Tous les enfants croient un moment en cet être venu du ciel dans un traîneau débordant de cadeaux tiré par des animaux. L’espérance du cadeau est si intense que les objections de la réalité sont balayées. Même si on lui révèle la vérité – le père Noël n’existe pas -, l’enfant veut y croire encore. Ce bonhomme barbu aux rondeurs rassurantes, célibataire sans enfants, sans parents et donc sans filiation, a toutes les caractéristiques du héros. Selon Levi-Strauss, dans Le Père Noël supplicié, il appartient à la famille des divinités. Père bienveillant et généreux, voire prodigue, il revient chaque année combler tous les désirs des enfants. Le père Noël, objet phallique, lui permet aussi de contourner l’Œdipe et d’éviter de se confronter à la castration. On comprend que l’enfant s’accroche à l’imaginaire et au fantasme.
Quel adulte ne continue pas à caresser ce rêve ? Il voudrait encore y croire, ce qui lui est brutalement rappelé dans la formule : « Tu crois encore au père Noël ! ». Même s’il a été qualifié d’ordure, quelle délicieuse régression en effet que de « retomber » en enfance, mais surtout d’espérer qu’il y aura encore une part de magie dans notre monde saturé de réel. Dans notre époque actuelle si difficile, où les élus veulent nous faire croire… au père Noël, en politique générale comme en matière de santé mentale, de psychothérapie ou de psychanalyse, nous sommes pourtant à même de refuser d’y croire.
Nous ne pouvons y adhérer : c’est un sursaut nécessaire et éthique. Ce qui, dans notre culture contemporaine, empreinte de jeunisme, nous fait passer violemment mais résolument dans le monde adulte. Nous devrions cependant croire en la magie qui pourrait se réaliser, si non seulement nous pensions, mais aussi nous agissions de concert.