Le livre de Guénaël Visentini a le grand mérite de mettre en évidence le débat sur la scientificité de la psychanalyse qui agite le milieu anglo-saxon depuis des décennies et d’en reconstituer époque par époque l’évolution au fil des ans. L’abondante bibliographie qui occupe le tiers de l’ouvrage et nourrit la plupart de ses développements nous fait entrer dans un mouvement qui ne nous est pas familier en France et il nous donne une idée claire et précise des controverses successives qui ont abouti ces dernières années à un certain consensus qui mérite réflexion.
L’auteur nous rappelle d’abord la position de Freud, plusieurs fois interpellé sur l’efficacité de sa pratique, et pour qui « les exigences formelles de la recherche expérimentale paraissent inadaptées pour évaluer l’efficacité complexe des cures analytiques ». C’est d’ailleurs un leitmotiv qui viendra régulièrement mettre à mal les tentatives qui vont suivre. Pourtant, dès 1917, Isador Coriat, un neurologue pratiquant la psychanalyse à l’hôpital de Boston, évalue 93 cas de patients traités par ses soins et qui ont déjà bénéficié en vain de traitements médicamenteux, de chocs électriques et autres traitements en vigueur à l’époque, démontrant que 46 ont été rétablis, 27 nettement améliorés, 11 améliorés, et 9 non améliorés. Il estime que l’avenir de la psychanalyse dépend de sa capacité à prouver ainsi son efficacité compte tenu en particulier des exigences légitimes du public et des institutions de soins. D’autres études du même ordre vont suivre, avec Eitington en 1920 et 1922, et surtout Otto Fénichel qui rendra compte en détails de dix ans d’activité de l’Institut Psychanalytique de Berlin (1920-1930). D’autres encore suivront avec Ernest Jones, Franz Alexander, etc., qui sont effectuées dans et pour la psychanalyse afin d’évaluer ses résultats et ses limites.