Tous les ingrédients du drame classique
Travailler dans un service de réanimation pédiatrique c’est participer à un drame en plusieurs actes. Unité de temps. Entre l’appel téléphonique du Samu, ou du téléphone d’urgence interne à l’hôpital, et le dénouement final, quelques jours, parfois quelques heures seulement.
Unité de lieu. Tout se déroule dans un espace unique, de quelques mètres carrés.
Unité d’action. Un séquençage de quelques scènes, avec des moments épiques alternant avec des temps de réflexion, enfin le dénouement après quoi aucun des acteurs ne sera le même qu’au début ; et ne sera plus jamais le même.
Comme souvent dans le drame classique, un enfant est au cœur du récit, entouré de tous les protagonistes. Enfant en danger de mort, enfant recueilli, enfant à sauver, enfant au destin funeste, enfant miraculé. Et un ennemi commun, qui peut aussi devenir un allié au cours du temps, la mort.
Un instant dans le couloir
Annie est une infirmière chevronnée. Elle travaille dans le service de réanimation pédiatrique depuis trois ans, elle est formatrice pour les jeunes professionnels. Elle vient d’interrompre une réanimation, et l’enfant est déclaré décédé. Je lui demande, parce qu’elle dit être épuisée de la fréquence des décès, quel en est, à son avis, le taux dans notre service. Elle réfléchit et me dit : « Environ 80%. » Dans ce service précisément, le taux de décès est de 13%. Pour Annie, sous le choc de ce qu’elle vient de vivre, les statistiques s’inversent, le taux de survie devient le taux des échecs, des morts. Et le pourcentage des enfants qui ont été…