Le livre de Sebastian Zimmermann, un psychiatre et un photographe, Fifty shrinks. Portraits de New York, présente des photos de 50 cabinets de psys accompagnés d’un court texte où le psy s’exprime. Ce livre montre des intérieurs, mais la ville de New York sur laquelle il y a des vues, est omniprésente. Les patients dont les psys parlent, même si on ne les voit pas, sont très présents. La salle d’attente est absente. Peut-on photographier le transfert ? On peut partir de la fin de l’ouvrage, de Charles Brenner, le doyen de la psychanalyse américaine, où on le voit devant un échiquier. Il rappelle que Freud jouait aux échecs dans les cafés de Vienne et que pour lui, la psychanalyse se compare avec le jeu d’échecs. On ne peut retenir que les positions d’ouverture ou de défense. La partie du milieu est soumise à une multiplicité infinie. C’est ce qui passe quand on lit le livre. On y voit toutes sortes de psys avec des discours très différents, avec des cabinets qui ne se ressemblent pas. Chaque psy a son monde. Ce qui se passe avec les patients n’est pas visible sur la photo. On peut le deviner et le relier à ce que dit le psy. Et on le devine. On a plus ou moins envie d’aller voir l’un ou l’autre. Les hommes portent souvent la cravate et la veste ou le costume, d’autres non. Les femmes sont plus décontractées. Naomi J. Davidson, offre d’ailleurs le thé ou un verre d’eau à ses patients. William M. Salton a un château de chevalier. C’est son cabinet.
Pour Sebastian Zimmermann, le cabinet est le concept d’une pièce idéale , et fonctionnelle pour un entretien psychothérapeutique c’est comme un collègue derrière le décor. Le cabinet est un psy. Il y a 50 psys, mais chaque psy ne se réduit pas à son décor. Il y a plusieurs psys dans un psy selon les patients. C’est de la psychanalyse à l’américaine dont les psys parlent, de méthodes comportementales, de psychanalyse jungienne et de bien d’autres techniques. Pour Elizabeth Danze, professeure d’architecture à l’Université de Texas/ Austin, le cabinet est une fusion du bureau, de la pièce d’auscultation, du confessionnal et du nid. La pièce illustre l’opposition entre le dedans et le dehors qui transperce toute notre expérience de l’humain. Pour Ken Eisold, la psychanalyse comme métier a échoué. L’échec est au centre de chaque analyse pour le patient et le thérapeute. C’est un risque qu’il faut courir pour chacun. Jamieson Webster dit à juste titre que l’analyste doit avoir la capacité de tomber. Nous tombons tous. On peut aussi tomber et se relever et c’est ce qui peut se passer dans une cure. On peut aussi ne pas se relever. Beaucoup de textes visent le bien être des patients, mais il faut tenir compte de ce rapport à la chute dont on peut ne pas se relever dans la vie, à la perte.
Michael Eigen raconte qu’un patient n’a pas aimé ses chaises, et il s’était demandé si l’analyste n’était pas capable de s’occuper de ses chaises correctement, comment il pouvait s’occuper de lui convenablement. Une patiente dit à Chistopher Christian qu’il est à dormir debout comme analyste. La patiente l’ennuie. En s’allongeant sur un divan, il s’agit de ne pas dormir debout, de se réveiller. Richard Lacy parle des sensations érotiques qu’une patiente provoque en lui avec des sensations désagréables, brûlantes et froides dans les bras. Des corps se croisent dans les cabinets avec leur charge érotique. La photo évoque cet érotisme présent et absent. Elle est en couleur et elle peut jouer avec la couleur de la peau du psy comme pour Kirkland C. Vaughans, le noir et le blanc. Comme le dit Roy Kremberg, il faut trouver un point de focalisation, c’est la problématique du patient pour lui. Chaque photo est un point de focalisation. Et ce peut être ce que l’on ne montre pas, comme pour Abby Stein, l’invisibilité de l’enfant maltraité. Il est difficile de photographier le transfert, les moments chargés d’émotion, dans cet environnement contenant et ce monde protecteur, le cabinet du psy.