Suzanne Képès nous a quittés. Elle était une femme formidable d’énergie, une militante, une humaniste, une féministe, une missionnaire de la sexologie, une infatigable voyageuse à la trajectoire exemplaire.
Née à Paris en 1918, de parents immigrés juifs lithuaniens, Suzanne commence ses études de médecine en 1938 et les poursuivra en zone libre à Montpellier. Elle sera ensuite l’une des premières femmes médecin du travail dans l’après guerre, deviendra gynécologue, psychosomaticienne, puis fondera le Diplôme Universitaire de Sexologie de Bobigny. Chez cette femme d’exception, c’est la passion qui domine dès l’enfance et la pousse inexorablement à s’engager pour les causes qui l’habitent. A seulement 13 ans, déjà militante et féministe, elle organise une réunion pour le droit de vote des femmes. Avant sa première année de médecine, elle se porte volontaire et écoute sa première patiente. C’est une prostituée, elle reconnaît en elle la femme, “je me suis sentie en grande fraternité”, dira-t-elle. Ne peut-on y voir les prémisses de son infatigable combat, pour la dignité des femmes et contre la prostitution, au sein de la Ligue Abolitionniste Internationale ? Dès 1947, à Londres, elle s’initie à la contraception, importe clandestinement des capes et des diaphragmes, puis pratiquera des avortements. C’est ainsi qu’elle devint médecin de la “maternité heureuse”, mouvement qui prit le nom, en 1960, du Planning Familial.
Son parcours médical suit la même trajectoire passionnelle. Elève d’Eugène Minkowski dès les premières années de médecine, elle restera longtemps imprégnée de sa philosophie. Elle se dirige ensuite vers la psychosomatique et travaille avec Weiss et English à Philadelphie, en 1956, puis avec Michael Balint à la Tavistock Clinic à Londres, en 1966. Elle suivra ensuite Michel Sapir dans l’élaboration d’une relaxation psychosomatique. Son expérience de gynécologue et de psychosomaticienne l’amènera naturellement à se passionner pour la sexologie et son enseignement. Elle rencontrera Masters et Johnson à Saint-Louis du Missouri puis assurera des cours de clinique sexuelle humaine à l’Hôpital Saint-Denis, à Paris, dès 1972, et fondera avec André Durandeau et Serge Lebovici le Diplôme d’Etudes biologiques, psychologiques et sociales de la Sexualité Humaine à l’Université Paris 13.
Sa “vraie vie”, comme elle disait, n’était pas moins passionnelle. Avec son mari, Adam Képès, chercheur en biologie moléculaire à l’Institut Pasteur, ses deux filles, Yolande et Marise, elles-mêmes médecins, et ses petitsenfants, elle vivait la plénitude d’être mère, d’être épouse, d’être femme, l’essentiel du combat de toute une vie.
Lettre ouverte aux enseignants sur l’éducation sexuelle de S. Képès, Bordas, 1974
Femmes à cinquante ans, de S. Képès et Michèle Thiriet, Point Seuil, 1986
Du corps à l’âme, de Suzanne Képès et Danielle M. Levy, l’Harmattan, 1996 (il s’agit de l’autobiographie de Suzanne Képès, toujours disponible chez l’éditeur)
Relaxation et Sexualité, de Suzanne Képès et Philippe Brenot, Odile Jacob, 1998