Discussion clinique du cas de Basile
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Discussion clinique du cas de Basile

Introduction

Le bilan psychologique de Basile s’est déroulé dans le cadre de mon cabinet suite à une demande de l’école de maintien en CM2. L’entretien préliminaire au bilan avec Basile et ses parents, outre la présentation de la situation et les informations anamnestiques me fournit au-delà du contenu manifeste des déclarations de Basile et de ses parents une première représentation de l’état des lieux de la situation aussi bien dans sa dimension objective que subjective.
En effet, je note que sous l’effet de la scolarisation et de la maturation, les troubles d’apprentissage n’ont pas disparu. La rééducation orthophonique n’a pas non plus permis d’éradiquer le symptôme sauf à réduire (peut-être) le bégaiement. Le discours de Basile sur lui-même (garçon manqué, dévalorisation, attaque du corps) et sur sa relation aux autres (non-conformité, rejet par le groupe, attaque sur son appartenance de genre) me questionne sur le sens de ce symptôme : le sentiment d’impuissance, de résignation, me frappe chez ce petit garçon qui par ailleurs explique la situation (scolaire et relationnelle) avec un bégaiement intermittent qui questionne sur la soi-disant disparition du symptôme mais dont la syntaxe et le niveau global de langage sont de très bonne qualité.

Sans oublier le motif de la consultation (grosses difficultés scolaires avec au premier plan celles de l’écriture et de la mémoire), je me situerai donc dans une approche qui vise à situer le symptôme dans une perspective dynamique en tentant d’apprécier la valeur économique de celui-ci et en cherchant à comprendre le niveau de fonctionnement de la vie fantasmatique et de l’organisation défensive de Basile.

Pour cela le bilan comprendra un WISC III, des dessins et des épreuves projectives. Je n’ai pas pu procéder aux épreuves Piagetiennes faute de temps, mais on verra que même sans elles, le bilan tel qu’il a été effectué permet une approche du fonctionnement de Basile déjà très riche.

WISC III

figure im1
Analyse quantitative :
Hétérogénéité des résultats avec écart de 24 points au profit du verbal.
Le QI Verbal peut être qualifié de normal fort et le QI Performance de normal. Le QI total se trouve ainsi dans la zone supérieure des variations de la normale.
Les notes vont de 6 à 18 à l’échelle verbale et de 4 à 14 à l’échelle performance.
L’hétérogénéité des résultats inter échelles se retrouve également dans les résultats inter subtests, ainsi qu’à l’intérieur des subtests Complètement d’image, Information, Simili­tudes et a minima à Arithmétique, c’est-à-dire dans la première moitié de la passation.
Les deux épreuves les plus échouées sont Mémoire des chiffres et Code, épreuves qui rappellent le motif de la consultation : la mémoire et l’écrit. Par ailleurs, ces deux épreuves réclament de la concentration et de se plier à un modèle imposé (oral ou écrit) non modifiable, discontinu et faisant appel à des signes conventionnels déterminés (chiffres ou encodage). Par contre Basile excelle à l’épreuve Similitudes, épreuve verbale la plus saturée en facteur G ce qui écarte la piste d’un trouble de la représentation mentale, et de difficulté de conceptualisation donc d’un retard intellectuel.

Par ailleurs, l’adaptation à la réalité (Compréhension, Arrangement d’Images) est de bonne qualité, la pensée logique également, que ce soit lors des situations à organiser dans un déroulement spatio-temporel ou dans le raisonnement mathématique malgré le résultat de 9 en Arith­métique dû à une méconnaissance des opérations plutôt qu’à une mauvaise démarche. Les connaissances et le vocabulaire sont de bon niveau et confirment les résultats sco­laires à l’oral.

Au regard des résultats du seul WISC III  les difficultés scolaires de Basile qui ont été prises en charge par de la rééducation restent obscures. Cependant, l’épreuve de Code est la seule épreuve qui rappelle le scolaire dans sa particularité de se soumettre à un modèle imposé, non « plastique », comme à Cubes d’ailleurs, mais avec des outils (papier, crayon) en temps limité, qui rappellent la situation scolaire. La dimension symbolique de chaque épreuve est à prendre en compte si on ne veut pas en rester à une appréhension cognitive ou instrumentale des processus mis en jeu dans les apprentissages.

