Intérêt des enveloppements humides initalement froids (packing) dans les troubles graves du comportement chez les enfans et adolescents autistes
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Intérêt des enveloppements humides initalement froids (packing) dans les troubles graves du comportement chez les enfans et adolescents autistes

En l’absence à ce jour d’étude standardisée sur l’efficacité des packings, nous avons élaboré cette méthodologie portant uniquement sur des aspects comportementaux pour démontrer que les packings présentent un intérêt clinique et thérapeutique. Tous les enfants doivent bénéficier d’une prescription initiale par risperidone compte-tenu de l’Autorisation de Mise sur le Marché de la molécule. Ne pas leur proposer actuellement dans ce cadre précis d’un protocole de recherche aurait été considéré comme une perte de chance pour les enfants inclus (cet avis dans le cadre d’une recherche n’est bien sûr pas valable dans la clinique quotidienne). Cette étape initiale franchie, nous proposerons d’autres méthodologies (Packings vs ris-peridone) en valorisant davantage l’évaluation de la psychothérapie. Cet article ne doit pas donner l’impression que le packing ne serait qu’une technique comportementale de contention pour faire céder des troubles du comportement. Ces enveloppements doivent bien être compris, selon l’expression de Pierre Delion, comme un  » aménagement du cadre psychothérapeutique  » individuel et unique, dans la mesure où la relation avec cet enfant ne s’avère possible, actuellement, que dans ce cadre.

Packing

Depuis plusieurs années, la technique du packing (ou séances d’enveloppements humides initialement froids, environ 10?) est proposée pour le traitement des enfants et adolescents autistes les plus gravement malades, ou qui présentent des troubles graves du comportement (hyperactivité, instabilité grave, auto- ou hétéro-agressivité, stéréotypies envahissantes, anorexie grave (hypothèse d’une  » troisième peau musculaire « ), insomnie rebelle notamment) (Delion, 1998). La technique du packing est basée sur le réchauffement thermique cutané rapide (de l’ordre de cinq minutes selon des vérifications par thermomètres cutanés) obtenu en enveloppant le corps de l’enfant (il garde ses sous vêtements) dans des serviettes de bain mouillées au robinet et essorées (une pour chaque bras et jambe, une pour le tronc et les deux bras, et une pour les deux jambes). Seuls les membres supérieurs et inférieurs et le tronc sont enveloppés ; la tête et le visage ne sont pas concernés. Les serviettes sont recouvertes d’un tissu imperméable retenant la chaleur du réchauffement et de deux couvertures pour le faciliter. Ces tissus d’une température proche de +10, +15?C en début de séance saisissent l’enfant et se réchauffent très rapidement pour avoisiner la température du corps jusqu’à la fin de la séance. Seule la température superficielle est transitoirement diminuée, le patient ne présente pas d’hypothermie. À l’issue de la séance, le sujet est éventuellement frictionné, puis aidé à se rhabiller et accompagné vers le lieu de vie où une collation est proposée dans une ambiance conviviale. Les séances d’enveloppement ont lieu une ou plusieurs fois par semaines en fonction de l’état de santé du patient.

Les packings aident les enfants à renforcer leur conscience des limites de leur corps. Le packing a pour but d’aider le patient à retrouver une image corporelle en privilégiant ses vécus sensoriels et émotionnels. Bien plus qu’une méthode comportementale et uniquement corporelle, le packing permet d’aider l’enfant à retrouver un sentiment d’entourance (Haag et al, 1995), qui permet l’établissement d’une relation avec les soignants qui l’accompagnent attentivement pendant les séances. Les packings entrent dans le cadre d’un projet de soins individualisés en accord avec les parents. Ils n’ont jamais lieu quand ils sont refusés par l’enfant. Cette prise en charge s’intègre au sein d’une prise en charge pluridisciplinaire, qui associe idéalement des soins, à des approches éducatives et pédagogiques adaptées. Certains résultats (Tordjman et al, 1999, Tordjman & Charras, 2007) suggèrent que l’observation d’une apparente diminution de réactivité à la douleur dans l’autisme infantile ne relèverait pas d’un mécanisme d’analgésie endogène, mais plutôt d’un mode différent d’expression de la douleur, en rapport avec les troubles de la symbolisation, les troubles de la communication verbale et non verbale et certains autres troubles cognitifs : troubles de l’apprentissage et de l’image du corps, problème de représentation des sensations et des émotions, difficultés à établir des relations de cause à effet. Un certain rapport semble exister entre l’amélioration des comportements de réactivité à la douleur et la progression de la construction corporelle telle que mise en évidence par la grille de G. Haag et al.

