Sylvain Missonnier : Vous êtes psychiatre, psychanalyste, docteur en psychologie. Que représente pour vous chacune de ces formations ?
Serge Tisseron : Peut-être que le mieux est de partir des raisons que j’ai eues de faire ces diverses choses, au départ. En fait, lorsque j’étais adolescent, j’étais passionné par la littérature, donc j’ai commencé par des études littéraires. J’ai fait hypokhâgne au Lycée Du Parc et j’ai préparé Normale Sup. Pendant cette année au lycée Du Parc, où j’étais interne – c’était d’ailleurs une expérience passionnante –, je me suis pris de passion pour les surréalistes. J’ai été frappé par le flirt permanent que les surréalistes avaient entretenu avec les diverses formes de marginalité et de déviance psychique. J’ai conçu l’idée, un peu folle, que, plutôt que de m’intéresser aux surréalistes qui s’étaient intéressés aux différentes formes de déviance mentale, il était plus intelligent d’aller là où eux-mêmes avaient été fascinés, c’est-à-dire vers la déviance psychique, vers la maladie mentale, vers la folie, etc. La question qui se posait, c’était de faire des études de médecine et de psychiatrie ou bien des études de psychologie. À l’époque, je n’avais pas d’a priori. Ne sachant pas quelle orientation prendre, je suis allé voir le seul psychiatre et le seul psychologue que je connaissais à Valence. L’un et l’autre travaillaient dans une institution pour enfants épileptiques qui s’appelait la Teppe. C’était au tout début des années 60. J’ai vu d’abord le médecin qui m’a dit : « vous pouvez faire psychiatrie ou psychologie et, dans les deux cas, vous travaillerez de la même façon ». Le psychologue m’a dit : « surtout, surtout, si vous pouvez, faites médecine ! ». Mes parents et mon oncle, qui avait une voiture, m’attendaient à la sortie de ces entretiens. Ils m’ont dit : « Et alors? ». Je leur…