Je voudrais partager mon plaisir à lire le dernier livre de Pierre Delion, Le développement de l’enfant expliqué aux enfants d’aujourd’hui. D’abord son entreprise est audacieuse, car il s’adresse en fait à plusieurs lecteurs de tout âge en même temps ! De ce fait il établit des liens explicites entre eux, liens inhabituels, chacun étant en général soigneusement classé dans sa classe d’âge, et il nous invite à faire de même. De plus, il se permet de les faire évoluer devant nous, en interaction, ceci dans l’actualité 2013. C’est très subtil car il associe le fonction-nement individuel et le soutien du milieu familial, faisant vivre une personne « et » son groupe, point nodal qui commence au début de la vie et n’en finit pas. J’ai aimé tout ce qu’il nous apporte, en particulier : « La layette d’affection » dès avant la naissance ; « Ce voyage de l’eau à l’air … avec L. de Vinci » ; « L’angoisse toujours présente, et toujours à trans-former… comme Mozart ». La trouvaille du travail « du muscle », et de la « parole » pour évoluer. Ce lien constant entre psychisme et corps auquel il tient tant, du début à la fin de la vie. Cette invitation des parents à la poésie comme médiateur essentiel, il fallait oser ! De la toute-puissance à la quête du plaisir en tenant compte que chacun comme chacune est l’un ou l’autre avec pénis ou vulve, mais pas les deux. Et de là il n’y a qu’un pas jusqu’à l’inceste ! Ceci présenté avec une facilité inouïe, alors que d’habitude le tabou est là maximal, ainsi il apporte des armes à tout le monde, mais des armes qui ne peuvent que construire et éviter de détruire, fait rare pour les armes.
La voie vers la sublimation, si complexe pour chacun, nous est servie comme une solution évidente. Comment ne pas le suivre, comment ne pas avoir envie de parcourir ce monde « sublime » ? Soutenus par cette énergie infinie qu’est la libido ? Comment ne pas être à notre tour un Petit Prince ? Apprivoisé ! La trouvaille du fantasme enfin comme clé de toute vie. Puis il fallait oser présenter la personne du pédopsychiatre, cela est toujours évité… On vit ses terreurs de la consultation avec de petits monstres, on découvre ce nouvel organe « le narcissisme », alors, des deux cellules qui sont l’origine du monde à l’Œdipe, il n’y a qu’un pas ! On ne peut qu’apprécier sa présentation des troubles du comportement possibles chez chacun. Cadrés par les jeux d’identification, les voilà faciles à comprendre. Ce moment épique qu’est son « récit du bac à sable » permet de comprendre aussi la violence, et cette merveilleuse explication de la « re-présentation » si complexe et si riche, ainsi du mot à la chose il n’y a qu’un pas, et du mot absent à l’acte aussi, jusqu’au « délire».
Il conclut avec bonheur par la note aux parents, elle va leur permettre d’entrer dans le jeu au lieu de se sentir délaissés, comme si souvent dans le monde kafkaïen de la psychiatrie. Voici abordées ici les questions dites les plus secrètes, les plus enfouies pour chacun, du coup nous percevons qu’il y a un grand danger, soit à les éviter, soit à les cantonner toujours à un échange limité à deux personnes : il montre certes qu’il y a des temps de dialogue entre deux personnes, mais aussi qu’il y a « complé-mentairement » des temps collectifs, et que les deux sont indispensables. Voici ainsi transposées les découvertes « de l’institutionnel » et du soin de secteur à la vie quotidienne de la famille et des proches, où chacun va trouver, va « travailler » son rôle, sa place tout en « se modelant ». À chaque page on est émerveillé de voir comment il enchaîne tout, si simplement, chaque âge, chaque événement, tissant des liens multiples, inattendus dans un aimable désordre. Pierre Delion fait preuve là d’un grand talent de conteur. Ici nous sommes guidés par le plaisir partagé avec l’enfant autour du jeu de la découverte de la vie.