Introduction à l’oeuvre de Roger Perron : parcours, apports, enjeux
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Introduction à l’oeuvre de Roger Perron : parcours, apports, enjeux

Roger Perron est une des figures tutélaires marquantes de la psychologie clinique française à l’instar de Daniel Lagache, Juliette Favez Boutonnier, Claude Revault-d’Allones, Didier Anzieu, Nina Rausch de Traubenberg, Pierre Fédida, Colette Chiland, Jean Guillaumin, René Kaës, Roland Gori, Catherine Chabert, etc… Discret médiatiquement, il n’en est pas moins l’auteur prolifique d’ouvrages et de mises au point fondamentales sur la définition de la psychologie clinique, son objet, sa démarche, ses méthodes et objets de recherche. Pour situer l’œuvre de R. Perron, celle-ci ne manque pas d’impressionner : 25 livres en son nom propre, 14 (co)directions d’ouvrages, 45 chapitres, 154 articles, de quoi être assez bien qualifié par le CNU et accrédité par l’AERES aujourd’hui malgré des critères de plus en plus drastiques ! Par ailleurs son parcours -de la psychologie expérimentale et différentielle à la psychanalyse en passant par la psychologie clinique où il contribua à donner ses lettres de noblesse au bilan psychologique- et sa culture lui permettent une ampleur et profondeur de vue exemplaires en matière de réflexions épistémologiques concernant le statut de la scientificité de la psychologie clinique puis de la psychanalyse qu’il défend avec opiniâtreté face au retour impérialiste de la psychologie et psychiatrie dite scientifique, calquée sur les principes de l’Evidence Based Medecine, la médecine fondée sur les preuves. Il ne suffit pas de proclamer, même à raison, qu’elle repose sur une idéologie scientiste, il importe de montrer comment les critères de scientificité de la clinique d’orientation psychanalytique ne sauraient s’aligner sur les critères des sciences expérimentales : de ce point de vue l’œuvre de R. Perron est exemplaire et elle permet de penser et d’organiser une réponse constructive qui puisse faire résistance.

Roger Perron est né en 1926. Après des études primaires et secondaires « fin de 3ème république » (bon élève en primaire il est orienté vers le secondaire), il entra à l’École Normale d’instituteurs puis il obtint son bachot en deux parties. Il effectua alors la toute nouvelle licence de psychologie, crée en 1947 à la Sorbonne par Lagache où il passa alors les 4 certificats réglementaires : psychophysiologie, psychologie de l’enfant, psychologie expérimentale, psychologie sociale.

En 1949 il entra, non pas comme psychologue, mais comme « collaborateur technique », ce qui correspond à peu près à nos actuels ingénieurs d’études, au service de R. Zazzo au laboratoire de psychologie de l’Hôpital Henri Rousselle, laboratoire rattaché au CNRS. R. Zazzo (1910-1995), fondateur de la psychologie scolaire en France, travaillait alors à la révision du Binet-Simon et R. Perron a donc collaboré à la refonte du premier test d’intelligence. Il est très tôt au cœur de l’élaboration pratique des tests et donc très au fait des débats scientifiques et idéologiques qui les concernaient et dont il rendit compte avec beaucoup d’honnêteté et d’humour dans son livre L’intelligence de l’enfant et ses troubles (2004), parcours commenté de ses travaux les plus significatifs sur la question.

Après 4 ou 5 ans à tracer des courbes de développement et à traiter des données techniques pour Zazzo, R. Perron revendiqua un statut de chercheur autonome qu’il obtint et il devint successivement attaché de recherches, chargé de recherches puis directeur de recherches, dans le champ de la psychologie de l’enfance, à l’époque dite inadaptée, et ce toujours au CNRS qu’il ne quitta pas. Dans le livre précité, il rapporte son emploi du temps d’alors : consultations (cliniques) le matin et activités de recherche (différentielles) l’après-midi sur les outils utilisés le matin, une activité alimentant l’autre, mais on voit déjà apparaître tout son souci de ressaisir le fonctionnement de l’instrument (l’intelligence, les « instruments », l’écriture) dans le fonctionnement plus global de la personnalité. Le titre de son premier livre coécrit avec Hélène de Gobineau en 1954 en témoigne Génétique de l’écriture et étude de la personnalité.

