Bill Viola
Grand Palais, Paris.
Jusqu’au 21 juillet 2014
« La naissance n’est pas un commencement, la mort n’est pas une fin ». Cette phrase d’un chef amérindien, souvent cité par Bill Viola, correspond bien à son œuvre qui explore un monde au-delà des apparences et veut montrer en quoi la vidéo est un instrument formidable pour nous faire accéder à ce qu’il faut bien appeler l’au-delà.
C’est la première exposition du Grand Palais dédié à l’art vidéo et la première rétrospective de Bill Viola en France, qui est aussi la plus grande consacrée à cet artiste jusqu’à présent. Vingt œuvres, cinquante écrans et plus de six heures d’images.
Bill Viola, qui vit actuellement dans le désert californien, dont il apprécie les espaces et les lumières, a été marqué par l’ambiance de créativité effervescente et de quête métaphysique des années 70. Il a étudié l’informatique, la musique électronique, le mysticisme. Il a été formé par Nam June Paik, premier vidéaste, qui incitait à « tuer la télévision », c’est-à-dire à s’attaquer aux images du divertissement et du marketing. Il lit beaucoup, dessine beaucoup, écrit beaucoup. Un Journal de 40 volumes tenu pendant 40 années. Il connaît très bien les peintres anciens. On a dit qu’il est comme un peintre de la Renaissance qui emploie des pinceaux numériques.
Le passage d’un monde à l’autre est un thème central. Dès la première salle, The Reflecting Pool nous montre un homme, Bill Viola lui-même, qui plonge dans une piscine, puis on ne voit plus que les mouvements et reflets de la surface de l’eau. Cette œuvre autobiographique fait référence à une expérience infantile.
« Un jour, je suis tombé dans un lac et j’ai failli me noyer. J’avais six ans ». Avec son cousin et son oncle, ils jouaient à sauter dans l’eau. « Quand j’ai sauté à mon tour, j’ai oublié de garder l’air dans mes poumons et j’ai coulé à pic, comme une pierre. Je me suis alors assis au fond du lac, comme un petit bouddha, et j’ai vu ces rayons de lumière étonnants qui pénétraient dans l’eau, exactement comme dans Ascension. Ensuite, mon oncle m’a sorti de l’eau. Cet incident où j’ai failli perdre la vie a été paradoxalement un pur cadeau. Je suis resté fasciné par le monde magnifique que j’ai découvert en me noyant… »
Souvent, Bill Viola évoque ce souvenir comme déterminant de sa démarche artistique. Il semble n’avoir pas fini de rechercher ces instants mystérieux et magiques, de les faire durer. « L’instant présent est en réalité un monde vaste et complexe, où le temps et l’espace ne sont pas ce que l’on croit. » Il pratique beaucoup la technique du « ralenti », qui permet de distendre le temps et de dévoiler les significations infinies des gestes et des mouvements.
Bill Viola traite dans ses vidéos les grandes questions métaphysiques, la vie, la mort, la naissance. Going Forth By Day, l’œuvre la plus importante de l’exposition, se compose de cinq vidéos. La troisième, The Voyage, évoque la mort de son père. Pour Bill Viola, très versé dans la philosophie bouddhique et pratiquant la méditation zen, la mort n’est pas définitive. « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis », écrit-il.
La première, Fire Birth, plonge le spectateur dans une lumière orange vif. Ce serait, écrit Bill Viola, « la vision qu’a le nouveau-né en venant au monde ». Ou peut-être la vision qu’a celui qui quitte le monde ? Ce serait cet enfant, petit bouddha, assis au fond de l’eau, s’émerveillant des visions et sensations qui l’enveloppent, qui invente des dispositifs extrêmement sophistiqués pour produire des images de grande beauté, jouant sur les reflets, les transparences, les mouvements, les émotions qui se lisent sur les visages dans leurs plus fines nuances. Images oniriques, quasi fantomatiques, suscitant chez le spectateur un état hypnotique, où les sensations se transforment en rêves et les rêves en images.