Exposition : Anselm Kiefer : Field of the Cloth of Gold (Camp du Drap d’Or)
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Exposition : Anselm Kiefer : Field of the Cloth of Gold (Camp du Drap d’Or)

Lieu : Galerie Gargosian, 26 avenue de l’Europe, Le Bourget
Jusqu’au 28 mars 2021

Ca y est ! Enfin ! On peut aller voir une vraie exposition, avec de la vraie peinture vue avec les yeux et non pas en vidéo. Et quelle peinture ! Un des plus grands artistes de la deuxième moitié du XXème siècle et du début du XXIème, Anselm Kiefer, que nous avions déjà eu l’occasion de voir à Paris.

L’exposition se compose essentiellement de quatre toiles monumentales (4-5 mètres sur 7-8 mètres), exposées dans le hall immense de la galerie que Larry Gagosian a ouverte il y a quelques années, au Bourget, dans un hangar aéroportuaire aménagé par l’architecte Jean Nouvel. Elle est complétée par un ensemble d’œuvres plus petites.

D’emblée, en entrant dans ce lieu, on est frappé par l’ampleur des ambitions artistiques de Kiefer. On retrouve son goût des très grands formats et le mélange de la peinture et l’écriture. L’utilisation abondante de matériaux très divers, souvent d’origine végétale, donne une surface toute en relief, travaillée en épaisseur. Lorsqu’on s’approche, on découvre des strates, des creusements, des incrustations, des rugosités. On est fasciné par la richesse de cette surface sur- travaillée, qui ouvre sur une infinitude de détails. On passe du monumental – qu’il faut regarder de loin – aux détails infimes – qu’il faut regarder de près -. Anselm Kiefer relie le microcosme et le macrocosme et nous fait traverser la surface pour découvrir des profondeurs insoupçonnées.

Il y a des branches et des racines d’arbres, qui se décollent de la toile, il y a les fameux livres brulés de Kiefer, du béton, du verre, des tissus. Il mêle des matières organiques et pauvres, le sable, les cendres, la boue, la paille, le charbon avec des resplendissantes feuilles d’or. Le tout est soumis à des processus multiples. Anselm Kiefer expose ces éléments aux intempéries, les coupe, les brûle, les enterre et les éclabousse d’acide ou les arrose de plomb, pour leur faire traverser l’histoire cosmique des transformations, en quête de l’origine, celle de l’œuvre comme celle du monde. Notons que ces œuvres ont été réalisées juste avant le Covid.

Comme toujours avec Kiefer, les références sont multiples : littéraires, mythologiques, philo-sophiques, théologiques, mais surtout historiques. L’histoire est en quelque sorte son inspiration principale, « comme l’argile pour le sculpteur, comme la couleur pour le peintre », dit-il.

Mais, dans cette exposition, les références ne sont pas très claires. Ainsi, on se demande pourquoi l’exposition s’intitule Camp du Drap d’Or (en anglais…). Ce titre fait référence à un événement historique, le Camp du Drap d’Or, qui est la rencontre diplomatique entre Henri VIII et François 1er pour signer un traité de paix, il y a cinq cents ans, en 1520, au milieu d’un champ, dans l’actuel Pas-de-Calais. Traité qui n’a pas eu beaucoup de suites. Ce serait une manière d’évoquer l’imprévisibilité des relations diplomatiques et humaines, dit le catalogue. Mais le Camp du Drap d’Or était surtout la manifestation de la puissance et la richesse des deux rois, en particulier de François 1er. Le camp était d’un faste inouï. La plaine des Flandres était couverte de centaines de tentes recouvertes de draps d’or, d’argent, de velours, et c’est une succession de joutes, de tournois et de banquets. Quel est le sens de cet événement pour Kiefer ? Et en particulier de l’or, qui illumine une partie des toiles, en contraste avec les matières organiques ? Kiefer a beau nous dire que ce titre n’est venu qu’après les œuvres, et que le titre n’est pas une explication de l’œuvre, mais une allusion, on reste un peu perplexe.

De même, on cherche le lien entre les quatre toiles. Que penser de ces faux et ces haches, qui se dressent au milieu des paysages, et qui font allusion à des poèmes, dont un de Paul Celan, (cité en anglais …), poète qui occupe une place très
importante dans l’œuvre de Kiefer de longue date. « Des cœurs  et des têtes, les tiges de la nuit émergent ». Ici, ce sont des faucilles de la mort qui menacent au milieu du champ de blé ratissé.

Peut-être faut-il se contenter de la beauté picturale de ces œuvres grandioses, sans trop chercher à comprendre leur signification. La complexité énigmatique de ces toiles laisse libre champ aux associations du spectateur, face à ces tableaux éblouissants.