À la fin des années 50, R. Perron travaille en compagnie de Zazzo, Fraisse, Reuchlin, Oléron, soit le meilleur de la psychologie expérimentale et différentielle, mais il côtoie aussi H. Wallon et J. Piaget. A cette époque, entre autres, il porte son attention sur le test du double barrage (rapports vitesse-précision) et il montre que les résultats dépendent des facteurs d’atmosphère de la relation et de la posture du psychologue, anticipation clinique de l’inter-dépendance entre l’observé et l’observant, le sujet connu et le sujet connaissant. Il fait également partie du groupe de pionniers qui élabora le premier code de déontologie des psychologues en 1958.

Du point de vue académique, il obtint en 1961 son diplôme de l’École Pratique des Hautes Etudes avec une recherche (équivalent de thèse) dirigée par Zazzo portant sur les niveaux de tension et le contrôle de l’action. Sa première thèse de doctorat de 3ème cycle, en 1963, sous la direction de P. Fraisse, est encore très expérimentale, et elle portait sur « la réaction électrodermale comme indicateur de l’activité ». Zazzo quitta en 1962 l’hôpital H. Rousselle et prit la suite de H. Wallon au laboratoire de psychobiologie de l’enfant à l’École des Hautes Etudes. R. Perron le suit mais il n’est déjà plus très à l’aise avec les conceptions organicistes de Zazzo sur la débilité mentale, conceptions que R. Perron ne trouvait d’ailleurs pas très cohérentes avec l’engagement « marxiste » de ce dernier. Il travaille alors au dégagement des facteurs de personnalité dans la genèse et le fonctionnement de la déficience, anticipant sur l’approche épigénétique d’aujourd’hui et, seul ou en collaboration, il développe de nouveaux instruments d’analyse du fonctionnement mental de l’enfant comme par exemple le DPI (Dynamique personnelle et images), une épreuve projective assez utilisée en psychologie scolaire.

Notons que de son côté, mais leurs travaux sont évidemment très liés, Michèle Perron-Borelli, psychologue à la Fondation Vallée, développe les EDEI « Echelles différentielles d’efficiences intellectuelles ». Il s’agit d’épreuves qui tentent de combiner une évaluation globale du niveau intellectuel et une analyse fonctionnelle des troubles de la pensée catégorielle observables dans les psychoses infantiles déficitaires, mais également dans d’autres types d’évolution déficitaire. En compagnie de M. Perron-Borelli, R. Perron (1971), tout en ne se départissant jamais d’une critique épistémologique, plus qu’idéologique, sur les tests et l’utilisation dénaturée des mesures (le QI et ses illusions, mais également les échelles de mesures), contribua à fonder ce qui s’appellera plus tard le bilan psychologique « complet », combinant des épreuves intellectuelles, instrumentales, et projectives (telles que définies par N. Rausch de Traubenberg, V. Shentoub, C. Chabert) pour appréhender les difficultés de l’enfant dans leur rapport avec la personnalité globale. Bilan complet, interprété dans une perspective psychanalytique, qui sera défendu et illustré par la suite par R. Debray (2000), M. Emmanuelli (2004) et toute l’École dite de Paris, mais qui est aujourd’hui menacé par le retour d’une conception parcellaire, dite « moderne et scientifique » ayant infiltré les CHU, les centres ressources (autisme ou dys) et la médecine scolaire. Cette psychologie moderne et scientifique, sous prétexte d’objectivité absolue et de néo-positivisme, nous renvoie en fait plus d’un siècle en arrière sur le plan des idées, tout ceci pour permettre une approche rationnelle des « troubles mentaux » devenus des handicaps, envisagés dans une perspective catégorielle écartant l’aspect dimensionnel, et ce sur le modèle de la médecine la plus technique et la moins humaniste qui soit, loin des avancées psychopathologiques de Binet et Simon, Janet, Wallon et Freud bien sûr. Bien que dénoncée de toutes parts cette approche gagne du terrain car elle est soutenue par « la dictature de l’opinion » (Hochmann) en collusion avec le modèle gestionnaire néolibéral, l’attrait obsessionnel des comptes et mesures permettant d’éliminer la subjectivité, l’intériorité psychique, qui peinent à entrer dans les logiciels informatiques. Derrière la psychologie clinique et la psychanalyse ce sont les sciences humaines et sociales et la pensée qui sont aujourd’hui mises en cause par le néolibéralisme et, de ce point de vue, il a été remarquablement rappelé par J-P Pinel dans un colloque récent que le 4ème temps, postmoderne, des institutions sociales et de soins met en jeu une crise de la transmission, de la généalogie et de la filiation, le modèle gestionnaire néolibéral qui a pris la place des grands fondateurs et humanistes à la tête des institutions n’ayant que faire de (la pensée) de l’histoire au profit de l’instant présent.

