Introduction
Qu’est-ce que tu veux être quand tu seras grand ? Pompier, pilote, princesse : autant de figures identificatoires que l’on ne sera sans doute jamais, mais qui sont les pièces de la construction d’un moi idéal. Se déguiser c’est essayer des costumes divers, explorer les possibilités. Mais le personnage peut aussi se révéler une prison et la thérapie prendre la forme d’une demande de libération de cette créature sociale construite à partir des désirs des autres. Il y a quelques années, dans la prestigieuse université de Yale, le président de l’université avait fait circuler une directive à la veille d’Halloween pour demander aux étudiants d’éviter certains déguisements, notamment ethniques, qui pourraient être considérés comme une forme d’appropriation culturelle. Mais le principe même du déguisement ne consiste-t-il pas à être momentanément autre ? L’exploration d’une identité différente de la sienne, où l’habit fait le moine pendant ce moment de « comme si », permet aux enfants et aux adultes de jouer avec la diversité des positions, des époques et des populations. Être autre que soi, c’est précisément l’altérité, l’étranger qui transforme le « faire semblant » en une expérience exploratoire. Selon Winnicott, le jeu est l’accueil du paradoxe et l’acceptation de l’irrésolu : le costume comme objet transitionnel pourrait-on dire. Mais lorsque le prince Harry se déguise en soldat de la Waffen SS ou qu’un étudiant porte la tunique blanche du Klux Klux Klan, le malaise est là, soulignant la difficulté à trouver la limite du jeu. Pourquoi choisir ce déguisement ? L’ambiguïté vient de l’absence de contexte où le texte ou le scenario explicitent l’intention : on peut dès lors se poser la question de l’adhésion au personnage. C’est à cet endroit que nos certitudes vacillent : où commence le jeu et où s’arrête la réalité ?
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