Analyse qualitative :
Ainsi, l’épreuve Code, au-delà du graphisme et de la perception/reproduction, implique le même rapport à l’origine que l’écriture dans la mesure où, le tracé doit être fait dans le sens de l’écriture en partant de la première case et en suivant, dans un déroulement spatio-temporel avec pour objectif d’arriver au bout de la feuille. Ce subtest met fortement en jeu les limites (écrire dans un petit cadre, s’arrêter, reprendre, désordre des chiffres, donc attention, fin au bout de la feuille). La dimension spatio-temporelle est ainsi fortement engagée et comme elle est dénuée de figuration, ce qui permet de se dégager si besoin est de la tâche (par la représentation d’une situation par exemple), elle est presque exacerbée. L’impératif de se soumettre au modèle rappelle l’implacable de la loi, de ce à quoi on ne peut se soustraire (la mort) et ne laisse pas d’échappatoire donc est particulièrement inconfortable pour les enfants préoccupés, rêveurs, anxieux ou insoumis.

Passivité et activité sont engagées dans le rapport au modèle (tracer le plus vite possible ou pas). L’épreuve réclame de trouver une technique pour en retenir le plus possible et les transcrire. Course contre la montre engagée avec soi-même (se soumettre ou ne pas se soumettre, tracer ou ne pas tracer), mais aussi avec le chronomètre représentant de la norme externe donc des pairs à qui se mesurer. Castration oblige, qu’on le veuille ou non, il faudra s’arrêter et se confronter à ce qu’on a pu faire lorsque le temps sera écoulé ! Autre dimension non négligeable : la question du rythme. Dimension qui fait référence aux expériences subjectives du bébé, avec l’alternance : référence au modèle externe et appro­­­priation/conservation (interne) reproduction/restitution, dans un mouvement de retour.

Au WISC III, l’épreuve Mémoire des chiffres nécessite les mêmes processus sur la scène mentale que Code (entendre ou voir la liste, la mémoriser élément par élément et la restituer) : « les boucles de retour », comme les nomme Geneviève Haag1, qui nécessitent un axe corporel fiable pour pouvoir faire l’expérience d’un aller (vers), s’en imprégner et le retransmettre, à sa manière, donc légèrement transformé. Ceci peut nous laisser penser que si Basile échoue de manière significative à ces deux épreuves et uniquement à ces deux épreuves au WISC III, c’est en raison de la référence commune qu’elles font à la dimension précoce du développement et à l’insécurité liée au temps et à l’absence. En effet, ces deux épreuves demandent des allers et retour de soi à une chaîne de signes en se déplaçant d’un cran à chaque retour, ce qui nécessite de perdre de vue ou de représentation le signe précédent, et mettent en jeu la mémoire. Les autres épreuves qui réclament la manipulation et la perception visuelle du matériel sont réussies par Basile. Les notes moyennes sont dues à la lenteur et non pas à des échecs aux items. Le subtest Arrangement d’images est particulièrement bien réussi. On sait que c’est le subtest de l’échelle «Performance» le plus saturé en facteur verbal, donc rien d’étonnant. Cette épreuve demande de manipuler un matériel concret et qui plus est figuratif (comme Assemblage d’objets). Le travail d’analyse et d’organisation réclame une activité propre de l’enfant : à la fois cognitive (logique, transformation, analyse et synthèse) à partir d’un modèle qui laisse dans sa réalisation une « suffisante autonomie » pour s’approprier la chose (représentation propre) et pulsionnelle (agir dessus : agressivité apportant du plaisir de fonctionnement). Mémoire des chiffres et Code n’autorisent pas ou peu de « fantaisie » et sollicitent plus en quelque sorte les processus secondaires. La difficulté de Basile se limite donc aux tâches qui nécessitent d’avoir pu négocier avec un mode de fonctionnement omnipotent. L’accès au symbole (les chiffres et les lettres !) signe le déplacement de l’agressivité (possession) envers un objet représentable, maîtrisé sur un objet symbolique énigmatique, de convention, partageable. Pour Basile, les difficultés se fixent donc électivement sur les signifiants lettres et chiffres qui mettent en jeu les notions d’identique et de différent. Ces acquisitions sont certainement très liées à la problématique identitaire.

