Le dernier opus d’Alain de Mijolla est un tour de force. En effet, l’auteur revient sur un sujet qui remplit quelques rayons de bibliothèque et sur lequel il a déjà publié quelques ouvrages. Comment alors relever la gageure de rendre Freud vivant ? Comment renouveler, comment problématiser, mettre sous tension l’approche biographique du fondateur de la psychanalyse ? Comment écrire sans faire de redite, sans être redondant au moment de la parution de livres aussi importants et complets comme celui d’Elisabeth Roudinesco en France ou celui de Georges Makari aux Etats-Unis ? La tâche paraît bien complexe.
Sa méthode pourtant est étonnamment simple. Ce livre constitue de fait le chapitre qui manquait à son précédent livre L’identification selon Freud (cf recension page 18, NDLR). Alain de Mijolla a l’art de lire Freud dans un champ de tension entre le Freud publique, celui des faits et gestes et des publications, et le Sigmund privé, celui de l’univers de ses cor respondances et écrits non publiés. Aussi l’auteur nous fait-il cheminer avec un Freud jeune penseur, chercheur prometteur, médecin tourmenté, puis explorateur d’un nouveau continent, avant de rencontrer l’organisateur d’un vaste mouvement d’idées, pour enfin l’accompagner jusqu’à sa fin et son legs. Alain de Mijolla introduit et commente un Freud au style d’écriture très rhétorique qui parle à travers sa correspon-dance. Comme s’il écrivait à chaque lecteur en personne. Il est vrai que le style de Freud, tant dans ses lettres que ses écrits se prête à l’exercice. Patrick Mahony avait bien souligné cet aspect d’emprise intellectuel qu’exercent les écrits de Freud. Son style capte l’attention du lecteur par la force de l’argumentation, ce qui conduit imperceptiblement à l’adhésion aux thèses freu-diennes. La notion de « transfert de lecture », s’applique bel et bien dans ce…