Daté Marcel Aymé ? Ainsi débute « Maison basse » (1935), peut-être le premier roman décrivant un souci éminemment contemporain, celui de l’architecture des villes et du sentiment d’esseulement que les habitations impersonnelles suscitent : « Portant dans sa serviette en cuir les copies à corriger de ses quarante-deux élèves, M. Josserand imaginait qu’il était le poète Virgile, remonté des Enfers par la sortie principale du métro Clichy […] ».
Trop connue pour sa fantaisie, l’œuvre de M. Aymé se caractérise plutôt par une observation scrupuleuse : l’univers saisi par l’intelligence rationnelle ET l’entrelacs constant des fantasmes. D’ouvrir l’imagination de ses personnages, comme le ventre du loup par Delphine et Marinette, il demeure un écrivain, non pas fantaisiste, mais on ne peut plus réaliste.
Récemment, la nature a rappelé qu’il existe deux prédateurs à l’espèce humaine : l’homme et les virus. Le seul inédit, ici, est celui de la réponse scientifique, déterminant une prophylaxie vaccinale en un temps record. Évidemment, profitant de toutes occasions, un certain exergue du « réel », comptable-traçable, tel qu’il se lie parfaitement à l’inéluctable prétendu d’une transition numérique généralisée, semble plus que jamais prêt à évacuer les vivacités de la troublante réalité psychique.
Il est possible pourtant de tenir la bride des deux, ce qui ne nous range dans aucune sagesse toute-puissante mais, je le crois, nous rend quand même un peu moins bête, moins soumis aux attitudes virales.
Être réaliste, c’est rester « intégratif » : accorder son attention aux contraintes économiques, y compris dans une perspective préventive, sans dédaigner ni engloutir une vie intérieure ayant besoin de temps (le temps qu’il faut) et de tendre (ce temps qu’il fait). Préoccupation datée ? Les monstres évoluent vers d’autres monstres, comme autant de mutations naturelles mais, passées quelques perplexités, ils peuvent aussi réveiller la raison.
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