La figure de Rey (fig. 4) de Basile va venir éclairer et confirmer la fragilité de l’image du corps et de contenant étanche. On retrouve la défaillance des représentations internes insuffisamment solides auxquelles se référer lorsqu’il devra faire appel à la mémoire (encore elle !) à ce qu’il a pu s’approprier de cette figure qu’il a recopié assez correctement en pouvant circonscrire des espaces contenants. La mémoire montre toutefois la non inscription des contenus dans un contenant mal fermé et amputé d’une partie. Là encore, le mouvement de va et vient entre le monde interne et la trace qui appartient à la fois au monde interne et au monde externe est engagé. Basile renonce rapidement (1’29) à retrouver les éléments (disparus ?) de sa mémoire. N’ont-ils pas été suffisamment investis, seule la reproduction agie l’aurait été ? Se sont-ils effacés, insuffisamment signifiants ? Ou s’agit-il d’un refoulement qui porterait sur des représentations trop chargées. La juxtaposition des éléments permet d’éviter la médiane verticale centrale, lieu à la fois de séparation et de jonction, axe organisateur qui absent, vient souligner comme le dit métaphoriquement Salomon Resnik2, la défaillance de la fonction paternelle de « pont » qui en même temps souligne la séparation. Le traitement des planches bilatérales au Rorschach et le dessin après TAT (fig. 1) viendront confirmer la tentative d’organisation du chaos mais aussi la rigidité. A ce stade du bilan, je constate que les difficultés  que rencontre Basile se situent essentiellement dans le domaine du rythme et celui de la mémoire.

Le rythme

Le rythme, comporte avant tout une dimension à la fois corporelle qui fait référence aux premières expériences du maternage, mais aussi à la discrimination auditive et visuelle et au lien entre les deux, essentiel  dans la dimension orthographique de l’écriture. La Dame de Fay (fig. 3) de Basile vient nous montrer les hésitations comparables au bégaiement (début d’écriture de la lettre majuscule de l’origine ou du nom propre) et le repli dans le monde interne préoccupant avec le retour du refoulé (proment) dont j’aurai l’explication par la suite par les parents : le « mensonge » familial porte sur la filiation du père de Basile. Celui-ci n’ayant pas été reconnu par son père l’a été par la suite par l’homme qui l’a élevé. Bien que le père soit au courant de ces évènements, Basile est censé ne pas en avoir connaissance et c’est un sujet qui n’a jusqu’alors jamais été abordé en famille. « Pro­ment » est à rapprocher de « bulletin secret » seule réponse bizarre du WISC.

Le rythme a une fonction de contenant. La mémorisation n’est pas indépendante du rythme. Les macrorythmes comme les nomme Marcelli3, assurent la continuité du Moi par les rituels organisateurs de la répétition. L’identique à l’expérience passée renforce la capacité de mémorisation. Le bégaiement peut alors être interprété comme une tentative de conserver ce qui a été bon avant de se confronter à l’inconnu. Les microrythmes eux renforcent la capacité d’attention, d’apprentissage (quelque chose de légèrement différent advient). Ils permettent l’investissement de l’incertitude, de l’écart (par exemple entre un mot énoncé et un mot écrit). L’adéquation des rythmes mère/enfant est questionnée par les troubles de Basile.

La mémoire

Freud (1925) évoque le bloc-notes magique en quelque sorte ancêtre de l’ordinateur : Freud4 nous dit qu’habituellement la surface qui va recevoir la trace est somme toute une matérialisation de l’appareil mnésique. Il est simplement nécessaire de savoir où est rangé ensuite le document (le souvenir) pour le retrouver. Par ailleurs, Freud constate que le système préconscient/conscient peut recevoir indéfiniment de nouvelles perceptions et se comporter chaque fois comme une feuille vierge, mais que la conservation durable de la trace ne peut se faire que si des systèmes mnésiques sont assez performants pour conserver des traces durables.

