Un scoop sur Freud
Éditorial

Un scoop sur Freud

Avec comme dédicace manuscrite : « Mangez ça. This is a wake-up call », Peter Swales m’a fait parvenir pour mon petit déjeuner la nouvelle s’étalant sur sept colonnes dans un journal allemand, Frankfurter Rundschau, signée Franz Maciejewski, qui, selon lui, est le scoop du siècle : Freud s’est inscrit le 13 août 1898 dans l’hôtel Schweizerhaus dans la chambre 11 dotée d’un grand lit, sous la dénomination « Dr Sigmund Freud u. Frau/Wien ». Le scoop n’est pas qu’il se soit inscrit avec sa femme, mais que cette épouse, à cette date, ne pouvait être que sa belle-soeur Minna… Ouf ! Ça y est ! Enfin nous pouvons dormir tranquilles ayant atteint cette vérité éclatante : Freud a couché avec Minna ! Après avoir trempé la nouvelle dans ma tasse de thé, je me suis demandé : mais, après tout, est-ce si épouvantable que cela ? Je suis certain que Peter Swales eut été encore plus heureux de m’assurer un repas complet s’il avait découvert que Freud avait eu des rapports sexuels avec une de ses propres soeurs.

Pour tout dire, j’ai été plutôt satisfait d’avoir la confirmation que Freud avait eu une vie sexuelle après la date du 24 janvier 1897 où il était censé lui avoir mis un terme, selon une redoutable erreur de la première traduction en français des lettres de Fliess, rendant « dépassé la limite d’âge », allusion à sa mort prévue à 51 ans, par « franchi le cap du retour d’âge ». Il n’avait alors que 41 ans. Donc, débarrassons-nous du fantasme qui aurait fait de lui un « Grand Masturbateur » digne de Salvador Dali, et reconnaissons enfin qu’il a joui d’une hétérosexualité dite « normale », mais libre des empêchements de la morale bourgeoise de son temps. Cela me parait plus en accord avec ce que nous savons de lui, de son profond non-conformisme derrière ses allures du savant barbichu. Cela solidifie surtout ses propositions théoriques, basées sur une auto-observation qui nous échappait jusqu’ici. Il reste encore à Peter Swales et à Franz Maciejewski à reprendre leur bâton de pèlerin, à défaut d’autre chose, pour repérer à la trace tous les hôtels que Freud n’a pas manque de fréquenter « u. Frau/Wien » et d’y noter les chambres pour deux et le nombre de nuitées passées dans des extases enfin officiellement reconnues. Offrons-leur même un belle chandelle qu’ils pourront tenir avec leur main libre !