On est en plein paradoxe : la folie de certains artistes, celle d’un Galliano par exemple, est acceptée, voire idolâtrée, lorsqu’elle fait grimper les ventes du grand luxe, mais immédiatement rejetée lorsqu’elle met celles-ci en danger. Lady Gaga, qui porte une robe en viande et crée un parfum aux senteurs de sang et de sperme, occupe la scène médiatique mais suscite aussitôt des réactions outrées. Celle qui révèle les « dessous » de la société, réveille les censeurs en nous.
La folie, la maladie, le handicap, la vieillesse, sont de plus en plus présents sur la scène socio-politique, mais ils font l’objet d’étranges stratégies hypocrites qui s’apparentent au scénario pervers, le « je sais bien, mais quand même ». On les met en avant pour mieux les maltraiter.
Dans cette société du double lien, qui ne ment pas ? Les enfants qu’on fait semblant d’écouter. Les psychotiques qu’on enferme ou qu’on assomme de médicaments, pour ensuite les remettre dans la rue au plus vite. Les personnes handicapées, présumées en « inclusion sociale », mais toujours prises dans un entre-deux excluant. Les personnes vieillissantes dont la dépendance fait l’objet d’une attention hypocrite, en contradiction avec l’idéologie illusoire d’autonomie. Les psychologues, dits cliniciens, réduits à appliquer des protocoles qui relèvent de la logique d’entreprise. Partout, la gestion sécuritaire remplace le soin psychique. Ce qui est refoulé revient en nous sautant à la figure. Alors on s’indigne, ce qui donne bonne conscience, mais empêche peut-être de penser … Penser que cette folie, hors-norme, politiquement peu correcte, constitue une part de nous-mêmes, nous rappelant douloureusement notre vulnérabilité.