Paroles de cliniciens et vous propose de prendre la parole pour partager un « moment particulier » de la pratique. Ce mois-ci, Herminie Leca partage avec nous son expérience en prison.
Dans l’agitation d’une maison d’arrêt, que peut bien faire un clinicien ? Une fois dépassée l’idée d’offrir un espace de parole dans un lieu d’enfermement où beaucoup viennent écouter, accompagner et conseiller les détenus, quelles seraient les spécificités du clinicien ? Le référentiel psychanalytique ouvre un champ des possibles qui est une source d’exploration inestimable.
Le clinicien est en équipe, lié à un métacadre hospitalier ; il travaille avec et pour d’autres. Dans la détention et dans la psychiatrie, une sorte d’emboîtement complexe s’ajoute aux paradoxes du « soigner ».
Nos convictions sont mobilisées, entraînant sans cesse une revisite de réviser l’éthique de nos rencontres. Qu’est-ce que j’écoute ? Quelle est mon intention thérapeutique derrière ma proposition d’entretien ? Permettre au sujet d’être acteur de ses soins dans un lieu de contrainte ? Lui permettre de retourner dans une société qui imagine que l’amendement de la peine serait validé par le soin psychique prôné comme garant d’une éventuelle « ré-insertion » ?
Partant d’expériences de rencontres cliniques et de recherche sur ce terrain[1], je propose quelques réflexions sur la créativité nécessaire à la survie psychique de nos patients-détenus et à celle des soignants. Je suivrai comme fil rouge la sensorialité qui se déclinera d'abord en développant quelques enjeux propres à l’enfermement, le nécessaire travail d’équipe et la part traumatique du passage à l’acte chez l’auteur et chez les soignants.
L’écoute de l’enfermement
Parmi les conséquences de l’enfermement, nous pouvons citer la…