Et si on la laissait grandir ?
Éditorial

Et si on la laissait grandir ?

La France est en souffrance. Accablée par les difficultés qui s’amoncellent, elle se présente sur un mode dépressif, ne voyant plus que des nuages menaçants à l’horizon. Et pourtant, non, la France n’est pas cette vieillarde en fin de vie qu’on nous décrit, qu’il conviendrait d’accompagner au mieux vers l’abîme, en cherchant à lui éviter les maux de l’âge et à apaiser ses troubles les plus visibles.

Elle est bien plutôt adolescente -en crise certes, avec les risques que cela comporte-, mais aussi avec toutes les possibilités évolutives que recèle cet âge.
Elle en a tous les traits, les atouts comme les fragilités. Ses peurs de l’avenir sont directement liées à ce qu’elle en espère. Ses questions identitaires cherchent à définir les nouvelles formes de son corps social et culturel, conduisant souvent à la peur du monde extérieur et de l’étranger. Sa défiance augmente à l’égard de ceux qui prétendent lui donner des conseils ou lui préconisent des remèdes éprouvés des générations précédentes. Son rapport au temps privilégie le présent et méconnaît la nécessité du rapport au passé pour se représenter l’avenir et s’y projeter.

La difficulté à supporter les frustrations et les remises en question détermine ses actes et son activité officielle. La recherche de régression et la demande de prise en charge visent une réassurance face à un avenir décrit et pensé comme catastrophique, derrière les digues illusoires du principe de précaution et la ligne Maginot des « protections ».
Mais elle en a aussi les potentialités : une créativité intacte mais étouffée ; un vif intérêt bridé pour le monde extérieur, pour la nouveauté, les risques, les expériences inédites… Les remèdes sont donc à notre portée ! L’intensité même de ses troubles est le signe de l’importance de ce qui bouillonne intérieurement et ne demande qu’à trouver des voies d’expression et de sublimation.
Oui Marianne a un bel avenir, à condition qu’elle soit traitée comme une adolescente désireuse d’être reconnue différente de l’enfant qu’elle n’est plus, ou d’un être sénescent qu’elle est loin d’être. Et qu’on lui fasse une place à la hauteur de ses aspirations, en arrêtant de décrier sa personne et de la remettre au rang d’une immature nécessitant des parents autoritaires ou à la bienveillance laxiste, omniprésents, intervenants  soi-disant « pour son bien ».