.F un « fondamental » destiné aux étudiants de psychologie? On peut le supposer car leur gros travail de plus de 800 pages, est véritablement conçu comme un livre, même si cet ouvrage rassemble une dizaine de signatures. Les articles d’origines diverses ont été conçus pour s’enchâsser dans un cadre adopté par les auteurs : celui de la métapsychologie freudienne, depuis ses origines jusqu’à ses développements les plus récents. L’ensemble aboutit à une mise en place claire et argumentée d’un socle théorique, grâce à une présentation bien référencée, facilement utilisable par l’étudiant et l’honnête homme d’aujourd’hui. Ces qualités en font un livre de base sur le vaste sujet de la psychanalyse, un ouvrage de référence qui trouve naturellement sa place dans une bibliothèque des sciences de l’homme.
En rappelant la valeur heuristique de la causalité psychique, connectée en permanence avec la bisexualité psychique, ce « fondamental » de Psychanalyse montre comment s’est construit le savoir métapsychologique, comment un clinicien en psychologie peut se servir de ce savoir pour favoriser l’émergence d’un mieux-être chez lui comme chez son patient. Théorie et clinique psychopathologiques sont ici deux jambes pour avancer, une bipolarité sans cesse réactivée par les contraintes de l’existence lorsque le plaisir d’exister n’est pas nécessairement trouvé -tant s’en faut- aux rendez-vous de la vie.
En facilitant l’orientation du lecteur dans le maquis des productions historiques et actuelles, conséquence de l’exceptionnelle fécondité analytique depuis un siècle, ce fondamental de Psychanalyse à jaquette vert pomme se poserait comme « le guide vert » du voyageur en sciences humaines ? Un guide destiné à faciliter des déplacements au sein d’un champ de connaissances complexes, contribuant à faire du lecteur un voyageur virtuel, un être libre de ses choix et de ses idées. On aura compris que ce « guide pour être vert » n’entend pas rivaliser avec d’autres livres colorés; que l’un soit un grand livre vert ou l’autre un petit livre rouge, puisque celui-ci ne nourrit aucun projet idéologique.
