Vieillir aujourd'hui
S’il y a toujours eu des femmes et des hommes, depuis l’aube de l’humanité, qui ont vécu plus longtemps que les autres, faisant alors souvent figures de survivants au milieu des maladies, des guerres, des deuils et des découragements, nous n’avons jamais assisté à un tel phénomène que celui, contemporain, du nombre, de la présence, de la vivacité et de la vulnérabilité des vieux d’aujourd’hui.
Or, voilà déjà un mot, un gros mot, « vieux », que d’aucuns ne veulent plus que l’on prononce, lui préférant « aînés » et « seniors », pensant ainsi, sous prétexte de rendre justice à la jeunesse potentielle des esprits, édulcorer la gravité et la difficulté qu’est le fait de vieillir. Certes, « vieux », ça peut étiqueter, cantonner et restreindre ; mais ça dit aussi une réalité que l’on nie trop souvent, celle que l’on vieillit à vivre longtemps, et que si vieillir peut être marqué de blessures au corps et à l’âme, cela peut être aussi une aventure qui vaut vraiment le coup d’être vécue.
La tâche de ce dossier – penser le vieillissement – n’est pas une entreprise aisée. Parce qu’il n’est pas sans potentiellement mobiliser appréhension, désenchantement, voire effroi, l’objet, en tant que tel, est fort susceptible d’engager des conduites de rationalisation et d’idéalisation visant à le contrôler, à l’amadouer, à l’éviter, à le maintenir à distance ou à le positiver artificiellement.