Le bloc-notes magique (comme l’ordinateur) ou comme un système préconscient-conscient avec système mnésique associé permet de tracer indéfiniment en faisant remonter par pression la cire de la couche inférieure à l’endroit de la pression et de conserver ce contact. Pour supprimer la trace, il suffit de séparer la feuille de la sous-couche de cire. Autrement dit quand le système préconscient-conscient n’adhère plus (dans tous les sens du terme) au système mnésique, la trace disparaît (cas des enfants qui apprennent leur leçon, la savent et ont oublié le lendemain, comme Basile pour certaines leçons). Freud dans son texte sur le bloc-notes magique insiste sur la fragilité de la surface soumise au tracé (la feuille de celluloïd) face aux actions externes susceptibles de l’endommager (représentant la réalité externe, la perception) lorsqu’il n’est pas en contact avec le socle de cire (couche non visible mais essentielle dans le dispositif puisque porteuse de la matière qui peut « remonter à la surface »). Il insiste donc sur la nécessité de deux systèmes distincts mais relié l’un à l’autre et sur la comparaison avec les deux parties du système mnésique. Freud conclut sa comparaison en imaginant que le stylet qui frappe le système préconscient-conscient est constitué par l’investissement psychique de l’excitation et est conduit aux systèmes mnésiques inconscients. Dans certains cas, lorsque l’investissement est retiré, la conscience s’évanouit et le fonctionnement du système est arrêté (par exemple le sommeil). Dans le cas où le système préconscient sert de filtre de façon permanente et dans les deux sens (le sommeil chargé de rêve par exemple en est un indicateur), la discontinuité du fonctionnement ne correspond pas à une rupture du fonctionnement, mais, conclut Freud, va être à l’origine de la perception du temps. La discontinuité sans la rupture comme disait Diatkine 5.

Chez Basile, les difficultés d’endormissement et de sommeil, la vigilance qu’il dit devoir maintenir en raison de préoccupations phobiques importantes, interrogent l’objet fantomatique du fantasme (l’irreprésentable). Le monde interne chaotique et confus, peuplé d’objets partiels (on le verra avec les projectifs) déborde sur une réalité externe insuffisamment secure. Le film protecteur, la limite dedans/dehors fragilisée par des pressions à la fois de l’intérieur et de l’extérieur, est surchargé d’empreintes qui ne trouvent pas de lieu. Le bégaiement oral et écrit, les difficultés de soi-disant orthographe (comme proment) peuvent prendre sens en nous menant sur la piste de traces mnésiques d’objets sans nom, impensables et irreprésentables qui influenceraient les perceptions qui à leur tour influenceraient les traces mémorielles.

A ce stade de l’analyse du bilan, j’émets l’hypothèse que la « cécité », cette difficulté à se représenter les signes correspondant aux mots, de Basile est liée au manque d’un objet de mémoire, (d’un secret, d’un objet forclos ou d’un non-dit.) qui, de par cette absence, met en échec son refoulement et condamne le symptôme circonscrit dans sa forme (trace et mémoire) et dans sa manifestation (le savoir symbolique essentiellement les chiffres et les lettres) à errer et à se fixer sur les supports que sont les signes.
Quand à la recherche de symétrie dans les dessins -bonhomme (fig. 2) et dessin après TAT (fig. 1) , mais aussi lettre U de la Dame de Fay (fig. 3)-, elle est à mon avis hautement significative d’une recherche d’accrochage à une négation de la différenciation. La symétrie recherchée, me semble être moins un axe corporel fiable non tracé, que le signe d’une défaillance de la fonction paternelle séparatrice et de la reconnaissance d’une différence (sexuelle). Les épreuves projectives seront commentées par E. Louet.

Conclusion

L’étude du bilan psychologique de Basile nous permet de situer le symptôme dans le fonctionnement global du sujet. Limiter l’explication des difficultés d’apprentissage au constat d’une infirmité à rééduquer aurait de notre point de vue été extrêmement réducteur voire néfaste car remettant sur le devant de la scène, et la fixant, une incapacité dont les bénéfices secondaires sont loin d’atteindre les méfaits de la réaction pédagogique négative !

