Enjeux cliniques de la réanimation néonatale et pédiatrique
Il est troublant de constater combien les récits d’accouchement des mères de bébés prématurés se ressemblent. On y entend presque toujours ce moment de bascule, où tout échappe, où l’histoire prend un tour catastrophique. Ce récit est précieux : douleur physique, passivité du corps de la femme livré à la technique médicale, absence d’anticipation de cette naissance au temps présent, tout concourt à un vécu traumatique et à une suspension du récit. Certaines mères ne trouvent plus de mots pour dire, il n’y a plus de récit possible autour d’elle ou du bébé, autour de ce vécu : la déliaison est totale.
Le plus souvent brutale et violente, la naissance prématurée fait voler en éclat l’anticipation parentale. Tout d’abord, elle oblige à une rencontre au moment où les parents pensaient la séparation encore lointaine, et ne pouvaient donc mobiliser les défenses permettant de s’y préparer et d’y faire face sans risque psychique. Elle les prive ensuite de ce qui aurait dû survenir ultérieurement (fin de la gestation, congé maternité permettant de se recentrer sur la grossesse) et qui n’aura pas lieu. Enfin, elle les confronte à un bébé réel terriblement différent du bébé à terme imaginé. La naissance survient dans un contexte d’urgence, où les angoisses de mort ne sont plus seulement de l’ordre du fantasme et où les vœux meurtriers inconscients semblent atrocement exaucés, rendant toute ambivalence redoutable.
Ce dossier coordonné par Sylvie Séguret fournit une occasion de s’interroger sur les enjeux psychiques de la réanimation néonatale et pédiatrique tant pour le bébé prématuré lui-même que pour ses parents, sa fratrie ou encore les soignants qui les entourent.