Bon anniversaire, Sigmund
Éditorial

Bon anniversaire, Sigmund

Freud entre donc dans sa cent cinquante et unième année… Et il ne se porte toujours pas trop mal, à en croire le bruit fait autour de l’événement. C’était pourtant une corvée ces anniversaires ! Surtout après 50 ans. « Conformément à vos voeux, votre anniversaire doit être fêté en silence » reconnaissait Karl Abraham en 1915. En 1900, Freud s’était confié à Wilhelm Fliess : « Voilà que j’ai déjà 44 ans et je ne suis qu’un vieux Juif plutôt miséreux, comme tu pourras t’en convaincre cet été ou cet automne. Les miens ont, malgré tout, tenu à fêter mon anniversaire. Ma meilleure consolation est de penser que je ne leur bouche pas entièrement l’avenir ; ils peuvent vivre et vaincre dans la mesure où leur force le leur permettra. Je leur laisse une marche à gravir sans les conduire à un sommet d’où ils ne pourraient s’élever davantage. » Au fidèle Abraham, il déclara en 1916 ; « Par suite des annonces publiées dans les journaux berlinois, le jour de mon anniversaire n’a pu être tenu secret, comme je le désirais, et ce sont justement les gens situés à moyenne distance qui, ne sachant rien de mon désir, se sont remués et m’ont donné beaucoup de travail. De Vienne, j’ai reçu aussi tant de fleurs que je n’aurai pas besoin de couronnes mortuaires, et Hitschmann m’a remis un « discours non prononcé », qui était si touchant et si élogieux que je puis demander à être enterré, le moment venu, sans oraison funèbre. » Cela n’a pas empêché les hommages, comme celui de Stefan Zweig, en 1931 : « Veuillez recevoir avec mon estime indéfectible les voeux les plus sincères en ce soixante-quinzième retour du jour auquel notre monde doit un monde de pensées et le modèle d’une grande vie véritablement exemplaire, avec toute mon admiration. »

Que peut-on dire de mieux en cette année 2006, car le monde continue de lui devoir pensées et modèle de vie. Ceux qui crachent sur son image sont destinés à rejoindre le souvenir évanescent qui est conservé de leurs prédé-cesseurs, qui n’ont pas manqué de se répéter comme des perroquets depuis cent ans. Laissons les promoteurs des « nouvelles thérapeutiques miracles » continuer leurs campagnes publicitaires. Ne discutons pas davantage avec eux ! Prenons plutôt rendez-vous dans cent ans. Les chiens aboient… la caravane passe…