À N.P.
Presque tous les cliniciens de formation psychanalytique sont profondément attachés à l’entretien psychanalytique libre qui seul semble permettre une véritable rencontre avec l’autre, l’instauration d’un pré-transfert et d’un pré-contre-transfert. À cela, il n’y a guère à redire si ce n’est le fait que l’entretien amène alors à une co-construction, ce qui en soi peut convenir, du point de vue de la clinique et de la thérapeutique. Dans cette perspective, toute tentative de structurer l’entretien libre et tout essai de le standardiser apparaissent comme dommageables, sources de perte de spontanéité et de richesse clinique. La critique de ces tentatives de structuration serait probablement fondée si tous les patients avaient les possibilités psychologiques et le désir de s’engager et s’exprimer dans des entretiens psychanalytiques libres. Cependant, la pratique montre couramment que tel n’est pas le cas, par exemple parce que les possibilités - ou les désirs - de verbalisation ne sont pas les mêmes selon les patients, les divers âges de la vie, et les diverses formes de pathologie. Par ailleurs, sur le plan de la recherche en psychopathologie, peut-on se satisfaire d’une approche où chaque sujet participant serait co-construit par le chercheur, avec potentiellement autant de co-constructions du même sujet que de chercheurs pouvant s’entretenir avec lui/elle ?
L’Entretien Semistructuré Multiregistres (ESM) est issu de la clinique psychanalytique. En élaborant l’ESM, notre objectif a été de construire un outil destiné à comprendre en profondeur la psychopathologie des sujets, en conservant les qualités propres à l’entretien psychanalytique (ouverture à tout contenu mental quel qu’il soit, espace de narrativité pour le sujet, espace d’empathie pour le clinicien, possibilité d’associations libres, etc.), mais aussi en y intégrant (i) des interventions cliniques codifiées visant à faciliter l’associativité et l’exploration…