Selon Tordjman et Charras, une hypothèse est que certains patients autistes se servent des automutilations sur un mode addictif pour provoquer une sensation douloureuse, sachant que ces automutilations, d’après les observations cliniques des soignants et des parents, apparaissent essentiellement lorsque les patients sont stressés. Il est possible que cette sensation douloureuse permette aux patients de se focaliser complètement sur eux-mêmes, c’est-à-dire de pouvoir accéder à un certain retrait autistique, et de se couper d’un environnement anxiogène comme si cette sensation douloureuse avait un effet hypnotique. Selon ces auteurs, le packing, grâce au saisissement par le froid, mobilise la sensibilité thermo-algique par l’intermédiaire du faisceau spino-thalamique, et court-circuite la sensation douloureuse sur laquelle l’enfant se serait possiblement focalisé. Il s’agit donc de remplacer, grâce au packing, une sensation dont le patient est devenu extrêmement dépendant par un autre type de stimulation mobilisant le même circuit neurophysiologique. Ce  » substitut  » peut lui permettre de sortir de sa dépendance aux automutilations et des sensations douloureuses qui lui sont associées. Selon Tordjman et Charras, il se peut que la mobilisation des circuits provoquée par le packing soit efficace à long terme contre les comportements d’automutilations. En d’autres termes, si l’enfant avec autisme, focalisé sur la sensation douloureuse qu’il provoque et contrôle à partir de ses automutilations, concentre maintenant son attention sur le saisissement engendré par le packing, il est possible que l’on puisse entamer un travail de désaccoutumance par rapport à ses conduites auto-agressives et aux sensations qui en découlent.
Malgré la polémique nationale passionnée au sujet du packing dont le Lancet (Spinney 2007) fait un résumé synthétique très objectif et nuancé, les résultats cliniques suggèrent un rapport bénéfice/risque très favorable.

Une étude prospective multicentrique contrôlée en aveugle

Objectifs

L’objectif principal de cette étude de phase II (Goeb et al, 2008a) est de mesurer l’efficacité à trois mois des techniques de packing dans les troubles graves du comportement des enfants présentant un TED en tant que traitement adjuvant de la prescription de risperidone (Add-on therapy). Outre l’objec-tivation avec des échelles standardisées de l’efficacité clinique des packings, nous attendons de cette étude une précision de la place des packings dans la stratégie thérapeutique globale à proposer aux enfants autistes les plus gravement malades. La durée prévue de l’étude est de trois ans.

Le critère principal de jugement est la diminution de l’intensité des troubles du comportement objectivés par une amélioration du sous-score  » Irritabilité  » de l’échelle Aberrant Behavior Checklist (ABC, Amman et al, 1985) à la 12ème semaine. Les mesures seront réalisées en aveugle par une psychologue indépendante de l’équipe de soin.

L’efficacité des packings sera également mesurée par l’impression clinique globale (CGI) ; la diminution de l’intensité des symptômes autistiques (CARS) ; la diminution du score de l’échelle d’automutilations de Yale-Paris (Tordjman et al, 1999) ; l’amélioration clinique et de la qualité de vie appréciée par les parents et les équipes soignantes (sommeil, agitation, instabilité psychomotrice, auto-agressivité, stéréotypies) ; l’amélioration de la relation à autrui, et de la qualité du contact interpersonnel.

Critères d’inclusion

Cette étude concerne les enfants et adoles-cent(e)s âgé(e)s de plus de cinq ans présentant un syndrome autistique ou un TED non spécifique selon l’ADI-R, présentant des troubles graves du comportement tels que auto ou hétéro-agressivité, auto-mutilations, instabilité psychomotrice sévère, stéréotypies graves et envahissantes (objectivés par un sous-score  » Irritabilité  » de l’échelle ABC>18 et un score CGI>4), sans antécédent de mort subite chez les sujets jeunes dans la famille, et après consentement éclairé du ou des parents ou du représentant légal.

Déroulement de l’étude

Le recrutement des patients se discute lorsqu’une prise en charge par packing est proposée à un enfant ou un adolescent répondant aux critères d’inclusion de l’étude. Pour aider à l’information des parents, il leur est proposé de visionner le DVD Le Cocon de Soi réalisé par les parents et l’équipe de prise en charge d’une enfant avec autisme de quatre ans ayant bénéficié de séances régulières de packing pendant un an.