Mais revenons à la trajectoire de R. Perron : au milieu des années 60, il est donc insatisfait de son approche de la déficience, ce qui l’amène progressivement à des changements méthodologiques, théoriques, et pratiques. Je le cite : « au fil des années je n’ai pas cessé, à propos de ces questions et de bien d’autres, de ressentir une certaine insatisfaction ; l’insatisfaction précisément de ce qui manquait dans ma façon de penser le manque (…) J’avais la sensation de passer à côté de ce dont pourtant ces enfants me donnaient sans cesse, dans la clinique, le spectacle : il s’agit aussi d’espoirs et de déceptions, de désirs et d’angoisses, de blessures narcissiques et de rodomontades compensatrices, de supériorité et d’infériorité, d’adaptation sociale et de perspectives de vie, etc. (…) J’avais à faire avec des personnes (…) et je souhaitais comprendre mieux le fonctionnement psychique de ces personnes. Je ne savais trop comment traiter cela ; les instruments de la psychologie m’y paraissaient bien pauvres. Je soupçonnais depuis longtemps que Freud pouvait offrir mieux, dans une optique où le conflit est situé au cœur des choses ; or c’est bien à des conflits, interpersonnels et intra-personnels, qu’à l’évidence on a ici affaire (…) Il me fallut donc du temps, une analyse personnelle, une pratique analytique suffisante, une nouvelle clinique, une longue réflexion alimentée de lectures dans ce champ nouveau, etc. Cela s’accompagna d’un glissement de mes intérêts, des « débilités simples » (ou supposées telles) qu’on rencontre banalement dans les classes de perfectionnement, vers les psychoses déficitaires et d’un changement de cadre de travail, du Laboratoire de psychobiologie de l’enfant dirigé par Zazzo à la Fondation Vallée » dirigée par le Pr Roger Misès (2004, p. 156).

R. Misès (décédé en Juillet 2012) est avec S. Lebovici et R. Diatkine un des pionniers de la pédopsychiatrie psychodynamique française. Il avait transformé dans l’après guerre l’asile qu’était la Fondation Vallée, située à Gentilly, en un inter-secteur moderne où s’élaboraient les structures institutionnelles que nous connaissons aujourd’hui (hôpital de jour, CATTP, travail en réseau) et où se définissait la psychopathologie psychanalytique qui donnera lieu à la CFTMEA. Ensemble R. Misès et R. Perron créent donc au début des années 70 le « laboratoire d’études génétiques de la personnalité » et ils se consacrent à l’étude du fonctionnement affectivo-cognitif (les deux faces du même psychisme) de l’autisme, des psychoses infantiles, des dysharmonies évolutives, les TED non spécifiés d’aujourd’hui selon le DSM, on mesure la régression. La déficience est alors réintégrée dans le champ plus large des perturbations des structures de la personnalité ce qui autorise aussi des perspectives thérapeutiques moins pessimistes. Leur collaboration aboutira à un livre de synthèse indépassé cosigné avec R. Salbreux, Retards et troubles de l’intelligence chez l’enfant. De cette époque date également un intérêt pour les origines et fondements du psychisme, sur les enchaînements processuels intrapsychiques et intersubjectifs qui font passer l’enfant de l’hallucination primitive aux premières représentations mentales et à l’élaboration fantasmatique. Ces préoccupations irriguent les nombreux travaux que R. Perron (et M. Perron-Borelli) consacrèrent à ces questions et qui furent réunis dans un ouvrage publié (en Algérie) intitulé Fantasme, action, pensée. Aux origines de la vie psychique (1997).

