Je rencontre Ève après six semaines profondément angoissantes pour elle : des pensées et des images crues, sexuelles, l’ont assaillie, sans trêve. Ève se sent épouvantablement « méchante » d’être le lieu de ces productions qui, qualitativement et quantitativement la font se vivre comme « une vilaine, très vilaine petite fille ». Comment la fillette de six ans pourrait-elle justifier ou supporter l’excitation suscitée par ce déferlement de pensées et d’images sexuelles qui de surcroît engagent des représentations incestueuses ? La culpabilité est inévitable quand la « nénette » lui vient en tête à tout moment, et selon toutes ses déclinaisons. C’est une petite fille traumatisée par ses propres productions excitantes et soumise à une angoisse terrible que je reçois : pas de déplacement possible, pas de refoulement, pas de symptômes autres que les effondrements en larmes et l’éloignement d’avec son père. Impossible depuis des semaines de s’approcher de Papa, avec qui pourtant la relation était jusque-là tendre, sur fond d’un érotisme et d’une séduction réciproque mais bien tempérés, inhibés quant au but, dans un registre tout œdipien. Ève est littéralement débordée par cet afflux d’excitation face auquel, malgré la contenance affectueuse de ses parents, elle se retrouve démunie.
Deux mois auparavant, des jeux sexuels sur lesquels je n’aurai pas de détails se sont produits à l’école. Force est de constater que c’est dans la suite de ces jeux entre pairs que le déchaînement de l’excitation s’est opéré pour Ève, sans butée. On peut penser à un tsunami dont aucune digue ne la protège : nous voici dans le champ du débordement, de l’excès, donc du traumatisme ; le champ aussi de l’échec du fonctionnement du pare-excitations protecteur qui dans une situation ordinaire permet de réguler le flux des excitations internes. Autrement dit, la quantité d’excitation dont Ève se retrouve le siège…