Comme le suggère le choix du titre Les Arrogants plutôt que « L’Arrogance », substantif qui aurait pu renvoyer à l’« épinglage » d’un symptôme psychopatho-logique, le nouvel ouvrage de Sophie de Mijolla-Mellor se propose d’explorer les multiples déclinaisons de la position arrogante. Émancipée de toute volonté diagnostique qui implique une césure santé/maladie, l’auteure appréhende cette attitude psychique « trop humaine » en tant que posture active adoptée à des fins défensives, solution pulsionnelle réversible plutôt que destin immuable du narcissisme. L’hypothèse qu’elle met à l’épreuve de nombreux exemples dans un style à la fois dense, élégant et limpide, est que l’arrogance, à la différence de l’orgueil fondé sur l’amour de soi, est empreinte d’artificialité et de violence qui reposent « sur un vide qu’il faudra rendre insoupçonnable (p. 6).
Comme elle l’a fait dans ses deux précédents livres La Mort donnée et Au péril de l’ordre, Sophie de Mijolla-Mellor se situe dans une perspective holistique conjuguant l’individuel et le collectif. Elle convoque à ce titre les interactions de la psychanalyse avec d’autres champs du savoir en faisant se côtoyer des analystes issus de traditions linguistiques différentes, des philosophes, des historiens et des sociologues, ainsi qu’une pléiade d’artistes. Elle élabore ainsi une œuvre érudite, plurivocale et solidement charpentée (cinq parties elles-mêmes divisées en trois sous-parties à l’exception de la dernière qui se veut synthétique et conclusive), susceptible d’intéresser un large lectorat.
Dans un premier temps, Sophie de Mijolla-Mellor aborde le fonde-ment infantile de l’arrogance en reliant celle-ci à un fantasme d’autosuffisance déniant la dépendance envers un objet primitif vécu comme humiliant.
Le besoin arrogant d’écraser l’autre pour se sentir exister relèverait donc d’une logique talionique aux accents ferencziens - l’identification à l’agresseur - et s’inscrirait d’emblée dans un registre relationnel irrigué de détresse,…