Origine, morceaux, rupture, effacement, chaos, confusion, limites, deuil impossible d’un objet non advenu sont entre autres les termes qui qualifient, à la fin de l’analyse de ce bilan, les freins à un apprentissage de l’écriture et à l’exercice de la mémoire chez ce garçon de 10 ans par ailleurs bien doué pour apprendre. Basile ne peut effacer les traces des non-dits, du non symbolisé. Il les déforme par une « dysorthographie » qui n’est pas à l’origine mais le résultat : Basile écrit « comme il l’entend » dans tous les sens du terme. Il montre cependant des capacités d’investissement des apprentissages sous certaines conditions, celles qui ne mobilisent pas trop la représentation de soi précaire.

Une thérapie sera engagée suite à cette évaluation. Ce n’est pas le sujet qui nous préoccupe aujourd’hui, mais il se trouve que j’ai poursuivi moi-même le travail avec cet enfant (en raison des modalités transférentielles installées pendant le bilan et des révélations faites par les parents par la suite). Pendant un certain nombre de séances, Basile est venu à ses séances en apportant avec lui des costumes (assemblages de différents vêtements à lui) et accessoires qui caractérisaient un héros de la place duquel il allait parler. Puis Basile a « oublié » les costumes et racontait des aventures en marchant de long en large dans la pièce. Il m’a demandé un jour d’écrire ce qu’il racontait. Puis il a construit des histoires à suivre et enfin une histoire construite inconsciemment sur le modèle du conte, déplacée à l’époque féodale, avec un héros mal né qui sauve le royaume et épouse la fille du Roi. Construction d’un roman familial oral que j’ai écrit au fil des séances et qu’il a demandé à réécrire et à illustrer comme un livre. Les personnages miniatures ont pris corps et mouvement ainsi que le texte, également avec des fautes se limitant à des écritures phonétiques. Basile est passé en 6ème et a obtenu les encouragements ou les compliments à chaque trimestre. Je dirai donc que les faits ont beau être têtus comme disait Lénine, mais, comme disait Einstein, les faits ont tort. parfois !

Basile 10 ans 8 mois

Présentation
L’examen psychologique est demandé par les parents sur les conseils de l’institutrice. Les raisons évoquées sont les suivantes :
Basile s’est tailladé les cheveux suite à des réflexions de camarades qui lui auraient dit dans la cour qu’il avait l’air d’une fille et qu’il avait les cheveux « en pétard ».
Basile est qualifié par ses parents d’enfant « qui n’est pas scolaire » et ses résultats en fin de deuxième trimestre inquiètent l’enseignante et laissent envisager un redoublement de CM2.
Basile ne connaît pas les tables de multiplications, a une orthographe déplorable malgré une rééducation orthophonique pendant 3 ans. Par contre, il excelle à l’oral, semble avoir des connaissances étendues en histoire et en géographie. Il dit avoir des difficultés de concentration (gêné par le bruit), de mémoire (sait sa leçon le soir et a tout oublié le lendemain), avoir horreur d’écrire et être lent. Les parents diront que l’institutrice comme l’orthophoniste ont parlé de dyslexie.
A ces difficultés scolaires, Basile ajoute des troubles du sommeil et de l’endormissement fréquents.
L’entretien avec les parents révèlera que madame est atteinte d’une hypothyroïdie et qu’elle a dû prendre des anti-dépresseurs et des anxiolytiques pendant sa grossesse. Basile est né avec une hyperthyroïdie qu’il a fallu surveiller jusqu’à l’âge de trois ans. Il faisait pendant cette période des crises clastiques qui ne se calmaient « qu’avec des douches froides ».
L’apparition du langage a été marquée par une élocution difficile et un bégaiement dont il n’y a quasiment plus trace actuellement.
Pendant l’entretien avec lui, Basile se montrera à l’aise pour parler, mais figé dans sa posture et dans les expressions de son visage alors qu’il a pu exprimer son « adoration pour l’école et ses parents » par exemple. Il dira, reprenant l’épisode de « la coupe de cheveux », que « de toute façon, il est un garçon manqué ». Il tient un discours dévalorisant sur lui-même, est très préoccupé par la mort : ses deux oncles sont morts aux environs de 20 ans, il va sur leur tombe mais ne peut pas regarder leur nom inscrit dans la pierre et en parler « ça ferait trop de peine à mon père ». Il s’entend bien avec sa sœur aînée de 7 ans. Il n’a pas de bon copain, a fait un peu de judo mais « n’était pas doué pour se battre » et il vient de commencer le théâtre. Plus tard il voudrait avoir « un métier prestigieux ».
Epreuves : WISC III, Rorschach, TAT, Figure de Rey, Dame de Fay, dessins.
Comportement pendant la passation : s’investit dans les tâches proposées. Concentré.

