Ferdinand Hodler
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Ferdinand Hodler

EXPOSITION, Ferdinand Hodler, Fondation Beyeler, Bâle, Suisse, 27 janvier – 26 mai 2013

Ce n’est pas tout près. Ça se passe à Bâle, dans la merveilleuse Fondation Beyeler, dont l’architecture réalisée par Renzo Piano vaut déjà la visite. Philippe Dagen dans Le Monde se pose la question : faut-il aller à Bâle voir Hodler ? Il répond : oui ! Ferdinand Hodler est un peintre suisse, né à Berne en 1853, peu connu, voire même méconnu du public français, confiné à tort dans une identité nationale de peintre des Alpes Suisses et de scènes de bataille.

En fait, il sera reconnu sur le plan européen comme un artiste majeur du début du 20ème siècle par ses œuvres d’inspiration symboliste : tableaux de groupe, personnages allégoriques, nus ou vêtus à l’antique, très expressionnistes, qu’on a pu voir en 2008 à Orsay. C’est une œuvre spirituelle et métaphysique. Les toiles s’intitulent La NuitLe JourL’ÉmotionDialogue avec la Nature. Elles portent des messages énigmatiques.

L’exposition de Bâle (réalisée en collaboration avec la Neue Galerie de New York) se consacre aux œuvres des cinq dernières années (1913-1918) que Hodler passe à Genève. Œuvre d’un peintre malade, en fin de vie, qui, comme beaucoup de peintres vieillissants, déploie une créativité innovante. L’exposition se compose de trois parties, apparemment très différentes, mais en réalité très proches.

Les autoportraits d’abord, qui donnent à voir un homme peint avec une facture réaliste, l’air sévère et le regard perçant mais inquiet, effrayé presque. Puis, il y a cette série étonnante – unique dans l’histoire de la peinture (il y a bien eu la série de portraits que Lucien Freud a réalisés de sa mère malade puis mourante, mais elle n’a pas la même envergure) – de toiles où il représente jour après jour sa maîtresse très aimée, Valentine Godé-Darel, malade, puis agonisante, et morte en 1915.

Il lui reste trois années à vivre, au cours desquelles, malade, il est confiné dans son appartement de Genève, et peint de son balcon le paysage qui se déploie devant lui : le lac Léman et la chaîne du Mont-Blanc. Ces paysages sont les plus belles toiles de l’exposition. Epurées, de plus en plus abstraites, baignant dans une lumière irréelle.

Il y a des jaunes qui rappellent le jaune mystique de la Résurrection du Christ de Grünewald à Colmar, il y a des roses qui évoquent l’Aurore aux doigts de rose de Homère, il y a des blancs qui ouvrent sur un espace immense et vide. Vide ? Mais un vide qui est source de transformations créatrices, comme le dit Lao Tseu à propos de l’eau : « Le Vide en elle la rend transformante. ». De sa fenêtre du quai, durant ses dernières années, au-delà du lac et des montagnes, il voit l’infini. L’exposition se termine par une peinture murale monumentale, Regard dans l’infini. Cinq femmes (Hodler aimait les femmes), drapées de bleu (la couleur du ciel, de la mer…), en posture de danseuses, très stylisées, allégoriques, alignées devant un espace clair et vide, leurs regards se tournant vers le ciel ou vers un lointain incertain, hors du tableau, mystérieux et inconnaissable.