Les philosophes se sont posés depuis longtemps la question « comment peut-on penser logiquement que le même sujet soit là et ailleurs ». Ils n’y ont pas facilement répondu. Les psychanalystes ont sans doute fait mieux concernant l’être humain en se penchant régulièrement sur cette question. Dans son analyse de la pièce de Shakespeare, Macbeth, Freud fait référence à la technique poétique qui consiste à diviser « un caractère en deux personnages dont chacun paraît alors imparfaitement compréhensible aussi longtemps qu’on ne l’a pas recomposé avec l’autre en une unité ». Du dédoublement, clivage de la conscience, coexistence au sein du psychisme de deux groupes de phénomènes, voire de personnalité qui peut s’ignorer mutuellement comme chez l’hystérique, Freud en est arrivé à la notion de clivage du moi et au déni de la réalité proposant dans le fétichisme et les psychoses, la coexistence au sein du Moi de deux attitudes psychiques : l’une tenant compte de la réalité, l’autre déniant la réalité répondant aux exigences pulsionnelles et aux désirs. Ces deux attitudes persistent côte à côte sans s’influencer réciproquement, ceci différenciant bien le clivage de l’ambivalence dans lequel la haine n’exclut pas l’amour contrairement au clivage.
Depuis, le clivage n’a jamais quitté le champ de la psychanalyse : Moi divisé ou dissociation de Freud, problématique du double d’Otto Rank, clivage de l’objet kleinien ou encore jumeau imaginaire de Bion. Dans le Dictionnaire de psychanalyse d’Alain de Mijolla, on peut lire : le clivage est « une dissociation résultant d’un conflit pouvant affecter le Moi et ses objets ». En introduisant la notion de clivage de l’objet, Mélanie Klein en fait la défense la plus primitive contre l’angoisse. Elle n’en oublie pas pour autant le clivage collectif du Moi, le Moi étant pour l’école kleinienne essentiellement constitué par l’introjection des objets.
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