Fig. 1
Fig. 1
Dessin après TAT
Fig. 2
Fig. 2
Bonhomme
Fig. 3
Fig. 3
Dame de Fay
Fig. 4
Fig. 4
Figure de Rey
Fig. 5
Fig. 5
Famille

Rorschach

Planche I

1’’ ça me fait penser à un loup qui sourit avec des yeux très méchants avec des dents très très grandes et qui regarde une proie 21’’ La tête de loup. Là, on dirait des oreilles là le menton, le nez. C’est la forme. Des yeux très face à … très cruels

GblF+Clob Ad II (retourne)

5’’ C’est … ça me fait rien penser. Non désolé rien … non rien du tout

15’’

Planche II

choc – Refus

Planche III

Retourne

2-5’’ Là on dirait un animal qu’a des dents comme ça (montre avec les doigts en avant) et qui essaye d’attraper quelque chose et qu’a des pattes comme des scorpions

27’’

Parce que ces 2 trucs on dirait des pattes comme des scorpions et des dents comme ça.

E.L. : voit les 2 personnages « des êtres humains qui se disent bonjour et on ne sait pas si c’est des pattes de scorpions, c’est des jambes.

G kan+ (A)

Planche IV

(Double retournement)

3-6’’ On dirait une sorte de monstre avec une petite tête des petits bras et un très grand ventre et des très grands pieds

4- et de l’autre côté on dirait un dragon qui vole avec sa tête et ses ailes

37’’

Il a pas une tête d’être humain. Il a une grosse tête d’un côté et une grosse de l’autre (explique le retournement de la carte)

GF+(H)

—Clob

GF+(A)

Planche V

5-2’’ On dirait un oiseau, un très grand oiseau. Comme un aigle royal sauf qu’il, il a comme une sorte d’animal, la bouche elle est comme ça (mime comme à 3) comme des petites pinces sur le bec

33’’

Passe du percept global à deux D symétriques

G F +A Ban

Planche VI

6-6’’ On dirait … une peau de bête qu’un chasseur a tué, avec son petit museau… on dirait une peau de bête … C’est tout

27’’ Quand un chasseur a tué un animal il l’a aplati sur le sol et ça lui fait une forme comme ça.

( ?) un animal inconnu à 4 pattes

G F + A ban

Planche VII

(retournements et retour à la position initiale)

7-2’’ On dirait un sourire, un sourire d’être humain, c’est tout…

8- ou sinon du tissu qui se fait porter par des sortes de machines qui prennent le tissu comme les grues 34’’

Là F-(G)

La grue est pas là. J’invente le tissu, il porte quelque chose comme une chaise.

Normalement le tissu quand il y a un truc dessus lui, ça fait cette forme. Par exemple sur une chaise quand on le relève avec une grue ça fait cette forme

G F- abstraction

G kob-scène/objet

Planche VIII

2’’ Ah là j’ sais pas du tout (retournement)

non, là ça me fait rien penser (range la planche)

20’’

E.L. : commence par dire non puis :

« Si, des animaux à 4 pattes »

( ?) un dinosaure, un chien… Tout à 4 pattes. Pas un cerf, parce que il a pas de bois.

Choc

Refus

Planche IX

4’’ Non ah si !

9-Sur le vert clair là on dirait des yeux.

10- ça me fait penser à une tête parce que là ça peut être la moustache, un nez et la barbe

31’’

La forme et aussi la couleur des yeux de quelqu’un

Vert foncé

Le nez c’est le trait et là des petits yeux

La barbe c’est le truc Rosella Sandri D F C+Hd

D/G F+ Hd

Planche X

(retourne)

11- 4’’ ça me fait aussi penser à une tête. Là c’est des yeux

là une moustache

là le nez,

là la bouche,

là des sortes de rides sur son front

1’13’’

Les parties de la tête d’une personne.

(jaune+orange médians)

(bleu médian)

orange

gris supérieur

D F + Hd

Choix+ : Planche I, parce qu’elle a de belles formes

X aussi, belles couleurs et belles formes

Choix- : Planche VII, elle est pas vraiment belle pas des belles formes.

