Exposition : Basquiat
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Exposition : Basquiat

Exposition au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, du 15 octobre 2010 au 30 janvier 2011.

Il est mort à 27 ans, d’une overdose, il était lié à Warhol, il fréquentait la Factory et les milieux new-yorkais hip-hop, il était noir, il a passé son enfance dans une banlieue de New York, il a démarré en réalisant des graffiti… Bref, il a tout pour devenir une légende. Or, ce que cette rétrospective au MAM donne à voir, c’est que Basquiat, au-delà de ce personnage très médiatisé (notons que l’affiche de l’exposition montre le personnage plutôt que l’œuvre), était l’un des très grands artistes du vingtième siècle. En effet, de cet accrochage magnifiquement mis en valeur dans les grandes salles du MAM, se dégage une impression de force, de profondeur et une dimension tragique. Il était d’une famille immigrée, père haïtien et mère portoricaine, mais ses parents l’amenaient visiter le musée de Brooklyn, dont les riches collections l’ont beaucoup influencé. Quand il a été alité suite à un accident de la circulation, sa mère lui a offert un livre d’anatomie (drôle d’idée !) qu’il a regardé très attentivement et dont on voit les traces tout au long de son œuvre. Chaque toile est d’une immense complexité et mériterait une analyse très approfondie tellement les références sont multiples. Basquiat évoque la tradition des peintures d’histoire, celle que l’on retrouve aussi chez Anselm Kiefer ou Max Beckman. C’est une œuvre sophistiquée, savante même, dont il faut décoder les éléments multi-culturels : contre-culture urbaine, culture créole, jazz, aspects mythologiques, passages bibliques, références à l’histoire africaine et les cultures tribales, qu’il « remixe », sans jamais céder à la tentation anecdotique, en de grandes compositions extrêmement construites et pensées, malgré le graphisme nerveux et apparemment spontané. Il y a dans l’exposition quelques œuvres issues de la collaboration avec Warhol. Curieusement, elles sont nettement inférieures à l’ensemble de l’œuvre de Basquiat et donnent à penser que Basquiat était un artiste bien supérieur à Warhol… Basquiat s’est prêté avec une certaine indulgence à être ce personnage « pop » du milieu de l’avant-garde new-yorkais, dont il a exprimé l’esprit avec talent, mais derrière cela, il y a un grand artiste, faussement actuel, et là il ne s’agit plus de talent mais de génie. C’est ainsi qu’il faut le regarder, comme un artiste qui relie la modernité à l’universalité, celle d’un humain confronté aux questions métaphysiques fondamentales, qu’il dénude (littéralement, en donnant à voir le squelette) et dont il dévoile les facettes tragiques à travers ses faces grimaçantes.