Clinique projective et clinique psychanalytique : une rencontre féconde
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Clinique projective et clinique psychanalytique : une rencontre féconde

Mon projet dans cette brève contribution n’est pas seulement de revenir sur la pertinence du modèle psychanalytique du fonctionnement psychique et sur l’immense intérêt des méthodes projectives utilisées dans cette perspective. Je voudrais surtout amorcer une réflexion1 sur les apports considérables de la formation en méthodologie projective pour l’écoute du clinicien dans des entretiens ou des séances analytiques : nous sommes plus que sensibilisés aux manifestations subtiles et significatives dans le discours des patients grâce à l’exercice que nous offre la situation projective. Même si certaines composantes cliniques relevant d’une métapsychologie particulièrement élaborée ne sont pas toujours directement accessibles, certaines dimensions psychiques et psychopathologiques sont mises au jour voire découvertes par la clinique projective alors qu’elles ne sont pas saisissables par d’autres voies. Cela peut aisément être admis dès lors qu’on se souvient de la double caractéristique de la clinique projective, qu’elle partage avec la clinique analytique : c’est un produit de langage et de transfert !

Qu’en est-il de la psychanalyse dans le champ de la psychologie clinique aujourd’hui ? C’est à cette question, dont Didier Anzieu a été l’un des initiateurs, que nous sommes régulièrement confrontés. Didier Anzieu, en effet, a été l’un des premiers à soutenir et à défendre la place et la fonction essentielle de la métapsychologie freudienne dans l’étude du fonctionnement psychique, hors méthode analytique, hors divan, et notamment dans le champ de la psychologie projective. Nous pourrions maintenant poser la question inversement symétrique : qu’en est-il de la clinique projective dans le champ de la psychanalyse ?

Évidemment, et cela a été évoqué maintes fois depuis les premiers travaux de Nina Rausch de Traubenberg et de son équipe « originaire », le choix du modèle psychanalytique relève d’une prise de position nettement définie concernant les fondements théoriques de l’étude du fonctionnement psychique : il est adopté pour sa cohérence et sa pertinence avec une clinique qui l’interroge et le reconstruit. Mais une fois cette référence avancée, comment l’utiliser rigoureusement, c’est-à-dire sans confusion ? Se pose la question de la technique de passation et d’interprétation : nous sommes dans une situation de « […] psychanalyse “impure” parce que sans divan, sans un cadre où l’inconscient soit régulièrement convoqué à se faire entendre » (Anzieu, 1979). Dans ce cadre, il paraît difficile de penser la situation projective autrement qu’en termes d’une dynamique relationnelle s’inscrivant dans la clinique des transferts, difficile de ne pas penser que le sujet adresse ses associations/réponses, difficile de ne pas entendre ce matériel de langage sans y intégrer la visée communicationnelle de ses messages et sa double texture manifeste et latente. Nous savons par ailleurs à quel point les modalités de la passation sont déterminantes : il suffit pour cela de se référer comparativement à la méthode Exner et à la méthode analytique pour en saisir tous les effets.

Cependant, je souhaite développer une autre piste de réflexion qui inverse en quelque sorte les voies jusqu’ici empruntées : je ne reviendrai pas, en effet, sur la manière dont la psychanalyse sert de cadre et oriente, voire influence la clinique projective. Je préfère soulever d’autres questions sous-tendues par une problématique que je pourrais formuler dans les termes suivants : quelle place peut-on accorder à la clinique projective dans ses contributions actives à la clinique et à la psychopathologie psychanalytiques ? Au-delà du support méthodologique précieux qu’elle porte, c’est à l’écoute analytique que je voudrais m’attacher en essayant de montrer comment, plus qu’une simple sensibilisation au discours et à ses spécificités psychopathologiques, un véritable frayage est permis par l’expérience projective, et cela, quelle que soit, par ailleurs, l’expérience analytique du clinicien.