Si l’on revient sur son parcours académique, R. Perron soutint en 1974 à Nanterre sa thèse dite d’État, ce qui correspond à notre HDR (habilitation à diriger des recherches) moderne, thèse dont le titre est « Le sentiment de valeur personnelle ». Il s’agit d’une synthèse de ses premiers travaux (déjà 40-50 articles) où il tente, dans un esprit tout Lagachien, de réconcilier la psychologie clinique et la psychologie expérimentale. Il est alors félicité par J. Favez-Boutonnier mais essuie les critiques de Fraisse, Reuchlin et Oléron : probablement voient-ils qu’il est déjà perdu pour la psychologie différentielle et expérimentale ! Sur le plan de l’enseignement et de la recherche, R. Perron est appelé en tant que chercheur CNRS à exercer comme chargé de cours (il n’était pas Professeur des Universités) en DESS et en DEA à l’Institut de Psychologie de Paris V où il dirigea l’essentiel de ses thèses (plus de 40), mais aussi à Aix et à l’ULB à Bruxelles, etc. Il fut également un an « professeur extraordinaire » à Genève. A l’Institut de psychologie il assura en DEA un séminaire d’épistémologie et de méthodologie de la recherche, enseignement que lui-même définit comme « austère », mais ô combien précieux pour ceux qui l’ont suivi et qui préparèrent ensuite une thèse : Ch. Arbisio, mais également S. Missonnier, F. Marty et moi dans la promotion de 1990-1991, et probablement bien d’autres. Il encadra également de nombreux travaux de psychologie scolaire sur les inhibitions, et autres difficultés d’apprentissage rencontrées par les psychologues à l’école (R. Perron, J-P. Aublé et Y. Compas, L’enfant en difficultés, Dunod, 1994).

Après les années héroïques de la psychologie clinique (Lagache, Favez-Boutonnier, Anzieu) l’heure est dans les années 80-90 au retour réflexif sur ce qui constitue et définit la discipline, ses objets, sa méthode, sa démarche : paraissent ainsi plusieurs ouvrages de synthèse (Pedinielli, Revault d’Allones, Séchaud). Celui de R. Perron est un collectif basé sur la pratique clinique (La pratique de la psychologie clinique, Dunod, 1997). Il y définit la psychologie clinique comme centrée sur la personne : « la psychologie clinique se donne pour but d’expliquer les processus psychiques de transformation dont la personne est le siège », la personne étant elle même définie comme « une structure, régie par des lois d’autorégulation et qui peut être considérée comme un système de transformations ». Il défend avec vigueur une approche descriptive, explicative et compréhensive de la personne (ou du groupe de personnes) en termes fonctionnels et non classificatoires, taxinomiques. C’est à ce niveau, celui de l’étude du fonctionnement mental ou psychique, du fonctionnement de l’appareil psychique, qu’il pose la question des modèles théoriques utilisables en psychologie clinique et de leurs rapports. Un chapitre fort s’intitule Que faire de la psychanalyse ? tant pour l’enseignant, l’étudiant que le psychologue clinicien lui-même, puisqu’il existe un réel risque de réductionnisme et de confusion si l’on rabat l’une sur l’autre.

Ces précisions sur les risques de réductionnisme sont remarquables. Pour beaucoup d’entre nous, qui défendons à l’Université un enseignement de psychologie clinique et de psychopathologie référencé à la psychanalyse sans exclusive totalitaire, car les deux métiers de psychologue clinicien et de psychanalyste ne sauraient être confondus, la métapsychologie psychanalytique intra et intersubjective (Kaës, Roussillon) reste un outil fécond pour penser les pratiques et les dispositifs cliniques des cliniciens qui ne sauraient « singer » la cure type et certains de ses insignes datés (le silence…). En retour ces nouveaux territoires (dans la rue, dans les corridors, les interstices, les salles d’attente, au travail, etc.), ces nouveaux dispositifs (médiations individuelles, groupales, institutionnelles), ces nouvelles cliniques (extrêmes, limites, frontières, inter et transculturelles, etc..) doivent venir réinterroger la théorie qui sinon se sclérose et devient répétition mortifère. Nous ne devons ni nous isoler dans notre tour d’ivoire, ni tomber dans « l’éclectisme confus, négligent ou orgueilleux » (les termes de R. Perron) de la « psycho(patho)logie dite « intégrative » qui, dans certains lieux, vise surtout à « désintégrer » la clinique, mais nous devons dialoguer sur des positions épistémiques fermes avec nos collègues des autres disciplines, psychologie du développement, psychologie cognitive, neurosciences pour trouver les articulations, les interfaces, les mises en tension nécessairement contradictoires qui nous permettront d’avancer dans la compréhension du psychisme humain et de soutenir des prises en charge multidimensionnelles, multiaxiales combinant soin, éducation et pédagogie (Misès, Hochmann).

