« Ne les laissez pas penser que vous allez les guérir »1. « Il y a beaucoup à gagner si l’on parvient à transformer votre misère hystérique en malheur banal » 2. Tel patient me rappelle une fois de plus qu’il va mal mais éprouve le besoin aujourd’hui de rajouter qu’il ne faut pas que je m’inquiète : « ça va tout de même bien comme ça ». Il poursuit très vite prévenant mes velléités d’interventions réparatrices qui trahiraient mon inquiétude et m’empêcheraient de totalement l’écouter, qu’ «
il ne veut peut-être pas guérir ou du moins qu’il en a très peur » et qu’il trouve que «
ça n’est pas très gentil pour moi qui le soigne » et même pour tout dire, puisqu’il faut tout dire, que «
ça l’attriste ». Italo Svevo nous avait bel et bien averti : «
J’étais sain ou du moins j’aimais tellement ma maladie (si maladie il y a) que j’employais tout mon esprit d’autodéfense à la préserver »
3. Telle patiente tombe malade (une maladie somatique) et me fait part mi étonnée mi agacée de la levée magique de sa dépression qui l’invalidait depuis de nombreuses années et sur laquelle nous « travaillions ». Pierre Marty
4 nous avait bel et bien enseigné que «
la maladie peut devenir un “objet” mental pour le malade et contribuer à sa réorganisation, remplaçant plus ou moins, en quelque sorte, l’objet perdu qui était la source de la désorganisation première ». Tel enfant dont l’énurésie a cédé mécaniquement sous un traitement médicamenteux, sombre (ou se retrouve) dans une dépression profonde. Winnicott nous avait bien enseigné que la sédation d’un symptôme défensif sans travail en profondeur sur son origine pouvait révéler d’autres symptômes plus graves sous-tendus par un équilibre précaire de la personnalité en risque…