Entre l’arrêt Perruche (17/11/00) et son amendement mettant fin à sa jurisprudence (10/01/02), quatorze mois se sont écoulés. Est-il raisonnable d’interpréter la positivité et la célérité de cette issue comme des signes de santé démocratique ? Oui, il est rassurant de constater la réactivité gouvernementale et la plasticité juridique face à la pertinence des critiques des syndicats d’échographistes, des associations de parents d’enfant handicapé et du Conseil National d’Éthique. En ces temps de radicalisation du dénigrement des politiques et de la justice, cette réciprocité est revigorante.
Pourtant, un sentiment d’insatisfaction persiste encore aujourd’hui chez le citoyen » clinicien périnatal « . Comment l’expliquer ? D’abord, par la réaction des assureurs des échographistes qui, dès le lendemain de l’amendement, rappelaient l’inéluctable de l’augmentation des primes. Le tour de passe-passe du » non » à la réparation de l’enfant lui-même et du » oui » à la demande parentale n’enlève rien au fait que ce sont les assureurs des échographistes qui vont (mal) pallier les carences de la solidarité nationale en faveur des handicapés.
Ensuite, par la quérulence qui va persister peu ou prou entre échographistes, possibles délinquants, et parents d’un fotus, virtuel suspect d’un délit de sale gueule. L’attente d’obligation de résultat des usagers est le miroir fidèle du scientisme technologique médical.
Enfin et surtout, il s’agit de la lassitude face à un simulacre qui s’essouffle : l’appropriation par les experts et les élus des débats de bioéthiques. Les péripéties de ces gladiateurs modernes dans l’arène médiatique ne peuvent plus faire l’économie d’un authentique débat citoyen.
Pour que le diagnostic anténatal bénéficie d’un consentement réciproquement éclairé entre parents et professionnels, un authentique questionnement sur son fondement philosophique s’impose sur le terrain tout au long de la grossesse. Pour en arriver là dans les Maternités hexagonales, il manque encore trop souvent l’essentiel : des rencontres prénatales où parents et soignants anticipent ensemble, sans fard, la créativité et les limites de l’humain face aux risques de sa condition.