Nous avons passé notre été reliés à des appareils, avec ou sans fil, à recevoir des appels, à répondre aux messages. Scotchés sur l’écran de notre laptop ou notre I-phone. Accrochés à notre I-pod. Des crampes au pouce à force d’écrire des SMS. Heureux ceux qui ont eu l’audace de décrocher, sauf à être rattrapés au retour par les 500 courriels qui les attendent.
Nos e-mail nous persécutent (« Quelle plaie ! combien encore aujourd’hui ? »), mais nous n’osons nous avouer que nous sommes déjà des addicts. Preuve en est que, comme les ados, nous sommes déçus s’il n’y en a pas assez. « Ils m’oublient. Ils ne m’aiment plus. » A peine rentrés et déjà envahis par les colloques, annoncé chacun en quinze exemplaires. Branchés, bientôt implantés. Notre corps ne nous suffit plus, il lui faut des appareils pour appréhender le monde et communiquer. Nous sommes tous des cyborgs. Celui, – un dinosaure audacieux ! – qui s’en priverait est comme un homme nu, et on sait que la nudité est honteuse.
De plus en plus libre, de plus en plus aliéné, le « névrosé normal » est-il encore capable de s’adapter ? Ne lui faut-il pas une petite dose de perversion ? Quelques défenses maniaques ? Des capacités un peu psychotiques de clivage et de déni ? Une once d’autisme ? Et nos patients ? Nos outils psychanalytiques sont-ils encore pertinents pour les traiter ? Tout cela requiert une énergie considérable. Aussi sommes-nous tous au bord du burn-out.
Qu’est-ce qui nous fait courir autant ? Suivons les poètes. « Il est plus beau de n’être rien et il y faut plus de ferveur que d’être quelque chose », a écrit le poète Robert Walser.