Dans L’Apprenti-Historien et le Maître-Sorcier, P. Aulagnier écrit que l’analyste est convié à performer dans l’espace de la cure deux fonctions paradoxales : celle d’un « sujet supposé savoir » et celle d’un « sujet supposé ignorant ». Le dernier ouvrage de Sylvie Le Poulichet, qui constitue le prolongement de ses fascinantes Chimères de corps, érige en art cette communication entre la sorcière métapsychologique et l’attention également flottante qui met en suspens le déjà-su pour laisser émerger l’inconnu, à chaque fois singulier, issu de la rencontre entre deux « je » palimpsestes, éternels apprentis, jamais en repos. Une écriture élégante et parfaitement fluide présente sept cures d’analysantes adultes, qui témoignent de la magie d’un transfert capable de reconfigurer des zones érogènes effacées et de redessiner les contours d’un Moi corps déformé par des traumatismes précoces.
Si Freud compare l’analyste au sculpteur qui creuse son matériau afin de composer l’objet de sa création, à rebours des thérapeutes-peintres qui appliquent des pigments de couleurs sur un canevas blanc, Sylvie Le Poulichet alterne savamment les techniques « via di levare » et « via di porre ». Elle allie donc l’« or pur » et le « cuivre », le silence et l’interprétation, la contenance et la construction, la parole et l’image, la voix et le regard au gré des moments et des particularités irréductibles de chaque cure. Le résultat de cette écoute ouverte à la poiêtikê grecque, désignant la vertu de créer et de fabriquer, est une créativité qui laisse éclore un plaisir de co-pensée, associé à d’inévitables crises de vertige, favorisant l’accomplissement des véritables « actes de naissance en analyse ».
La capacité d’innovation, qui traverse jusqu’au bout cet ouvrage, se reflète à la fois dans la théorisation et dans la posture clinique de son auteure. Sylvie Le Poulichet réinterroge le corpus…