L’interprétation psychanalytique des épreuves projectives, essentiellement le Rorschach et le TAT, a largement permis de promouvoir leur utilisation à la fois comme instruments d’investigation et d’évaluation dans une démarche diagnostique et comme outil métapsychologique dans la recherche en psychologie clinique et en psychopathologie. Je soutiens aujourd’hui le point de vue selon lequel les méthodes projectives offrent également leurs services à la psychanalyse !

Elles permettent en effet de découvrir et d’analyser le fonctionnement psychique individuel, grâce à l’écoute et au décryptage d’un discours circonscrit par une situation originale et singulière. Il s’agit, pour le sujet en situation projective, d’associer à partir d’un matériel ambigu dont les caractéristiques perceptives et latentes réactivent un champ d’expériences sensorielles et représentationnelles traduites par les formulations des réponses : ce discours s’inscrit dans un système mobilisant l’émergence de représentations internes dans l’expression associative autorisée par la baisse de vigilance et l’appel fantasmatique du test, tout en tenant compte d’une réalité externe dont les empreintes et les modifications devront être respectées, fondamentalement.

La situation projective impose une double contrainte : sollicitation profonde des représentations et des affects appartenant au monde interne du sujet, dans sa singularité existentielle, et en même temps impact de l’environnement pris dans sa double résonance à la fois excitante en sa polarité relationnelle et limitante en sa référence perceptive et socialisante. Nous sommes donc renvoyés là à une double problématique : la reconnaissance du monde interne s’inscrit dans la continuité du sentiment d’exister ou encore dans la permanence de l’identité ; la reconnaissance du monde externe témoigne de l’investissement relationnel, porteur de potentialités de changement mobilisées par l’impact des objets sur le moi.

Sans reprendre systématiquement tous les aspects mis en jeu dans ces processus de changement, nous pouvons en dégager deux axes majeurs : d’une part, la réactivation régulière de problématiques de séparation met à l’épreuve à la fois les capacités d’élaborer les pertes et le maintien d’une identité subjective stable ; d’autre part, la dialectique psychosexuelle détermine la mise en place et l’évolution des identifications et des choix d’objet.

Les épreuves projectives offrent des traductions tout à fait intéressantes et pertinentes de ces problématiques : rappelons brièvement que le Rorschach sollicite fortement la projection d’images corporelles, notamment dans le repérage d’une topographie originaire fondant l’organisation de l’espace ; le matériel TAT provoque la mise en histoire de systèmes conflictuels dramatisés par les personnages figurés et met à l’épreuve la qualité de la temporalité. Or, les sentiments d’identité et d’altérité s’inscrivent bien dans l’articulation de l’espace et du temps, articulation nécessaire entre un dedans et un dehors, un avant et un après, un moi et un non-moi.

L’analyse approfondie des données permet de préciser – de la manière la plus adéquate ou la plus subtile – la qualité singulière des différentes orientations psychiques du sujet. Le repérage de certains signes n’implique pas, ipso facto, l’existence d’une série qui lui serait nécessairement reliée. La rupture et la discontinuité, l’association parfois hétéroclite de signes divers doivent pouvoir être saisies dans leur hétérogénéité même si elles se révèlent discordantes. Les contradictions parfois mises au jour par la confrontation des protocoles fournis aux deux épreuves provoquent un questionnement nécessaire et révèlent différentes facettes, différents aspects du fonctionnement psychique, découvrant ce qui restait caché ou occulté dans l’une ou l’autre. Les écarts entre le Rorschach et le TAT témoignent en faveur d’une dialectique psychique qui nous éloigne des schémas rigides et réducteurs de nosographies formelles, en nous montrant les mouvements de la psyché et ce qu’elle peut exprimer de sa dynamique conflictuelle.