Une randomisation détermine définitivement le mode de prise en charge pour les trois mois qui suivent le traitement par risperidone seule : 1) soit bras avec poursuite de la risperidone seule, 2) soit bras risperidone avec enveloppements secs, 3) soit bras risperidone avec enveloppements humides et initialement froids. Les enveloppements secs consistent en des enveloppements dans une couverture simple dans les mêmes conditions de placement du corps, de rythme et de personnel mobilisé qu’au cours des séances de packing.
À l’issue des quatre mois de prise en charge, l’enfant sort du protocole d’étude, mais il bénéficie de la poursuite des soins engagés. L’arrêt ou la poursuite de la risperidone est décidé en fonction de l’état de santé du patient, de l’efficacité et des effets secondaires éventuels de la prescription par le médecin responsable de la prise en charge habituelle de l’enfant. Dans le cas où les enveloppements secs se sont avérés inefficaces, la réalisation de packings humides et initialement froids est possible en dehors du cadre de l’étude sur décision du médecin responsable des soins de l’enfant. Les mêmes évaluations standardisées mensuelles sont possiblement réalisées sans aveugle, l’enfant devenant alors son propre témoin. Les données issues des patients inclus dans ce groupe donneront lieu à un traitement statistique particulier. Dans le cas où les packings ou les enveloppements secs ont été efficaces, leur poursuite est bien entendu toujours possible selon l’avis du médecin responsable.

Surveillance

Aucun examen supplémentaire aux pratiques habituelles n’est demandé dans le cadre de l’étude. Les évaluations cliniques et biologiques réalisées correspondent aux recommandations d’évaluations au cours de la prise en charge d’un enfant ou d’un adolescent souffrant d’un TED (ANAES 2005), et aux recommandations de surveillances neurologiques, cardiaques et métaboliques d’un traitement antipsychotique, notamment : un électro-cardiogramme initial et sous risperidone (à la recherche notamment d’un allongement de l’espace QT), une mesure du poids et de la taille au début de la prescription et chaque mois ensuite est importante, car l’indice de corpulence (BMI=P/T3) ajusté au sexe et à l’âge de l’enfant (Z-score) est un moyen commode et fiable de surveillance d’une éventuelle prise de poids (Goeb et al, 2008b). D’autres mesures sont également utiles : pression artérielle, tour de taille, tour de hanche, glycémie à jeun, cholestérol total et triglycérides. Les événements indésirables graves seront notifiés à l’investigateur principal et au promoteur.

Remerciements

Cette étude bénéficie d’un financement public Programme Hospitalier de Recherche Clinique National (N°EudraCT : 2007-A01376-47) et d’un soutien de la Fondation de France. Promoteur CHU de Lille. Les auteurs ne présentent aucun conflit d’intérêt.

Notes

  1. Auteur correspondant :Dr JL Goeb, service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (Pr Pierre Delion), CHU, 59037 Lille. jean-louis. goeb@ univ-lille2. fr
  2. Pôle Régional des Troubles du Développement (Neuropédiatrie, Pédopsy -chiatrie), Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Centre Hospitalier et Universitaire, Lille, France.
  3. Laboratoire Neurosciences Fonction nelles et Pathologies, CNRS, UMR 8160, Université de Lille 2, France.
  4. Centre Ressources Autismes Picardie, Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Centre Hospitalier et Universitaire, Caen, France.
  5. Centre Ressources Autismes Basse Normandie, Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Centre Hospitalier et Universitaire, Amiens, France

Références

Aman M.G., Singh N.N., Stewart A.W., et al. The Aberrant Behavior Checklist: A behavior rating scale for the assessment of treatment effects, Am J Ment Deficiency, 1985, 89: 485-491.

ANAES, Recommandations pour la pratique professionnelle du diagnostic de l’autisme, Juin 2005, hhttp:// www. has-sante. fr/ portail-display. jsp? id= c\_468812[Page consultée en mai 2008]

Delion P., Le packing avec les enfants autistes et psychotiques, 1998, Erès, Toulouse.

Goeb J.L., Bonelli F., Jardri R., Kechid G., Lenfant AY., Delion P.  » Packing therapy in children and adolescents with autism and serious behavioural problems « , European Psychiatry, 2008; 23(Suppl. 2) : S405-S406.

Goeb J.L., Marco S., Duhamel A., Jardri R., Bordet R., Delion P., Thomas P.,  » Metabolic side effects of risperidone in early onset schizophreni a », Prim Care Companion J Clin Psychiatry, 2008,10(6):486-487.

Haag G., Tordjman S., et al.,  » Grille de repérage clinique des étapes évolutives de l’autisme infantile traité « , Psychiatrie de l’enfant, 1995; 38: 495-527.

Spinney L.,  » Therapy for autistic children causes outcry in France « , The Lancet 2007;370:645-646, 25 août 2007.

Tordjman S., Antoine C., Cohen DJ., Gauvain-Piquard A., Carlier M., Roubertoux P., Ferrari P.,  » Study of the relationships between self-injurious behavior and pain reactivity in infantile autism « , Encephale, 1999 ; 25:122-34.

Tordjman S., Charras K.,  » Intérêts d’une meilleure compréhension de l’apparente insensibilité à la douleur et des automutilations dans l’autisme : vers de nouvelles perspectives thérapeutiques « , in : Delion P (Ed), La pratique du packing avec les enfants autistes et psychotiques en pédopsychiatrie, Ramonville, Eres, 2007- pp 49-61.