A propos du « packing »
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A propos du « packing »

Il nous a paru important de faire figurer sur le site « Psynem » la lettre ouverte de Pierre Delion actuellement pris à parti par l’association « Léa pour Samy » à propos de la technique du packing proposée par certaines équipes, à certains enfants autistes – mais pas seulement – confrontés à certaines difficultés évolutives très particulières, très graves et très douloureuses (automutilations, épisodes cata-toniques, périodes de régression majeure avec souffrance psychique insondable…). Il ne s’agit donc en rien d’une technique applicable à tous les enfants autistes, mais d’un type d’intervention qui ne se justifie que lorsque la survie psychique des patients, en quelque sorte, s’avère possiblement mise en jeu.

Pierre Delion expose précisément les assises théorico-cliniques de cette technique à laquelle, bien évidemment, l’aide aux enfants autistes ne saurait se restreindre, et à laquelle elle ne se restreint effectivement pas, puisqu’elle concerne seulement quelques enfants présentant des particularités évolutives très spécifiques, et fort heureusement relativement rares. Si le site « Psynem » se fait l’écho de ce débat actuellement très violent, c’est parce qu’il nous semble aller très au-delà de la simple technique du packing, et qu’il pose, en réalité, un problème de société important pour l’avenir de la médecine. Le packing est en effet perçu comme efficace, utile et bénéfique par les cliniciens qui y recourent, par un certain nombre de parents dont l’enfant a pu bénéficier de cette aide, voire par certains enfants eux-mêmes qui finissent par attendre les séances, si ce n’est à les réclamer, mais il est vrai que cette technique, déjà connue depuis longtemps, n’a encore jamais reçu d’évaluation valide et contrôlée. Or la polémique surgit au moment même où l’équipe de Pierre Delion a obtenu un financement pour mettre en place un PHRC (Programme Hospitalier de Recherche Clinique) en vue, précisément, de procéder à cette évaluation, PHRC qui, bien entendu, n’a été autorisé qu’après accord des autorités officielles en matière d’éthique et de protection des personnes. Il importe alors de rappeler ici qu’aucune des aides proposées aux enfants autistes ne se trouve actuellement validée, au sens méthodologique précis de ce terme, pas même la méthode ABA (Applied Behaviour Analysis) prônée par l’Association « Léa pour Samy » et dont les validations souvent évoquées, se trouvent en fait, désormais, très sérieusement remises en cause, comme le montrera un article rigoureusement documenté dans le prochain numéro de la revue La Psychiatrie de l’enfant. L’impact de l’approche psychothérapeutique des enfants autistes fait, en ce moment même, l’objet d’un protocole original de validation – à la fois quantitatif et qualitatif – qui est coordonné par G. Haag et moi-même, dans le cadre du réseau d’Evaluation des Pratiques Psychothérapiques (EPP) mis en place sous l’égide de la Fédération Française de Psychiatrie (M. et J.M. Thurin) et de l’INSERM (Pr B. Falissard), mais ce travail est seulement en cours. Autrement dit, si l’on devait strictement n’utiliser que les dispositifs authentiquement validés pour venir en aide aux enfants autistes, nous serions aujourd’hui, véritablement très démunis. Or, l’association « Léa pour Samy » réclame à nos instances politiques, avec la vigueur qu’on lui connaît, un moratoire à l’égard des techniques de packing, ce qui reviendrait, purement et simplement, à empêcher le déroulement même du PHRC mentionné ci-dessus. La question pour nous n’est pas de dire que la méthode ABA elle-même mériterait, elle aussi, d’être validée scientifiquement avant que d’être recommandée comme le seul dispositif fondé, la question est de faire remarquer que la démarche de l’association « Léa pour Samy », si elle devait aboutir, ouvrirait une ère nouvelle dans laquelle des pressions associatives (et parfois idéologiques) risqueraient de remettre en cause des recherches évaluatives démocratiquement autorisées, et donc, finalement, créeraient une situation inédite dans laquelle ce serait les parents d’enfants malades qui finiraient par définir les champs de recherche (clinique, théorique, thérapeutique ou évaluative) autorisés ou non autorisés. L’enjeu est donc de taille, il dépasse, et de loin, les quelques enfants autistes éventuellement concernées par la technique du packing, et pour l’instant, nous espérons surtout que les responsables politiques concernés sauront ne pas céder à des tentations sans rapport aucun avec la rigueur scientifique et le bien-être des enfants en souffrance.