Voici un livre de combat qui n’a rien de martial, rien d’apolo-gétique, dénué de tout ressen-timent et, par-dessus tout, empreint de l’« humanité » revendiquée dans son titre. Son auteur est connu, estimé, mais il fut souvent l’objet d’attaques haineuses, alimentées par l’ignorance, le sectarisme ou des intérêts inavoués. Pourtant le ton de ce livre n’est pas polémique, mieux, il s’en dégage une douceur qui nous rappelle que Pierre Delion écrivit jadis sur la
« petite musique de l’enfance ». Nous voici embarqués dans un ouvrage qui retrace un itinéraire, livre un témoignage et défend une cause : pour une psychiatrie humaine.
Par là est désigné le cœur de l’ouvrage : la psychiatrie est humaine et non vétérinaire. Si on l’oublie, on est sur la pente qui conduit à soigner les hommes comme des chevaux. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, objectera-t-on. Pourtant le livre de Pierre Delion rappelle ce que fut la condition asilaire qu’il découvre lors de ses premiers stages. La psychiatrie est humaine, mais les hommes ne sont pas toujours soignés ou traités (c’est la même chose) comme tels. Qu’est-ce que cela veut dire ? Sur le fond, comme le disait le philosophe Henri Maldiney, « la psychiatrie est en situation dans l’homme ». La folie est humaine et la psychiatrie recueille des hommes ou des enfants en proie à des crises qui affectent leur être-homme, leur être-enfant. Réciproquement, « l’homme est en situation dans la psychiatrie » (Henri Maldiney). L’épreuve de la souffrance psychique qui affecte autant qu’elle enseigne (c’est le sens de l’antique pathei mathos), mais aussi l’expérience de la rencontre, dans le cadre de l’accueil (et non de l’admission) dans l’établis-sement de soins et sa vie quotidienne, de soignants qui, sans s’abriter derrière leurs statuts, entourent la…