Je pense même que ces écarts entre les deux épreuves sensibilisent particulièrement à la discontinuité du fonctionnement psychique, à son hétérogénéité parfois déroutante. Ce constat illustre l’une des grandes convictions freudiennes évoquée plus particulièrement en 1930, dans Malaise dans la culture, celle de la « bigarrure » du fonctionnement psychique humain, bigarrure qui doit être à tout prix reconnue, acceptée, défendue : elle constitue la clé de voûte de l’édifice, puisqu’elle permet d’admettre la coexistence de processus conscients et inconscients, la coexistence de couples pulsionnels opposés, la coexistence d’instances régies par les conflits. Nous ne nous étonnerons plus alors de découvrir, au sein de configurations psychopathologiques spécifiques, des conduites contradictoires, non apparentées, mettant au jour des registres de fonctionnement parfois étonnamment diversifiés.

Les modulations offertes par les planches du Rorschach ou du TAT se révèlent très précieuses à cet égard puisqu’elles sont susceptibles de mobiliser électivement différentes modalités de traitement des conflits. Le Rorschach peut être considéré comme une épreuve identitaire, épreuve des limites permettant d’éprouver la solidité des processus d’individuation et la constitution de frontières suffisantes entre dedans et dehors. C’est dans cette perspective que nous l’utilisons d’abord : le Rorschach est particulièrement sensible à la désintégration de la représentation de soi, mais en même temps, cette sensibilité se retrouve lorsqu’il s’agit de chercher les indices de construction, la quête de repères structurants, l’étayage sur des contours contenants, autant d’éléments significatifs d’une lutte engagée par le sujet pour conquérir ou recouvrer une individualité et une identité précaires ou perdues. Le Rorschach oblige donc à une centration narcissique, appelée en quelque sorte par les caractéristiques du matériel, la symétrie ordonnée autour de l’axe vertical sollicitant la projection de représentations du corps. Cette contrainte narcissique est pourtant régulièrement mise à l’épreuve par les modifications du stimulus : les configurations bilatérales constituent autant d’appuis formels permettant la figuration de représentations de relations ; l’impact des planches chromatiques est susceptible d’induire une réactivation émotionnelle ou pulsionnelle dont la dimension relationnelle est flagrante. Il y a donc nécessairement convocation de représentations inconscientes et du moi et des objets. Prenons pour exemple les modalités de réactions caractéristiques des fonctionnements narcissiques qui éveillent grandement l’oreille du clinicien, hors consultation projective.

Je rappelle et souligne d’ailleurs que si, au sein de la psychopathologie psychanalytique, les fonctionnements limites constituent un vaste champ rassemblant des modalités psychiques relativement hétérogènes, la clinique projective, elle, s’est déployée de manière si approfondie et nuancée qu’elle permet de distinguer deux grandes configurations à la fois contrastées et complémentaires : les fonctionnements narcissiques et les fonctionnements limites que nous appelons dépressifs. Parmi les éléments différenciateurs, c’est justement la question des limites entre dedans et dehors, entre réalité interne et réalité externe, mais aussi entre moi et objet qui offrent une prise diagnostique particulièrement pertinente. Frontières fermement défendues par les personnalités narcissiques, ces limites se révèlent poreuses, évanescentes, instables chez les fonctionnements limites. En écho à ces caractéristiques, les modalités de relations aux objets épousent en quelque sorte les modalités de représentations de soi : distance, autarcie, refus de la passivité et de la dépendance (apparemment), inflation massive de l’investissement du moi chez les personnalités narcissiques ; proximité effleurant le mélange, défaut d’autonomie, dépendance anaclitique, excès de passivité, inflation massive de l’investissement d’objet (apparemment) chez les personnalités limites « dépressives ».