R. Perron avait commencé sa formation analytique à la fin des années 60 à la SPP. Il en est aujourd’hui un membre formateur, recherché pour ces qualités humaines affichées en supervision. Il pratique également de longue date le psychodrame, activité qu’il poursuit au centre J. Favreau qui est le centre de consultations psychanalytiques de l’Institut de psychanalyse. Depuis plus de 30 ans il consacre maintenant l’essentiel de ses écrits à des thèmes très actuels : notons en compagnie de M. Perron-Borelli un rapport intitulé Fantasme et action, qui fit date au Congrès des psychanalystes des langues romanes de 1987 et qui interrogeait déjà cette opposition figée entre représentation, pensée et action. Aujourd’hui où 80% des problématiques rencontrées par les psychologues seraient des problématiques d’agirs et de violences, il est vital de penser le langage de l’acte, du corps, du comportement, de l’affect, etc. J’ai déjà cité ses intérêts pour l’originaire, la naissance de la vie psychique, les processus de différenciation au cœur de l’être qui s’articulent avec la problématique représentation/acte.

Ces dix dernières années, R. Perron consacra de nombreux articles et chapitres, puis son avant dernier livre (La raison psychanalytique), dans le prolongement de ses travaux plus anciens, à tenter de répondre aux critiques et aux exhortations de nombreux collègues à rendre la psychanalyse « scientifique », la science se réduisant ici au modèle néopositiviste des sciences exactes, de la physico-chimie et encore d’avant la révolution quantique. R. Perron examine donc au triple plan de la théorie, de la clinique et de la pratique psychanalytiques, ce qui définit une activité comme source et objet de science. A une époque où la psychanalyse est mal intentionnellement systématiquement rabattue sur la question étiologique mettant en cause les parents, alors que l’approche compréhensive et fonctionnelle (le comment) importe au total beaucoup plus que l’approche explicative (le pourquoi) toujours multifactorielle, il faut lire la remarquable argumentation de R. Perron sur la complexité du déterminisme psychique où les phénomènes d’après coup ont leur part, infirmant toute prétention linéaire, et sur l’utilisation que nous pouvons faire des théories du chaos, du hasard, de l’auto-organisation, etc. Enfin il définit les différents niveaux de réalité (événementielle, historique, psychique) auxquels nous avons affaire et répond point par point aux critiques habituelles concernant le défaut d’objectivité, le statut de la preuve, les questions de prédictivité, de réfutabilité, de falsifiabilité, etc., qui nous sont habituellement adressées dans une certaine méconnaissance de la clinique. En ce sens cet ouvrage très érudit de R. Perron peut être considéré comme le bréviaire de tout chercheur en herbe ou plus confirmé ayant un jour à dialoguer avec la communauté scientifique.

Qu’on soit en accord relativement complet ou en désaccord sur tel ou tel point, l’œuvre progressive de R. Perron, par sa cohérence, sa force de conviction, son optimisme également, constitue pour notre communauté une assise de pensée et de réflexion dont nous le remercions infiniment.1,2,3

Ce texte reprend une communication introductive au colloque organisé le 5/04/2012 par l’UTRPP de l’Université Paris 13, « Autour de l’œuvre de Roger PERRON : du bilan psychologique à l’épistémologie de la recherche en psychologie clinique et en psychanalyse », en présence de l’auteur.

Notes

  1. Les éléments biographiques évoqués ici sont issus pour une part du recueil de textes de R. Perron intitulé L’intelligence de l’enfant et ses troubles (Dunod, 2004), pour une autre part des échanges que j’ai eus avec lui pour la préparation de ce colloque.
  2. On y ajoutera, entre autres, les travaux de J. Guillaumin, S. et J. Pragier, G. Pirlot, R. Roussillon, etc.
  3. « Actualité des cliniques institutionnelles », Université Paris 13, 29 et 30/03/2012.
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