Après des années de vie professionnelle, il me semble sans intérêt de répondre à chaque argument de textes qui, soit sont écrits de mauvaise foi, soit témoignent d’une méconnaissance de la complexité de l’être humain. Il me semble sans intérêt aussi de reprendre des discussions qui, dans mes jeunes années, m’ont fait perdre bien du temps. Je voudrais au contraire m’exprimer sur un mode positif.
Mes débuts en psychiatrie consistèrent en un stage que je fis dans un service de femmes de l’hôpital Sainte-Anne. J’y vis des femmes agitées qui lançaient les assiettes (d’aluminium) à travers la pièce, qui étaient toutes habillées de jupons bleus, de hardes hors du temps plutôt que de vêtements. On était proche de la découverte des électrochocs et on en faisait à tire-larigot faute de mieux ; les femmes n’avaient pas de culotte sous leurs gros jupons et on voyait leur sexe quand elles se convulsaient. Les dossiers ne s’intéressaient qu’aux symptômes. Je n’ai pas oublié les fortes émotions que j’éprouvais alors ; elles ont marqué toute ma carrière de psychiatre. Je ne serais pas devenue psychiatre si je n’avais pas été psychanalyste, me situant vis-à-vis d’un patient comme sujet humain en face d’un autre sujet humain.
Le hasard voulut que je revienne exactement dans les mêmes murs, seize ans plus tard comme psychothérapeute. Tout avait changé. Les assiettes ne volaient plus à travers la pièce. On s’intéressait à l’histoire de chaque patient ; on avait des entretiens avec la famille pour essayer de comprendre la patiente. Que s’était-il passé entre-temps ? Deux incidences importantes : la découverte des premiers neuroleptiques et l’influence de la psychanalyse. Il y avait aussi eu la psychothérapie institutionnelle à la Tosquelles, mais elle ne semblait pas avoir joué un…