En ce qui concerne les facteurs « narcissiques » au Rorschach spécifiques de la représentation de soi et des barrières dedans/dehors, une différence notable soutient cette distinction : lorsque les défenses narcissiques sont très investies (voire surinvesties), leurs caractéristiques les plus remarquables apparaissent d’abord dans la protection acharnée de leurs frontières (F% et F+% élevés, réponses « peau » etc…) alors que chez les fonctionnements limites, les enveloppes sont fragiles et perméables, à l’instar du moi-peau « passoire » décrit par Didier Anzieu (1985). Si, chez les personnalités narcissiques la distinction dedans/dehors est outrancièrement soulignée, elle s’étiole et se brouille chez les fonctionnements limites. Les correspondances cliniques apparaissent dans les aléas des protections narcissiques (investissement massif des « peaux » que représentent les vêtements, en termes d’armures ou au contraire de déchirures), ou encore, dans le caractère particulièrement lisse d’un discours périphérique utilisé comme une carapace évitant les échanges entre l’intérieur et l’extérieur à moins d’être, a contrario, enlisé dans la factualité, ou débordé par la projection. Autant de manifestations sensibles, presque sensorielles, de l’expérience projective que le clinicien met au service de son écoute en entretien.

Une autre caractéristique narcissique apparaît au Rorschach dans les représentations de relations : surinvestissement de la symétrie, refus de l’interaction pulsionnelle au bénéfice du miroir et du reflet qui maintiennent des images spéculaires et luttent contre tout indice de la différence. Cliniquement, la spécularité des positions apparaît massivement dans la dynamique transférentielle : l’asymétrie inhérente à la situation thérapeutique est contournée via l’idéalisation surtout dans les débuts de la cure ; elle peut aussi être niée par l’insistance constante sur l’absence de différence, l’absence d’écart entre les deux partenaires de la situation analytique. Dans certains cas de figure, il arrive même que la différence des sexes soit comme gommée entre par exemple un patient et son analyste femme : une sorte d’effacement de la différence dont on connaît fort bien les illustrations dans les représentations humaines au Rorschach, sans sexe ou bisexuelle, ou encore réduite à une fonction. Ailleurs, la surenchère de la qualification indispensable à la reconnaissance et le surinvestissement du regard repérables au Rorschach apparaissent très clairement dans les caractéristiques du discours en séance, pétri de jugements positifs ou négatifs, marqués par l’idéalisation ou le mépris, toujours tributaires de l’emprise visuelle dans les entretiens en face à face.

Le TAT, en apparence, offre davantage de sollicitations relationnelles par la facture figurative des images. En dépit de son ambiguïté patente, le matériel est construit perceptivement. Les conduites requises par la consigne doivent mobiliser un travail de pensée2 dans la construction du récit autour d’un scénario imaginaire : il s’agit de recourir à une activité de liaison, notamment dans l’aménagement des conflits pulsionnels. Vica Shentoub et Rosine Debray ont bien montré la référence itérative du TAT au complexe d’Oedipe, qui vient d’emblée mettre à l’épreuve les processus identificatoires. Délaissé pendant un certain temps au profit de problématiques dites « archaïques », ce complexe « nucléaire » est reconsidéré aujourd’hui par les psychanalystes qui s’attachent à en construire les différentes configurations. Or, c’est bien la pluralité de ces formes qui est mise en évidence au TAT et cela depuis fort longtemps : à cet égard, on pourrait penser que la méthode projective devance ou annonce certains mouvements de la pensée analytique ! Depuis les premiers travaux sur le TAT, nous avons été entraînés à chercher la valence structurante ou non du complexe d’Oedipe, et aussi à analyser sa place et sa fonction chez chaque sujet. Tous les développements relatifs aux identifications et aux choix d’objet s’engagent à partir de cette analyse pour en saisir les singularités : claire différenciation des sexes et des générations, conflictualité effective entre désirs et interdits ; ou au contraire brouillage relatif, entremêlement de moments structurants et d’autres, plus désorganisés, du fait d’une impossible élaboration de la séparation et du renoncement ; ou encore mélange envahissant témoignant de la force de l’inceste et du meurtre sans détour métaphorique possible… Toutes ces formes référées à l’Oedipe sont mises en évidence grâce aux lectures des données projectives.

