Savons-nous débattre ?
Éditorial

Savons-nous débattre ?

Le terme de débat est devenu à la mode pour désigner nos réunions et rencontres. Veillons toutefois à ce que cet usage n’affaiblisse le sens du mot sans rien changer à nos (mauvaises) habitudes : en lieu de dialogue, chacun expose son point de vue et n’écoute de l’autre que ce qu’il en attend, non ce qu’il dit mais ce qu’on veut lui faire dire. L’objectif est de se faire entendre, au détriment d’autrui, de ce que Rousseau a appelé l’opinion publique. Il s’agit de faire valoir ses idées non pour convaincre l’autre mais pour séduire le tiers. L’art du spectacle n’est pas loin.

Donnons donc au débat un tour « privé ». Parlons entre nous en présence de l’audience. Gardons-nous de chercher l’appui de l’opinion avant d’avoir noué un véritable dialogue. Nous ne sommes pas là pour exercer nos talents ni séduire mais pour témoigner d’un point de vue, en donner les raisons, repérer et tenter de comprendre les différences. L’audience appréciera.

La complexité du champ de nos pratiques et de nos objets de connaissance explique que nous devions renoncer à une logique de la preuve. Sachons respecter la logique et l’éthique d’une démarche conjecturale. Ce sont l’explicitation des différences et la compréhension des divergences qui nous font progresser. Reconnaître le désaccord, c’est témoigner de la complexité. Ce n’est pas seulement une marque de courtoisie mais une méthode pour travailler en commun. Polémiquer n’est pas seulement une preuve de grossièreté, c’est une erreur intellectuelle.