Il y a certes beaucoup à reprocher à la théorie de l’attachement : son abandon de la pulsion, voire de l’inconscient, son aspect rétrograde (muée en impératif idéologique, elle a contribué au désarroi et à la culpabilité d’une génération de femmes devant travailler hors de la maison ; de plus, le père s’y trouve relégué dans un rôle obscur et secondaire). Son enfermement ne s’arrête pas en si bon chemin ; les récents travaux sur la transmission intergénérationnelle démontrent qu’elle s’intéresse surtout à ce qui peut se répéter (devrait-on dire à ce qui peut se publier ?). L’intérêt réel dans ce domaine, du moins pour le clinicien, n’est-il pas plutôt le changement, la mise en échec de la répétition, la chasse aux revenants ?
Et pourtant, cette théorie fascine par son succès, sa créativité. Il faut dire qu’elle a opéré, il y a une quinzaine d’années, un virage historique en déplaçant son intérêt vers l’étude des représentations d’attachement, chez l’adulte ; les cliniciens y ont trouvé une nouvelle conceptualisation des troubles émotionnels, dans les termes de la distorsion des informations et de la pensée. Suivant un mouvement lancé, en France, par Serge Lebovici, on tend alors à reconsidérer le débat sur l’attachement, la relation d’objet et la pulsion, dans un esprit d’ouverture. Une théorie sert parfois le besoin de dépendance de celui qui l’utilise. Mais, bien comprise, ne devrait-elle pas plutôt être, dans les termes mêmes de l’attachement, une base secure au service non pas de l’enfermement, mais de l’ouverture, de la curiosité, de la création ?