Planche II – Elle a du noir et du rouge et le rouge ça me fait p… pas peur mais du sang

Choix Papa : X parce qu’il a déjà des sortes de rides sur le front

Choix Maman : VII- Elle me fait penser à ma mère parce qu’elle a toujours le sourire

Planche III- aux deux un qui fait maman et qui fait maman qui se rencontrent

Psychogramme

R : 11 temps total : 6’ Temps de latence : 37’’

Modes d’appréhension

Type d’appréhension : G, Gbl, D/G, D,

G : (7) 63,6% – Gbl : (1) 9%

D/G : (1) 9% – D : (2) 18,4%

Dd : 0 – Di : 0 – dbl : 0

Déterminants

F : 8 – F% : 72,7% – F% élargi : 100% F+% élargi : 81%

F+ : 7 – F+% : 87,5%

F – : 1 F +: 0 FC : 1 FClob+ : 1 CF : 0 C : 0 FE : 0

EF : 0 E : 0 K : 0 Kan : 1 Kob- : 1 Clob : 1->

Refus : 2 Banalités : 2

Contenus

H : 4 (3Hd et 1 (H)) H% : 36,3%

A : 5 dont 1 Ad et 2(A) A% : 18,1%

Objet : 1 avec (A) et Ad% : 45,4%

Scène : 1 – Abstraction : 1

TRI : OK/0,5C

FComp : 2k/0E

RC% : 27,2%

2 chocs, 1 équivalent de choc (pl.1) Indice d’angoisse : 27,2%

T.A.T.

Planche 1 :

2’’ – Une école. Il s’ennuie. Il est … épuisé, il a l’air épuisé. Il s’ennuie. Et c’est tout. 29’’

Planche 2 :

6’’ – Bah là c’est une étudiante qui rentre chez elle. Elle est passée vers un champ y a un cheval qui fait des trous dans le champ pour mettre des graines de potager. Ca veut dire que c’est le passé parce qu’on le fait plus avec des chevaux. Y a une dame enceinte qui s’al… s’allonge pas qui heurte non qui fait comme ça (mime) qui s’écroule sur un arbre on va dire. 58’’

Planche 3 BM :

8’’- Y a une, y a quelqu’un qui pleure sur son lit, on dirait qu’il est en prison ou sinon qu’i dort, qu’i dort. Je vois que ça.35’’

Planche 4 :

8’’- Y a quelqu’un qui, y a un monsieur qui veut partir et y a une dame qui dit « non vient, non vient » on va dire, et là, il hésite. Et je pense qu’il va accepter d’aller avec la dame. C’est tout. 30’’

Planche 5 :

4’’- On dirait une dame de ménage qui, qui, euh, qui sur… qui surveille quelqu’un et la porte est ouverte. Elle a l’air pas très gentille et je pense que c’est quelqu’un de riche. C’est tout. 45’’ Planche 6 BM :

4’’- C’est une grand-mère, on dirait qu’elle veut … qu’elle regarde le ciel par la fenêtre et y a un homme qui a l’air triste, qui a baissé son chapeau et c’est tout.

Planche 7 BM :

4’’- On dirait quelqu’un qui, un vieil homme qui parle à un jeune homme. Il lui dit un secret et les deux ont l’air pas très gentil. C’est juste ça que j’ai à dire. 25’’

Planche 8 BM :

4’’- On dirait quelqu’un qui veut assassiner un autre homme et un autre homme a une sorte de marteau à la main et il va l’assommer avant de le tuer et la dame elle s’en fiche et elle a l’air de partir. 40’’

Planche 10 :

4’’- On dirait un, un, un adulte qui fait un bisou sur le front d’un enfant pour le pardonner ou un truc comme ça et le, le le petit garçon il a l’air d’accepter ses excuses. 34’’

Planche 11 ( à l’horizontal)

7’’- Là, j’ai rien à dire, je sais pas qu’est-ce que c’est … (redresse la planche) Bon bah, idem, désolé ! 39’’

Planche 12 BG :

3’’- Là, on dirait une forêt près d’un étang et y a une sorte de chaloupe qui est au bord, ça veut dire sur la terre ferme et c’est tout. 30’’

