Homme d’esprit à la très longue carrière de psychanalyste, Jean-Claude Lavie aimait surprendre, déranger, jouer du paradoxe pour révéler et trahir les dispositions vouées à rester secrètes. Contournant l’évidence défensive de la théorie analytique, fasciné par les pouvoirs et les contraintes du langage, cette peste, c’est au plus près de la matérialité de la langue qu’il traquait, au-delà de son contenu, ce qui sous-tend et organise le discours. Bien plus que la démonstration ou l’explication, il aimait le trouble efficace du jeu de mots, de l’aphorisme, de la parabole emmenant son auditeur de l’humour au vertige et il savait également inventer et raconter des histoires pour frôler l’impensable.
Le Sexe dans la bouche est un ouvrage publié de façon posthume, mais scrupuleusement relu par son auteur juste avant son décès, un mois avant la sortie du livre. Jean-Claude Lavie aurait eu 100 ans à la fin de l’année et l’inévitable dépendance du grand âge ne l’avait nullement privé de son formidable plaisir à penser. Conçu avec la complicité de Michel Gribinski, qui l’a également préfacé et édité chez PUF dans la collection dirigée par Jacques André, cet ouvrage regroupe huit textes préalablement publiés ou donnés en conférence sur un quart de siècle. Judicieusement sélectionné dans l’œuvre de l’auteur, chacun d’entre eux, en explorant à sa façon les différentes apories de la psychanalyse, témoigne du regard singulier que portait Jean-Claude Lavie sur le drame de la stature humaine.
« Panther », placé en ouverture traite de la question fondamentale de notre résistance au changement, obstacle puissant dans toute analyse. Nous voulons guérir oui, changer non, irrémédiablement prisonniers de nos comportements morbides auxquels nous tenons tant leur pérennité est identifiante. J.-C. Lavie imagine une forme de thérapie sans thérapeute…