Par ailleurs, on connaît les effets de ce matériel dans la réactivation de problématiques dépressives et narcissiques : les travaux de F. Brelet notamment ont initié subtilement l’analyse de ces fonctionnements et l’École de Paris a considérablement déployé ces orientations de recherche depuis maintenant une vingtaine d’années. Celles-ci s’attachent à la reconstruction des processus inhérents au traitement de la perte dans sa valence objectale – à l’instar du deuil ou, dans sa valence narcissique, – à l’instar du mouvement mélancolique. Ainsi sont découvertes des élaborations particulièrement fines qui permettent d’approfondir considérablement l’écoute du clinicien chaque fois qu’un moment dépressif surgit dans un traitement analytique.

Le matériel du TAT sollicite des productions très proches de celles saisissables dans les entretiens cliniques et psychanalytiques. La fine analyse du discours mise au point à propos du TAT offre une remarquable opportunité d’écoute en séance : même si l’analyste ne se livre pas à une étude aussi détaillée et approfondie, l’expérience projective assure une fonction extrêmement formatrice au regard de l’activité associative. Ainsi, le clinicien sera sensible aux grandes armatures défensives et tout autant à des indices très subtils voire volatiles qui peuvent échapper même à une oreille attentive et compétente.

Ainsi, chaque protocole projectif, comme chaque discours subjectif permet de dégager non pas une mais des problématiques, ce qui souligne la coexistence de différents registres conflictuels et leur articulation plus ou moins heureuse. Il s’agit alors d’apprécier dans quelle mesure cette coexistence et surtout cette intégration sont rendues possibles par la souplesse, l’ouverture, la pluralité des conduites psychiques (et donc des mécanismes de défense), l’effectivité des processus de liaison autorisant le traitement d’une conflictualité exprimée en termes de représentations et d’affects communicables. A moins d’être confronté à une hétérogénéité excessive du fait de la prévalence des processus de déliaison mettant en péril la continuité des investissements narcissiques et objectaux ; ou encore, de se heurter à un mode de fonctionnement rigide, monolithique et fermé dont les potentialités de changement s’avèrent limitées.

Bien sûr, ce qui paraît important à saisir se lit dans l’analyse de la dialectique pulsionnelle à travers les affrontements narcissiques et objectaux. L’étude des liens entre conflits pulsionnels et mécanismes de régulation narcissique constitue en effet l’un des pivots de l’interprétation des protocoles projectifs mais aussi, encore, du fonctionnement psychique tel qu’il apparaît dans la clinique « directe ».

Cependant, la grande différence entre situation projective et situation analytique ne peut être oubliée. Au-delà des représentations-buts, inévitables dans l’investigation projective (la visée diagnostique est toujours présente), elle revient à la qualité vraiment différente des modalités du transfert. Dans la situation projective, nous avons affaire à un transfert fortement mobilisé par l’épreuve elle-même qui constitue une composante majeure de la relation entre le sujet et le clinicien ; par ailleurs, la passation ne s’inscrit pas dans une durée susceptible d’engager un véritable processus tel qu’il est saisi dans la névrose de transfert. Cela dit, une fois cette différence essentielle annoncée et respectée, il n’y a pas lieu de valoriser l’une par rapport à l’autre : leurs objectifs sont différents, leur usage ne requiert pas la même formation ; bref, ici encore la prise en compte de la différence permet de reconnaître l’intérêt de l’une et de l’autre en reconnaissant leurs limites respectives.

Notes

  1. Cette réflexion plus approfondie a fait l’objet d’une conférence au Congrès de la Société Turque du Rorschach et des Méthodes projectives (Istambul, Septembre 2012)
  2. Ces processus de pensée ont fait l’objet d’études très approfondies par Michèle Emmanuelli (1991,1993,1994).