D’abord, nous avions lu Freud (certains Sartre) -et très jeunes- à l’âge où il doit se lire : quatorze ou quinze ans pour ses descriptions des angoisses sexuelles, pour sa compréhension des fantasmes des jeunes gens. A vingt ans, nous savions toute la théorie et enragions du fait que la psychanalyse ne s’enseignait pas à l’université. Et puis nous avons cherché plus loin : Reich, Marcuse, Deleuze et Guattari, Lyotard… et ailleurs aussi : Laing, Cooper, Esterson et Mary Barnes, cette Antonin Artaud ressuscité en femme et Bateson et nous savions que l’ethnologie pouvait offrir une porte de sortie… Je me souviens de cette monographie de Verrier Elwin : Maison des jeunes chez les Muria, les Muria qui éduquaient leurs enfants en les incitant à avoir des relations sexuelles avec tout partenaire de leur âge, afin sans doute de les vacciner contre la jalousie sexuelle… et nous pensions que c’était possible ! Et aussi Basaglia… et nous savions que la psychiatrie était publique, sociale… et Foucault… et nous savions alors que les mots n’étaient pas les choses -surtout lorsqu’ils sont prononcés par des « Mandarins ». Nous pensions « psychanalyse pour tous », avec ou « sans divan », accusions l’univers concen-trationnaire de l’asile, la perte de mémoire que provoquent les électrochocs, les camisoles textiles, chimiques, familiales, politiques. Mais tout cela aboutissait tout de même à reconnaître, à postuler, que ce qui rend fou -la raison de la folie- concernait tout le monde. Je regrette que cette idée soit aujourd’hui perdue.