Planche 13 B :

On dirait un enfant qui attend quelqu’un devant une porte et qui s’ennuie, c’est tout. 20’’

Planche 19 :

4’’- Là je peux rien dire. Je sais pas du tout ce que c’est ; j’ai aucune imagination en tête. Désolé. 21’’

Planche 16 :

4’’- C’est un animal qui, qui est carnivore, non, herbivore et … Il est en danger parce qu’y a un carnivore, un animal carnivore qui est à ses trousses et au dernier moment, y avait un chasseur, enfin, pas vraiment un chasseur, un, un homme qui aide les herbivores, il a pris le carnivore, il va le mettre dans un zoo et après, l’herbivore est sauvé. 1’03 ‘’

Dessin après TAT (fig. 1) : Tourne la feuille dans tous les sens pour compléter son dessin après avoir tracé la structure de la maison (murs et toit)

« Une chaumière gauloise inventée. Aimerait être l’oiseau de son dessin. A toujours rêvé de voler pour voir le monde. »

Dessin de famille (fig. 5):

Ordre du tracé : 1- à gauche – 2- au centre – 3- en haut – 4- à droite et écrit « Papa » Puis écrit p rayé et maman au-dessus du personnage central, puis moi, puis ma sœur.

Verbalisation : « En fait c’est ma famille sauf que c’est ma famille en fées. On le voit grâce à leurs ailes. Aimerait avoir des ailes pour se promener au bout du monde. Irait avec le reste de la famille.

Pense que sa mère aurait le vertige et que sa sœur serait très contente de voler.

Associe avec le fait que c’est toujours sa mère qui déclenche les disputes surtout avec son père.

Figure de Rey (fig. 4):

Copie : 5’06’’

Gaucher. Tracé en sens inverse de l’écriture.

Méthodique, parle tout bas.

Entre copie et mémoire raconte que plus tard il sera Pompier Policier ou docteur à l’hôpital. Il imagine qu’il sera un grand docteur ou pompier ou policier et la terre entière le connaîtrait. « Si y a tout l’hôpital contaminé, j’enlèverai mon casque si ça peut sauver les autres et je me sacrifierai ». ( ?) « Dans un commissariat où il y a une maladie mortelle. »

Mémoire : 1’28’’

Commence également par le losange.

Parle spontanément d’une entorse qu’il s’est fait la semaine précédente et du conflit qu’il y a eu avec sa mère à propos de sa béquille. « Je suis en colère après moi, alors je m’insulte. »

Dessin du bonhomme (fig. 2):

Commence par les pieds. Essaye de faire une forme d’un seul trait. Se « trompe » au niveau de la tête. Rajoute des oreilles et les critique aussitôt : « Elles sont moches, trop longues, trop … monstrueuses on va dire »

« On dit que c’est un méchant qui volait l’argent des autres, puis il est allé en prison parce que la police l’avait vu et dix ans plus tard, un enchanteur a mis une poussière magique sur sa tête et il est devenu gentil.

Qui est le méchant ?

Une grande personne, un homme.

(Pendant que j’écris, rajoute des lacets aux pieds et un sac « comme ça on voit que c’est un voleur »)

Parle de ses troubles du sommeil, de sa préoccupation qu’un voleur vienne la nuit. Dit qu’il garde la maison pendant que ses parents dorment. Voudrait qu’il y ait une alarme. Va voir le chien la nuit, a peur qu’il s’enfuie pour de vrai.

S’est endormi en classe de fatigue.

Notes

1- Geneviève Haag, « Le Moi corporel entre dépression primaire et dépression mélancolique », Revue Française de Psychanalyse, Puf, n° 68.
2- Salomon Resnik, Temps des glaciations-voyage dans le monde de la folie, Eres 1999.
3- « Le rôle des microrythmes et des macrorythmes dans l’émergence de la pensée chez le nourisson », Revue de Psychiatrie de l’enfant, Puf, 1992, N° 35.
4- Freud, S., «Notes sur le bloc magique» in Résultats Idées Problèmes, Puf, 1985.
5- Van Waeyenberghe Madeleine, Langage et activités psychiques de l’enfant avec René Diatkine, Ed. du Papyrus, 2005